Comment expliquer la résilience des assurtechs françaises en 2020 ?

Comment expliquer la résilience des assurtechs françaises en 2020 ?

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Alors que la crise sanitaire et économique liée au Covid-19 a des conséquences sur l’ensemble de nos sociétés, les jeunes pousses de l’assurance françaises ont tenu bon en 2020. Certaines d’entre elles ont même réussi des levées de fonds parfois impressionnantes. Pourquoi les assurtechs résistent-elles si bien dans un tel contexte ?

  • En bref : Les jeunes pousses de l’assurance face à la crise du Covid-19
  • Depuis plusieurs années, et notamment grâce à la libéralisation du marché assurantiel, de nouvelles entreprises sont venues bouleverser le secteur ;
  • Ces entreprises ne sont vieilles que de quelques années, mais continuent toujours d’attirer l’intérêt des investisseurs ;
  • Régulièrement, ces jeunes pousses réalisent des levées de fond, et cela a également été vrai en 2020 malgré la crise sanitaire et économique liée au Covid-19 ;
  • Les assurtechs, grâce à leur modèle proche des consommateurs, digital et flexible changent peu à peu le paysage assurantiel ;
  • Leur succès s’explique par plusieurs phénomènes, de l’ouverture du marché à la concurrence à un contexte social et sanitaire favorisant des entreprises en rupture avec un modèle vieillissant, souvent considéré comme étant trop opaque et rigide par les consommateurs ;
  • En 2020, l’une des levées de fonds les plus notables fut celle de la mutuelle en ligne Alan, avec quelque 50 millions d’euros.

2020 : les assurtechs françaises ne connaissent-elles pas la crise ?

L’année 2020 a été marquée par la crise sanitaire liée au Covid-19. L’impact a été global et les conséquences de la pandémie se sont manifestées à tous les niveaux, altérant le fonctionnement même de nos sociétés. Pour de nombreux secteurs, y compris celui de l’assurance, ces bouleversements ont amené leur lot de questionnements. Quel rôle pour les assureurs en temps de crise ? La pandémie a-t-elle accéléré la digitalisation du monde assurantiel ? Comment celle-ci l’a-t-elle impacté ? Faudrait-il finalement réinventer le modèle de l’assurance lui-même ?

Si ces interrogations animaient les débats avant la crise, aujourd’hui, elles sont au centre des réflexions. Il peut donc être intéressant de regarder un peu en arrière, notamment en analysant l’activité des assureurs en ligne en 2020. Dans son article « Assurance : les start-up surfent sur la crise », Le Figaro revient sur la vitalité économique des jeunes pousses françaises l’an dernier, lesquelles ont très régulièrement levé des fonds, y compris en pleine pandémie mondiale.

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Comme le soulignent Les Échos, les start-ups françaises ont globalement connu une belle forme l’an dernier, en dépit du Covid-19. À l’international, les start-ups ont même battu un record en levant quelque 5,4 milliards d’euros en 2020 (baromètre EY), attestant de la « résilience de l’écosystème », précise le journal. Les jeunes entreprises présentent une véritable alternative à l’offre traditionnelle des secteurs auxquels elles s’attaquent. Comme pour l’assurance, leur stratégie repose sur des offres en ligne, plus transparentes, dont les démarches sont simplifiées et les services faciles d'accès.

Selon certains observateurs du secteur assurantiel, il reste cependant important de garder un œil critique sur ces succès. Il semblerait en effet qu’une catégorie précise d’entreprises suscite l’intérêt des investisseurs : les assurtechs adoptant une stratégie B2C (pour « business to consumer »), courtiers/néoassurances. Deux cas notables : Alan et Seyna, qui ont toutes deux obtenu un agrément par l’ Autorité de contrôle prudentiel et de résolution – ou ACPR. Il a s'agit à ce jour des seules assurtechs dans ce cas.

Assurance : un marché français en perpétuelle métamorphoseAvec la mise en place de la loi Hamon en 2015, le secteur de l’assurance a commencé une visible métamorphose. Faciliter le changement de contrat avec la résiliation à tout moment a permis de faciliter la mise en concurrence des offres, ainsi que l’apparition de nouveaux acteurs sur le marché. Tout cela, couplé à la démocratisation des outils numériques, favorise l’intérêt généré par les assurtechs, lesquelles se positionnent en rupture avec les acteurs traditionnels du marché assurantiel.

Quels assureurs en ligne ont levé des fonds en 2020 ?

En 2020, plusieurs start-ups de l’assurance ont réussi des levées de fonds, dont certaines très impressionnantes. Malgré un début d’année compliqué, les assurtechs ont prouvé leur résilience. Au niveau mondial, rien qu’au premier semestre de 2020, elles ont levé 2,2 milliards d’euros, contre 2,43 milliards d’euros en 2019. Selon Assurland, leur modèle digital – et donc à distance – aurait joué en leur faveur.

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© Alan

La mutuelle 100 % en ligne Alan a réussi une levée de fonds de 50 millions d’euros en avril 2020. Fondée en 2016, cette assurtech française centralise la gestion de son assurance santé depuis le smartphone et propose de nombreux services – comme la prise de rendez-vous ou même l’envoi d’ordonnance.

À elle seule, Alan a enclenché une véritable révolution numérique pour le secteur de l’assurance santé en France. L’on pourrait également mentionner d’autres levées de fonds notables l’an dernier, comme celle de Descartes Underwriting (15,7 millions d’euros en septembre 2020) encore de l’assureur voyage Koala (1,6 million d’euros en juillet 2020).

Enfin, en 2020, il était également impossible de passer à côté du néoassureur Luko, qui en décembre dernier a levé 50 millions d’euros (après une autre levée de fonds de 20 millions d’euros en 2019), alors qu’elle fêtait ses deux ans. Luko n’arrête pas. En plus de ses offres d’assurance habitation, assurance PNO, assurance NVEI, l’assurtech n’a de cesse d’innover et de lancer de nouveaux services, à l’instar de Docteur House by Luko, une téléconsultation pour diagnostiquer un logement, ou encore Léon, son assistant gratuit en ligne dédié à la recherche immobilière. De plus, en 2021, Luko a annoncé vouloir conquérir un nouveau marché : celui de l’assurance emprunteur. Raphaël Vullierme, cofondateur de Luko, précisait à Selectra que « ce que les néoassurances apportent en plus, c’est la garantie d’une expérience client exceptionnelle, ultra réactive et très performante. » Pour l’entreprise, rompre avant l’ancien modèle est essentiel – et cela pourrait expliquer son succès : « Nous voulons être totalement transparents et retrouver la confiance de nos assurés en changeant ce modèle que nous jugeons opaque », conclut le chef d’entreprise.

Plus récemment, Leocare a pour sa part levé 15 millions d’euros en janvier 2021, prouvant que le secteur continue de générer de l’intérêt auprès des investisseurs. L’assurtech propose des contrats assurantiels 100 % digitaux, pour l’>assurance auto et moto, l’assurance habitation, et enfin, l’assurance smartphone. Avec cet argent, l’entreprise pourra développer de nouveaux services cette année, poursuivre son travail sur la gestion intelligente et « automatisée des sinistres, de la prévention routière et de la mise en relation avec des professionnels », précise l’Agence France-Presse – ou AFP. À ce jour, Leocare affirme procurer ses services à 20 000 clients, avec « plus d’un million d’euros de nouvelles primes par mois ». Cette levée de fonds devrait aussi permettre à la jeune pousse d’embaucher de nouvelles personnes ces deux prochaines années.

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Enfin, autre levée de fonds récente montrant la résilience des jeunes pousses face à la crise, l’assurech Lovys, spécialisée dans les assurances auto, assurance habitation, assurance smartphone et depuis peu, l’assurance chien-chat. Au total, l’entreprise a récolté 17 millions d’euros, une somme qui lui permettra d’étendre son activité européenne et d’améliorer son expérience client, indique Le Figaro. « La pandémie accélère le besoin de service digital et de flexibilité chez les assurés », a indiqué Lovys au journal. L’assurtech vise 100 000 clients en 2021.

Si les assureurs ont largement été critiqués par rapport à leur manque de réactivité au début de la crise liée au Covid-19 et au manque de mesures mises en place, les nouveaux acteurs pourraient bien dépoussiérer un secteur régulièrement pointé du doigt. Michaël Donio, directeur du pôle actuariat chez Sia Partners, explique ainsi au Figaro : « Les Français ont désormais davantage confiance dans les outils numériques. Or, la confiance est essentielle en matière d’assurance. De plus, avec les applis ergonomiques et simples des néoassurances, les consommateurs ont le sentiment de mieux comprendre leurs contrats ». Il ajoute qu’« à l’instar de ce qui passe dans le secteur bancaire, [les jeunes entreprises] servent d’aiguillon aux assureurs, les poussant à changer et à moderniser leurs offres ».

Les bouleversements législatifs, sociétaux et sanitaires établissent donc une conjoncture visiblement favorable à un renouveau du secteur assurantiel, encourageant un changement profond de modèle et, pour ses anciens acteurs, un besoin urgent de transformation.

Notons également l’arrivée de l’assurtech américaine Lemonade sur le marché français fin 2020, dont le modèle est basé sur l’intelligence artificielle et l’économie comportementale. Son succès outre-Atlantique n’est pas passé inaperçu, et tout porte à croire qu’elle compte bien s’imposer ici aussi.

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