Anti-Linky : qui sont les opposants au compteur Linky ? Les raisons du refus
Le déploiement par Enedis des compteurs Linky se poursuit entrainant de plus en plus de plaintes et d'oppositions. A titre d'exemple, en Normandie, 16 communes ont décidé de stopper l'installation du boitier vert via des arretés municipaux. Santé des consommateurs, gestions des donnés personnelles, factures d'électricité... qui sont les Français opposés à Linky ?
Qui sont les opposants à Linky ?
Si certains usagers accueillent avec bienveillance l'arrivée du compteur communicant, d'autres sont bien plus réticents dans leur avis sur Linky, voire révoltés, de cette obligation d'installation. En effet, un bon nombre de clients se posent des questions quant aux effets des compteurs connectés sur la santé. C'est le cas des associations de lutte contre les ondes électromagnétiques comme Robin des Toits, PRIARTEM, Next-up, CRIIREM. Elles mettent en avant les dangers pour la santé et notamment pour les personnes électro-sensibles. Selon l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l’environnement (ANSES), la France compterait entre 600 000 et 6 000 000 de personnes atteintes de ce problème. C'est d'ailleurs principalement à ce titre que Corinne Lepage, ancienne ministre de l'environnement souhaite que soit stoppé le déploiement de Linky, invoquant le principe de précaution.
Par ailleurs, la protection des données en inquiètent également. C'est l'argument principal de Stéphane Lhomme, ancien militant contre le nucléaire, devenu une figure phare de la lutte anti-Linky. Sur son site, il accuse, entre autre, Linky d'être un élement intrusif visant à la surveillance policière ou commerciale, un « Big Brother ».
Enfin, on reproche au boitier vert son coût et son manque d'intérêt pour les usagers. Selon une association de défense des consommateurs, Linky ne présenterait pas d'avantages pour les consommateurs et ferait augmenter de 15€ la facture d'électricité pendant 10 ans,à partir de 2021.
Le débat est passé au niveau institutionnel puisque plusieurs maires se sont engagés contre le compteur communicant. C'est le cas notamment, de José Mercier, Maire de Bovel (Bretagne), du conseil municipal de Sommières (Gard), de Jean-Luc Romet, Maire de Romilly-sur-Andelle (Normandie), d'Arnaud Levitre, Maire d’Alizay (Normandie), d'Yves Lanic, Maire d’Amfreville-sous-les-Monts (Normandie) et de biens d'autres. Des communes plus importantes se sont engagées dans la lutte anti-Linky comme à Montreuil, Bondy, Aubervillers ou Tremblay-en-France en Ile-de-France.
Elles dénoncent les problèmes liés à la collecte des données, à la santé, à la sécurité incendie et le coût pour leur administrés. Philbert Mahé, fondateur de la plateforme Anti-linky POAL recense à ce jour 538 communes contre Linky. Militant pour la cause, il propose à la vente des filtres anti CPL, la technologie qui permet aux compteurs Linky de transmettre les données.
La France Insoumise s'est également investie dans la lutte. En novembre dernier la députée Muriel Ressiguier a posé une question écrite au gouvernement sur cette thématique. Puis le 16 mai, les députés du mouvement ont déposé une proposition de loi « tendant à permettre aux consommateurs et aux maires de s’opposer à l’installation de compteurs électriques dits intelligents ».
Comment est né le mouvement "stop Linky" et que représente-t-il en chiffres ?
Aujourd'hui, il apparait au niveau national qu'environ 5 000 personnes sont mobilisées contre le compteur. En se multipliant, les opposants se sont organisés en collectif. De nombreux mouvements Stop-Linky sont apparus un peu partout en France comme Stop-Linky Rouen, Stop-Linky Chartres, Stop-Linky Yvelines, etc. et avec eux des sites ou pages Facebook explicatives pour s'opposer au boitier.
Il s'agit de collectifs visant à rassembler les consommateurs pour aller dénoncer auprès des pouvoirs publics le déploiement de Linky. Ils donnent aussi des conseils aux usagers ne souhaitant pas bénéficier d'un compteur Linky. Toutefois, les chiffres sont à prendre avec des pincettes. Il est aujourd'hui difficile de compter le nombre d'opposants et de collectifs et de savoir réellement de qui ils sont composés.
En outre, les opposants à Linky sont loin d'être tous soudés. Stéphane Lhomme notamment fait vent debout contre de nombreuses figures Anti-Linky. Il leurs reproche de soutenir Enedis et les fournisseurs d'électricité. Concernant, Corinne Lepage, il l'accuse de souhaiter simplement vendre ses prestations d'avocate via son site « mysmartcab ». Il attaque de la même manière, Philibert Mahé et la plateforme POAL, qui serait selon uniquement un marchand et non un véritable acteur anti-Linky.
Qu'est-ce que le mouvement reproche à Linky et est-ce fondé ?
Linky : un risque pour la santé des consommateurs ?
En premier lieu, le compteur Linky émettrait des ondes électromagnétiques nocives qui provoqueraient chez certains utilisateurs des migraines, nausées ou encore vomissements. Par exemple, un couple de Rennais affirme avoir été obligé de quitter son appartement suite à l'installation du boitiers pour cause de maux de tête et d'insomnies.
Des arguments infondés s'il on en croit l'étude de l'ANSES. Cette dernière affirme que Linky n'est en aucun cas dangereux pour la santé : la fréquence des ondes n'étant pas supérieure à celle d'une télécommande de télévision ou d'une plaque de cuisson.
Linky : une menace pour les données personnelles ?
Cette préoccupation naît du fait qu'en ayant accès à notre relevé de consommation électrique, Enedis pourrait en déduire nos habitudes quotidiennes. Toutefois, l'entreprise rappelle les données sont collectées « dans le cadre des recommandations de la CNIL ». Pour éviter un usage frauduleux, elles sont ensuite cryptées. Par ailleurs, avec le mode de fonctionnement par défaut du compteur, l'entreprise n'a accès qu'à la consommation globale, sur une journée, et non un relevé détaillé des actions du foyers. Dès lors, impossible pour le gestionnaire de savoir quels appareils ou non sont plus ou moins utilisés.
Pour connaitre avec bien plus de précision les habitudes des Français, il lui faudrait relever toute les 2 secondes la consommation ; une situation impossible à l'heure actuelle. Le CNIL, gendarme des données personnelles de l'Hexagone, limite les relevés à toutes les 10 minutes avec un consentement explicite du client. C'est pourquoi, chaque utilisateur peut choisir d'activer ou non, sur son espace personnel ENEDIS la collecte détaillé des données et également d'effacer les données enregistrées.
Quid du piratage ?Le piratage des données envoyées par Linky est peu probable. Lors de la transmission les données sont cryptées et anonymisées afin d'éviter ce type d'incident. Même avec un accès direct au compteur Linky, un piratage est peu plausible car toute ouverture physique ou intrusion se solderait par un blocage ou la suppression des données.
Le compteur Linky : un coût supplémentaire pour le client
Evaluée à plus de 5,39 milliards d’euros, l'installation des compteurs Linky représente environ 130 € par foyer. L'installation est avancée par Enedis. C'est pourquoi, la pose est totalement gratuite. Toutefois, ce sera bien le consommateur qui paiera son installation via la taxe du Tarif d’Utilisation des Réseaux Publics d’Électricité (Turpe) en 2021. Toutefois, les Français plus à même de maitriser leur consommation devraient pouvoir faire des économies. En outre, les opérateurs d'électricité devraient également proposer des tarifs adaptés à Linky et donc plus ajustée à la consommation de chacun. Ces deux phénomènes conjugués entraineraient donc une baisse des factures et annuleraient la hausse du Turpe.
Néanmoins, les calculs d'une association de défense des consommateurs diffèrent de ceux d'Enedis. L'association estime que les économies possibles ne seront pas suffisantes, entraînant dès 2021 une augmentation des factures des consommateurs de 15 euros pendant 10 ans. Un argument de poids quand la Cour des Comptes affirme dans son rapport 2018 que les gains pour les usagers ne sont pas encore probants.
Une hausse des factures en flèche ?
En théorie, elles ne devraient pas augmenter. Les rares cas de fortes augmentations sont le fruit d'installations défectueuses :
- L'ancien compteur affichait une consommation sous-estimée du foyer ;
- La puissance souscrite dans le contrat n'est pas adaptée. Elle entraine alors avec l'arrivée de Linky des disjonctements et oblige les consommateurs à changer de puissance, donc d'offre ;
- Le compteur Linky a été mal installé ; auquel cas vous êtes en droit de demander à Enedis d'intervenir.
Linky : source de problèmes techniques ?
Selon certains usagers, le nouveau compteur disjoncterait plus régulièrement. Moins tolérant que les anciens compteurs sur les pics de sur-consommation, il peut effectivement disjoncter plus si la puissance utilisée par l'utilisateur est supérieure à la puissance souscrite. Ce problème devrait toucher bon nombre de foyers français, puisqu'en 2013, une association de défense des consommateurs estimait que 37% des foyers étaient sous-abonnés.
En revanche, il ne perturbe en aucun cas les autres appareils électroniques présents dans la maison si ces derniers sont conformes aux normes européennes.
Il en va de même pour les risques d'incendies. Si le serrage mécanique des câbles d’arrivée électrique est correctement fait le risque d'incendie est nul. Pour rassurer les usagers et assurer leur sécurité, Enedis explique qu’une « sensibilisation particulière est réalisée lors de la formation des techniciens de pose qui sont équipés d’un instrument permettant de réaliser parfaitement ce geste technique ».
Quelles sont les actions en cours ? Combien sont-elles et quels sont leur résultat auprès de la justice ?
Il est également difficile de dénombrer le nombre d'actions en cours. Au niveau institutionnel, de nombreuses mairies ont fait savoir leur opposition en interdisant la pose via des arretés municipaux. Dans cette situation, les arrêts sont souvent retoqués par la préfecture. En effet, prévenues par Enedis, les préfectures font les invalider. Les maires et opposants peuvent alors saisir le tribunal administratif. Ce dernier a pour l'instant toujours donné raison au gestionnaire de réseau. Il en va de même pour les actions en justice menées seulement par des collectifs. Fin mai dernier, par exemple, les demandes de 166 plaignants sur 174 ont été rejetés par le tribunal de Rennes. Les autres dossiers passeront en appel.
Au niveau national, une action en reféré menée par Corinne Lepage et d'autres avocats a été lancée le 5 juin dernier devant plusieurs tribunaux français. Représentants 5 000 plaignants, ils demandent à ce que l'installation des nouveaux compteurs par Enedis ne soit plus obligatoire et que le choix des consommateurs opposés soit respecté.
Une association de défense des consommateurs a quant à elle lancé une pétition « Linky refusons de payer pour Enedis ». Cette pétition mise en ligne le 8 mars 2018 a déjà recueilli plus de 270 000 signatures. Demandant un droit de réponse à l'association, la Commission de Régulation de l’Energie (CRE) et Enedis ont fait savoir que le « financement sera totalement neutre pour les clients grâce aux nombreux gains que ces compteurs permettront, notamment pour maîtriser la demande d’énergie ».