Fin des tarifs réglementés du gaz : comment les fournisseurs s'y préparent-ils ?
C'est un pas de plus en faveur de la concurrence. Dix ans après l'ouverture totale du marché de l'énergie à la concurrence, le Conseil d’Etat français déclarait les tarifs réglementés du gaz naturel contraires au droit européen. Ainsi, a été annoncée la fin des tarifs réglementés d'Engie. La suppression définitive devrait se faire à horizon 2023. Elle annonce également en filigrane la fin du tarif bleu de l'électricité. Comment les fournisseurs alternatifs se préparent-ils cette réforme ? Pour mieux comprendre le système de prix à venir, Selectra a recueilli leurs avis.
Mise à jour du 19/04/2019 : suite à l'adoption de la loi Pacte le 11 avril 2019, la fin des tarifs réglementés du gaz a été actée et aura lieu en 2023 pour les clients résidentiels et en 2020 pour les clients non résidentiels.
L'énergie : "un produit comme un autre"
Selon Julien Tchernia, le fondateur d'Ekwateur, fournisseur entré sur le marché en 2015 et spécialisé dans l'énergie verte, "l'énergie est un produit comme un autre" non différent "des chaussures" ou "du pain". Ce dernier demeure assez sceptique sur la disparition des tarifs réglementés.
"Il y aura d’abord le gaz, peut-être un jour l'électricité". Julien Tchernia, fondateur d'Ekwateur
Pour se démarquer de la concurrence, il veut miser lui sur la transparence des prix, jugeant les grilles tarifaires trop floues pour les consommateurs. Ainsi, il explique : "Ekwateur est l'un des seuls fournisseurs qui proposent des tarifs qui ne sont pas calqués sur les tarifs réglementés, qui n'en dépendent pas et ne se comparent pas aux TRV. Nous n'affichons pas un tarif annuel par rapport à un autre, nous affichons le prix de l'abonnement et le prix que nos clients payeront au kWh".
Son modèle économique n'est donc pas bouleversé par la fin des tarifs réglementés. Pas plus que celui d'ilek, fournisseur d'énergie verte dont on peut choisir le producteur, comme l'explique Julien Chardon, son CEO : "Nous ne prenons pas de mesures spécifiques, non. Je pense que les consommateurs s'interrogeront simplement sur l'avenir de la fourniture d'énergie.".
En finir avec les tarifs indexés
La fin des tarifs réglementés annonce donc la fin des tarifs indexés, obligeant ainsi les opérateurs à proposer de nouvelles offres. Alors que Direct Energie, 1er fournisseur alternatif récemment racheté par le géant Total, avait basé son modèle sur un pourcentage de réduction par rapport aux tarifs réglementés, il doit repenser ses prix comme le met en exergue Sébastien Loux : "Ce sera en effet différent. Nous travaillons déjà sur nos premières offres post TRV et la façon d'articuler du point de vue marketing." Toutefois, il s'avère très content de la fin des TRV, qu'il envisage comme "un océan de croissance."
Lorsque la fin des tarifs réglementés interviendra pour les particuliers, que ce soit pour le gaz ou l'électricité, nous aurons un océan de croissance devant nous. Sébastien Loux, directeur général délégué de Direct Energie
Assez réservé sur le calendrier, il espère que "les TRV gaz et électricité disparaîtront définitivement d’ici deux ans."
Low cost : investir dans l'auto-consommation
Le prix devient l'un des champs de bataille des fournisseurs alternatifs. Si le low-cost apparait comme une bonne stratégie, elle va de pair avec une stratégie d'investissement dans les énergies renouvelables et l'autoconsommation. Si l'on en croit Kaled Zourray, fondateur de Mint Energie, un fournisseur d'énergie 100% renouvelable : "Pour être les moins chers du marché à terme, il faudra intégrer des solutions d'autoconsommation".
"Pour être les moins chers du marché à terme, il faudra intégrer des solutions d'autoconsommation". Kaled Zourray, fondateur de Mint Energie
Or explique-t-il "aujourd'hui, le frein à l'autoconsommation est l'investissement initial. Il faut pouvoir sortir 7000 euros minimum tout de suite." Le fournisseur réfléchit donc à proposer le financement de l'installation photovoltaïque aux futurs clients de Mint-Energie afin de proposer aux consommateurs "un prix de l'énergie qui serait deux fois inférieur à ce que lui propose son fournisseur sans avoir à investir". Un propos confirmé par Julien Chardon CEO d'ilek : "Installer des solutions d'autoconsommation chez les particuliers leur permet d'être plus indépendants, de profiter de leur production sous leur toit ou d'acheter de l'énergie à 20 kilomètres de chez eux."
Une stratégie à laquelle réfléchit également Total Spring comme le fait savoir Sophie Audic, sa directrice : "en tant que producteur de panneaux solaires, Total va être amené à se positionner sur ce marché. Nous poursuivrons notre investissement dans les énergies renouvelables."