Intelligence artificielle et assurances : révolution ou transition ?
Ces dernières années, les changements apportés par la technologie dans nos quotidiens sont si nombreux qu’ils sont indénombrables. Le secteur de l’assurance, qui est dans un besoin urgent de redorer son image auprès du grand public, n’a pas échappé à cette métamorphose. L’incorporation progressive de l’intelligence artificielle dans ses services semble cependant être à double tranchant.
Assurances et intelligence artificielle : des avantages évidents
Assurances et IA : une rentabilité augmentée

Si le bug de l’an 2000 n’a jamais eu lieu, notre siècle est clairement celui d’une révolution technologique. L’automation et la démocratisation de la domotique s’accélèrent, posant de véritables questions à la fois éthiques et sociales. Pour les acteurs de ces domaines, les enjeux sont grands et complexes, mais les bénéficies aussi – de l’optimisation de leurs marges et services en passant par la réduction des coûts, le gain concret de productivité à l’amélioration de leurs offres. Un rapport du cabinet Accenture estimait que la rentabilité de nombreux secteurs, dont ceux de la finance et de l’assurance pourraient augmenter de 38 % d’ici 2035.
Parmi les multiples sujets qui s’invitent dans les discussions aujourd’hui, celui de l’intelligence artificielle (IA) prend de plus en plus d’importance. Et en effet, comment ne pas prendre en compte le rôle grandissant des systèmes automatisés et des algorithmes, qui viennent déterminer un peu plus chaque jour notre quotidien ?
Qu’il s’agisse de notre manière de consommer à notre réception de l’actualité, de nos attentes en ce qui concerne les services ou de nos habitudes de santé : l’intelligence artificielle touche tous les aspects imaginables de nos vies. En ce sens, en ce qui concerne l’assurance, l’on pourrait évoquer de manière concrète la multiplication des analyseurs d’email, chatbots, voicebots ou des robo-advisors qui sont aujourd’hui utilisés par des structures comme le Crédit Mutuel Assurances, CNP Assurances ou Generali.
IA et assurances : le changement, c’est maintenant

Dans ce contexte, il est donc essentiel de considérer le rôle de l’intelligence au cœur du secteur financier, et par extension, celui de l’assurance. Fin 2018, l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution – ou ACPR – disait vouloir « livrer un diagnostic au moment où le secteur financier s’apprête à généraliser l’usage de l’IA ». Et c’est exactement ce qu’a proposé le superviseur en charge des assureurs et des banques dans un rapport qui se concentrait essentiellement sur le rôle de l’IA dans le secteur de la finance. Celui-ci tentait de garder une approche équilibrée, évoquant autant les bénéfices de la technologie que les risques qui y sont liés. Les deux plus grands défis identifiés sont à ce jour : les biais discriminants des algorithmes et la sécurité informatique.
En 2018, la Banque de France – aux côtés de l’ ACPR – a donc créé un groupe de travail entièrement dédié à l’intelligence artificielle. Celui-ci réunit des acteurs importants du secteur financier, des compagnies d’assurance, des banques, etc., et son système de recherche fonctionne via la consultation d’experts, dans les domaines privés et publics. Son principal but était d’arriver à la rédaction d’un rapport, lequel a été publié en décembre dernier. Il précisait notamment que « toutes les conditions sont réunies pour un développement rapide et généralisé des techniques d’intelligence artificielle dans le secteur financier » mais que « le développement de ces technologies ne va naturellement pas sans risques », insistant de ce fait sur ceux liés aux algorithmes et aux cyberrisques. Le rapport précise :
À court terme, il paraît important que le développement de l’intelligence artificielle dans les secteurs de la banque et de l’assurance s’accompagne d’une réflexion pratique sur les critères minimaux de gouvernance et de maîtrise de ces nouvelles technologies par les entreprises. Cette réflexion doit permettre de progresser notamment sur les techniques de preuve de la fiabilité des algorithmes utilisés […], sur leur “explicabilité” et sur les interactions entre humains (clients, conseillers, contrôleurs, etc.) et algorithmes intelligents. Elle doit aussi permettre de préciser également, de façon plus générale, ce que pourrait être une bonne “gouvernance des algorithmes” dans le secteur financier. Parallèlement, les autorités de contrôle doivent rester attentives à l’impact à moyen et long terme des développements de l’intelligence artificielle sur la structure du marché afin d’anticiper les changements nécessaires dans l’exercice de leurs missions.
Parallèlement, une consultation publique était ouverte. Celle-ci a pris fin le 28 février 2019, et l’on attend encore ses résultats.
Intelligence artificielle dans l’assurance : répondre correctement aux enjeux
Assurances et IA : les géants du Web ont-ils leur place sur le marché ?
Il serait impossible d’évoquer la question de l’intelligence artificielle dans le domaine des finances et des assurances sans parler de l’hégémonie des géants du Web, lesquels détiennent et maîtrisent cette technologique. Ainsi, l’ACPR redoute « une concentration excessive du marché entre les mains de quelques acteurs » et d’éventuelles conséquences économiques non négligeables.

Les enjeux de l’IA sont importants puisque selon les chiffres de Capgemini Consulting, les entreprises fournissant des services financiers pourraient atteindre les 243 milliards de dollars de chiffres d’affaires dans le monde de l’assurance d’ici 2020 et 269 milliards de dollars pour les établissements bancaires, et ce au niveau mondial. Mais ce n’est pas tout, le cabinet de conseil estime que le gain de productivité pourrait aller jusqu’à 30 % et l’amélioration de la satisfaction client jusqu’à 60 %. Cela dit, en France, toujours selon cette étude, l’on manquerait encore de connaissances dans le domaine de l’IA, ce qui expliquerait une transition plus lente et quelques hésitations.
Pour autant, en ce qui concerne l’IA, le secteur de l’assurance est clé. Et ses acteurs le savent puisqu’il s’agit de l’un des plus actifs quant au développement de la technologie de l’IA au service de leurs offres et de leurs systèmes de fonctionnement. L’automatisation du traitement des données est au cœur des changements de demain, mais il est indispensable que celles-ci soient qualitatives pour garantir un résultat positif. Pour les assureurs, le traitement de données automatisé facilite des choses concrètes comme l’analyse du profil d’un client, la personnalisation des offres, l’amélioration des supports clients, la détection d’éventuelles fraudes, la facilitation des souscriptions, ou, sur le long terme, la généralisation de la gestion sans contact – touchless – des sinistres. C’est notamment ce qu’expliquait Malakoff Médéric-Humanis au Figaro en février dernier : « Nous utilisons des algorithmes d’IA pour approfondir le travail d’analyse des experts, ou pour isoler les cas qui diffèrent d’un comportement moyen [et pour] optimiser les détections d’abus dans les demandes de prise en charge en optique, et sur le ciblage des contrôles médicaux des arrêts de travail ».
Intelligence artificielle et secteur financier : au centre des réflexions et des projetsSelon les chiffres de l’ACPR concernant la digitalisation du secteur financier en France, 30 % d’entre eux sont élaborés autour de l’IA, et plus de la moitié des projets en cours de développement l’utilisent de manière effective. Selon un sondage du cabinet de conseil Capgemini Consulting, mondialement, seuls 40 % des établissements financiers auraient recours au Robotic Process Automation – ou RPA, une technologie fonctionnant grâce à l’IA et à l’apprentissage automatique, lesquels permettent l’automatisation.
Assurances et intelligence artificielle : la réflexion et l’anticipation comme credo
Sur Selectra, nous évoquons régulièrement les nouveaux enjeux entrant dans le champ de réflexion du secteur de l’assurance. Désormais l’arrivée des géants du Web est une crainte partagée par de nombreuses personnes, et celle-ci s’est accentuée avec l’entrée fracassante d’Amazon dans le secteur de l’assurance français. Leur importance – et la menace qu’ils représentent – n’est donc pas seulement limitée à leur détention majoritaire des technologies de l’IA mais aussi à leur potentielle présence sur le marché de la vente et leurs offres de couvertures assurentielles.
Si certains évoquent déjà la fin des assureurs – en tant que personnes – alors que d’autres au contraire voient en l’IA le possible enrichissement du secteur qui a désespérément besoin de se renouveler, la discussion semble encore n’en être qu’à ses débuts. Pour autant l’envie de changement est bel et bien présente. L’on pourrait par exemple citer la levée de fonds récente de 100 millions de dollars de la start-up française Shift, dont l’IA est dédiée à la détection de fraudes. Quelque 70 assureurs en font déjà usage à travers le monde.

À ce jour, la Chine et les États-Unis restent en tète en matière d’investissements dans l’intelligence artificielle. Et plutôt que de se lancer dans une course effrénée, il semble important pour les acteurs du marché de prendre le temps d’une réflexion approfondie sur les risques d’un déploiement généralisé de l’IA dans l’assurance, et de les anticiper pour mieux avancer.
Une citation bien connue d’Albert Einstein pourrait peut-être guider le secteur de l’assurance dans sa métamorphose : « L’imagination est plus importante que la connaissance. Car la connaissance est limitée, tandis que l’imagination englobe le monde entier, stimule le progrès, suscite l’évolution ». Alors, pourquoi ne pas imaginer un monde où l’IA et les assurances cohabitent et s’enrichissent, au service des humains et non à leurs dépens ?
Assurances : les datas peuvent-elles permettre une indemnisation plus rapide ?Descartes Underwriting, une start-up parisienne créée en 2018 qui explique souscrire des risques pour des assureurs et réassureurs, utilise l’assurance paramétrique pour ses offres d’assurances autour des catastrophes naturelles. Cela signifie que l’indemnisation des clients est basée sur des données et la présence d’éventuelles irrégularités. Ce processus est censé optimiser l’efficacité et la rapidité de l’indemnisation. Une proposition qui semble déjà séduire les industriels et les spécialistes du tourisme.