Baisse record de la consommation de gaz : le piège qui menace l'avenir du réseau GRDF

Baisse record de la consommation de gaz : le piège qui menace l'avenir du réseau GRDF

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Entre 2019 et 2024, la consommation de gaz résidentiel en France s'est effondrée de 25 %, une rupture sans précédent qui redessine le paysage énergétique national. Loin d'être un simple ajustement conjoncturel, cette baisse historique est le résultat d'une "tempête parfaite" où trois facteurs majeurs se sont conjugués : une flambée des prix forçant la sobriété, une érosion structurelle du nombre d'abonnés, et une succession d'hivers remarquablement doux qui a facilité cette transition.

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Une baisse de la consommation de gaz généralisée, mais des disparités territoriales

Le constat national est sans appel : la consommation de gaz des ménages a chuté de -25 % en cinq ans. Cette tendance s'observe également sur le nombre d'utilisateurs de gaz en France, avec une perte nette de 4 % des abonnés au niveau national. 

Derrière cette moyenne nationale se cachent toutefois de très différentes réalités d'un territoire à l'autre.

Évolution de la consommation de gaz résidentielle (2019-2024)

Les 5 départements où la baisse de la consommation de gaz est la plus forte

D'après les chiffres de GRDF que Selectra s'est procuré, 5 départements sont tout particulièrement touchés par la baisse de la consommation de gaz des ménages entre 2019 et 2024 :

Top 5 des départements par baisse de consommation de gaz résidentiel (2019-2024)
DépartementBaisse de la consommationBaisse du nombre de compteurs
Pyrénées-Orientales (66)-39 %-11 %
Aube (10)-38 %-8 %
Aude (11)-34 %-10 %
Ariège (09)-32 %-8 %
Gard (30)-32 %-9 %

Dans ces territoires, la baisse de la consommation est souvent corrélée à une chute importante du nombre de compteurs (jusqu'à -11 % dans les Pyrénées-Orientales), signe d'un mouvement massif de remplacement des chaudières à gaz par d'autres systèmes de chauffage.

Les 5 départements où la baisse de la consommation de gaz est la moins forte

À l'inverse, certains départements affichent des baisses beaucoup plus modérées, comme l'Ille-et-Vilaine (-15 %) ou la Haute-Savoie (-18 %). Ce phénomène s'explique par une forte croissance démographique qui vient masquer les efforts de sobriété individuels. 

La Haute-Savoie, par exemple, a vu son nombre de compteurs de gaz augmenter de +12 % sur la période, une croissance qui dilue l'impact de la baisse de consommation des foyers existants.

Top 5 des départements où la baisse de consommation est la moins forte (2019-2024)
DépartementBaisse de la consommationÉvolution du nombre de compteurs
Ille-et-Vilaine (35)-15 %+5 %
Haute-Savoie (74)-18 %+12 %
Mayenne (53)-20 %-1 %
Indre-et-Loire (37)-21 %-1 %
Vendée (85)-21 %+1 %

Une baisse de la consommation de gaz plus modérée dans l'ouest de la France

La baisse de consommation de gaz apparaît moins spectaculaire dans plusieurs départements de l'ouest pour une raison historique simple : le gaz y a toujours été moins implanté qu'ailleurs. La chute massive de la consommation s'observe logiquement là où le gaz était une énergie dominante, ce qui n'a jamais été totalement le cas dans ces territoires.

Contrairement aux régions du nord et de l'est, dont l'héritage industriel et minier a favorisé le développement d'un réseau très dense, l'ouest, avec son climat océanique plus clément, a historiquement davantage reposé sur le chauffage au fioul et à l'électricité, limitant l'expansion du réseau gazier de gaz naturel.

La flambée des prix, principal facteur de la baisse de consommation de gaz en France

La forte hausse des prix du gaz s'explique en grande partie par la crise énergétique post-Covid, exacerbée par le conflit en Ukraine. 

Entre 2019 et 2024, un ménage chauffé au gaz type a vu augmenter sa facture de gaz de 59%, passant de 964 € à 1536 €. Sur une période plus large, l'augmentation de la facture de gaz est encore plus impressionnante : +102 % entre juin 2016 et septembre 2025 (consommation retenue : 11.200 kWh par an)

Cette explosion des coûts, malgré l'amortisseur temporaire du bouclier tarifaire, a rendu la sobriété non plus un choix, mais une nécessité économique impérieuse pour des millions de ménages.

Évolution de la facture de gaz pour un client chauffage (en €)

Évolution TRVG (zone 1) / PRG (part variable moyenne) pour une consommation de 11 200 kWh par an - Source : CRE, Calculs Selectra - Graphique : Selectra

Le "cercle vicieux" : moins consommer coûte plus cher

Paradoxalement, la baisse de la consommation alimente une hausse future des prix. Selon la CRE, le gigantesque réseau de transport et de distribution de gaz français génère des coûts fixes de maintenance et de sécurité largement incompressibles. La CRE estime que seuls 3 à 5 % des canalisations de transport pourraient être abandonnés d'ici à 2050.

Par conséquent, ces coûts fixes doivent être répartis sur un volume de gaz vendu et un nombre de clients en constante diminution. Ce mécanisme a provoqué une hausse mécanique du tarif d'acheminement (ATRD) de +27,5 % en juillet 2024 puis de 6,06 % en 2025

Il s'agit donc d'un cercle vicieux : la hausse des prix pousse à la sobriété et à la déconnexion, ce qui augmente le coût unitaire du réseau pour les clients restants, ce qui renchérit encore la facture et accélère le phénomène.

Baisse du nombre d'abonnés au gaz

La perte de 4 % des abonnés en cinq ans, représentant près de 430.000 foyers, n'est pas un simple accident de parcours.

La sortie progressive et organisée du gaz comme énergie de chauffage résidentiel est d'ailleurs activement piloté par les politiques publiques, qui ont mis en place des barrières réglementaires et des incitations financières.

Cette dynamique est cependant très inégale sur le territoire. Alors que des zones urbaines denses comme Paris (-15 % de compteurs) ou les Hauts-de-Seine (-10 %) connaissent une véritable hémorragie, des départements à forte croissance démographique comme la Haute-Savoie (+12 %) voient leur parc augmenter. 

Une réglementation qui pousse à l'abandon du gaz

Le premier levier de cette sortie est réglementaire. La réglementation environnementale RE2020, applicable depuis le 1ᵉʳ janvier 2022, rend quasi impossible l'installation de chaudières à gaz dans les logements neufs.

Cette réglementation fixe un seuil d'émissions de gaz à effet de serre (4 kg eq CO₂/m² pour les maisons individuelles) que les chaudières à gaz, même les plus performantes, ne peuvent atteindre. Cette mesure empêche donc l'installation de chaudières à gaz dans les logements neufs depuis 2022 et condamne le réseau à une lente érosion de son parc.

En parallèle, les aides de l'État comme MaPrimeRénov' poussent activement les propriétaires à remplacer leurs chaudières à gaz par des pompes à chaleur, accélérant la sortie du réseau.

Des hivers cléments, le catalyseur inattendu de la transition

Loin d'être une simple impression, la douceur des hivers sur la période d'étude est un fait documenté et chiffré par Météo France. La France a connu une succession ininterrompue d'hivers particulièrement doux, ce qui a directement impacté le principal poste de consommation de gaz des ménages.

Voici un rapide bilan climatique selon les chiffres communiqués chaque année par Météo France :

  • Hiver 2019-2020 : Classé comme le plus chaud jamais enregistré depuis le début des mesures en 1900, avec une anomalie de température moyenne de +2,7 °C par rapport à la normale. Février 2020 a été exceptionnel, avec des maximales dépassant souvent les 25 °C dans le sud du pays.
  • Hiver 2021-2022 : Qualifié de "majoritairement doux", il a affiché une anomalie de +1,2 °C. Une période de douceur exceptionnelle a notamment été observée du 24 décembre 2021 au 4 janvier 2022, la plus douce jamais enregistrée sur cette période en 75 ans, avec un indicateur thermique national de 10,5 °C.
  • Hiver 2022-2023 : Bien que contrasté, l'hiver a été plus chaud que la normale de +0,8 °C. Il a été marqué par une douceur remarquable autour du Nouvel An, avec la nuit du 31 décembre 2022 qui fut la plus douce jamais enregistrée en France en hiver, avec une température minimale moyenne de 11,2 °C.
  • Hiver 2023-2024 : Il se classe au troisième rang des hivers les plus chauds jamais mesurés, avec une anomalie d'environ +2,0 °C. Le mois de février 2024 a été le deuxième plus chaud jamais enregistré, avec une anomalie record de +3,6 °C.

Sachant que, selon la CRE, le chauffage représente 84 % de la consommation de gaz résidentiel, ces hivers cléments ont mécaniquement réduit la consommation de gaz. 

Vers un démantèlement partiel du réseau de gaz ?

La chute continue de la consommation et du nombre d'abonnés rend la question de l'avenir de l'infrastructure gazière inévitable. Maintenir en l'état un réseau de plus de 200.000 km pour de moins en moins d'usagers risque de faire peser un fardeau financier insoutenable sur les derniers consommateurs, souvent les ménages les plus modestes, qui devront payer des coûts d'acheminement de plus en plus élevés.

Il ne s'agit pas de démanteler l'ensemble de l'infrastructure, mais de cibler des portions dont le maintien n'est plus économiquement ou techniquement justifié. Selon la CRE, 3 à 5 % des kilomètres de canalisations de transport pourraient être abandonnés d'ici à 2050

Cette stratégie de décroissance ciblerait en priorité les zones où le réseau est le moins dense et où la consommation est historiquement faible, comme dans certaines parties de l'ouest de la France. L'objectif serait d'éviter les surcoûts liés à l'entretien de bouts de réseau ne desservant que quelques clients. En revanche, les réseaux très denses du nord et de l'est, héritage de l'histoire industrielle, resteraient la colonne vertébrale du système.

Enfin, une alternative au démantèlement pur et simple serait de les reconvertir pour le transport de biométhane, jouant ainsi un rôle dans la future infrastructure énergétique décarbonée.

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