Fin du tarif réglementé du gaz : les factures vont-elles augmenter ?

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À moins de six mois de l’extinction du tarif réglementé du gaz d’Engie - prévu depuis 2017 - la décision ne cesse d’inquiéter. En effet, dans un contexte de crise énergétique et de hausse des prix de l’énergie, d’aucun craignent les conséquences néfastes de cette disparition. À ce titre, l’association de défense des consommateurs CLCV a même fait parvenir un courrier à Emmanuel Macron. Alors, la disparition du “trvg” est-elle synonyme de hausse des prix ?

Le tarif réglementé du gaz, qu’est-ce que c’est ?

Les tarifs réglementés de vente de gaz (TRVG) sont des contrats de fourniture de gaz dont les prix sont fixés par l’État, sur proposition de la Commission de régulation de l’énergie (CRE). Ils sont essentiellement proposés par le fournisseur Engie (ex GDF) mais aussi, dans une moindre mesure, par certaines entreprises locales de distribution (ELD).

Jusqu’à 2019, les consommateurs avaient le choix entre souscrire une offre aux tarifs réglementés, ou une offre aux prix du marché. Depuis le 20 novembre 2019, il n'est toutefois plus possible de prétendre à un contrat de gaz aux tarifs réglementés. Les clients ayant souscrit leur offre auparavant demeurent néanmoins abonnés à ce contrat, ce qui représenterait encore près de 26% des consommateurs.

Ce tarif, vieux de près de 70 ans, dépend des coûts d’achat du gaz sur les marchés de gros, des coûts de stockage et d’acheminement, ainsi que des taxes en vigueur. Jusqu’au 1er octobre 2021, et l’instauration du bouclier tarifaire, limitant la hausse à +4% en “gelant” le TRVg, il pouvait varier chaque mois. Bien qu’au 1er janvier dernier, le gouvernement a instauré une augmentation de 15 %, la CRE souligne que sans ce bouclier tarifaire, les prix auraient été en moyenne 122% plus élevés.

Un tarif réglementé du gaz qui protège donc bon nombre de consommateurs puisqu’en effet, les clients ayant souscrit un contrat indexé sur les marchés de gros (et non au TRVG) ou avec un autre type d'évolution des prix n’ont pu bénéficier de cet “amortisseur gouvernemental” qu’est le bouclier tarifaire.

Fin des tarifs réglementés du gaz et inquiétudes

L’article 63 de la loi Energie-Climat du 8 novembre 2019 prévoit la fin des tarifs réglementés de vente du gaz naturel. Cette démarche fait suite à la décision du Conseil d’État du 19 juillet 2017, qui avait de son côté jugé que ces tarifs de vente du gaz naturel - appliqués en France depuis le sortir de la seconde guerre mondiale - étaient contraires au droit européen.

À l’époque, les fournisseurs de gaz alternatifs et concurrents d’Engie, réunis au sein de l’Anode (l’Association nationale des opérateurs détaillants en énergie) avaient en effet saisi le Conseil d’État, qui avait alors convenu que leur maintien constituait “une entrave à la réalisation du marché concurrentiel du gaz”.

Historiquement, l’ouverture à la concurrence des marchés européens de l’énergie avait pour objectif de ne plus dépendre d’un monopole public national mais bel et bien de faire jouer la concurrence entre les différents acteurs du marché. Toutefois à l’heure où les prix de l’énergie - électricité et gaz - s’emballent, la disparition de ce tarif régulé par les pouvoirs publics inquiète.

Si durant de nombreuses années, le tarif réglementé s’est avéré moins avantageux que les offres de marché disponibles, depuis le début de la crise de l’énergie, la donne a changé, grâce notamment à la protection gouvernementale qui lui a été accordée. En octobre 2022, le prix moyen des offres de marché atteignait les 3 552 € par an, tandis que le trvg était quant à lui maintenu sous le seuil des 1 745 €. En ce début d’année, on compte cette fois une moyenne de 4 739 € auprès des fournisseurs alternatifs, tandis que le tarif historique d’Engie en janvier 2023 - malgré une hausse de 15% - stagne à 2 029 €*.

* Source : Indice Selectra des prix du gaz en France - Evolution de la facture annuelle de gaz naturel (€ TTC) pour les particuliers.

La CLCV appelle au report de la suppression du trvg

Du côté de l’Association nationale de défense des consommateurs et usagers, la CLCV, on s’inquiète du sort réservé à ce tarif réglementé d’ici le 30 juin 2023 (date de disparition). Selon l'organisme, compte-tenu du contexte de crise énergétique, “il est fort risqué” de demander aux consommateurs “de choisir une offre dans un marché aussi toxique”. C’est pourquoi, François Carlier, son délégué général, réclame “le report de la fin du tarif réglementé pour passer la tempête” - d’ici deux ans - le dispositif permettant d'éviter des hausses de “40, 50 voire 60%”, selon lui.

Sur le plateau de RTL, le délégué évoque le “gros risque de casse” pour les 2,6 millions de ménages qui seront obligés de quitter le trvg dès le mois de mai/juin alors que la crise a démontré le fait qu'”un tarif peut à tout moment être modifié d'une manière radicale”.

Enfin, selon l’Association de protection des consommateurs, le bouclier tarifaire demeure “moins protecteur sans tarif réglementé”. “Les pouvoirs publics affirment que le bouclier tarifaire suffit à protéger les consommateurs particuliers. Le cas des copropriétés montre que cela est plutôt faux”, dénonce notamment la CLCV. En effet, ces dernières bénéficient d’un bouclier tarifaire sous forme d'aides qu'il est nécessaire de réclamer à posteriori et qui, de fait, n'absorbe pas directement la hausse des tarifs.

“Dans le contexte de 2022, où les offreurs ne voulaient pas de clients gaz, les copropriétés (à l'instar des boulangers), ont reçu peu d'offres, souvent à des tarifs délirants [...] Nous risquons de sérieuses déconvenues si nous pensons pouvoir appliquer pleinement le bouclier tarifaire sans TRV.”

François Carlier, délégué général de la CLCV

Indice de référence gaz VS tarif réglementé du gaz

Le bouclier tarifaire sur les prix du gaz a donc été prolongé jusqu’au 30 juin par la loi de finances 2023. Au lendemain de cette fin annoncée, les tarifs réglementés de vente du gaz seront donc supprimés.

Les clients concernés qui n’auront pas choisi leur nouveau fournisseur, malgré les relances envoyées, basculeront automatiquement chez Engie. Alors qu’adviendra t-il du bouclier tarifaire à cette date ?

La Commission de régulation de l’énergie pourrait bien publier un tarif de référence du gaz, aux alentours de mars-avril, qui devrait ainsi - dès le mois de juillet - servir de base à la poursuite du bouclier tarifaire.

Le gouvernement, quoi qu’il arrive, cherchera à ce que les prix du gaz restent stables pour les consommateurs et ce sera à lui de trancher sur les modalités. Il n’est pas du tout certain que prolonger les tarifs réglementés soit la modalité qu’il choisira et il est tout à fait possible de faire autrement en ayant les mêmes effets, par exemple en faisant ce que le gouvernement a probablement prévu de faire. C'est-à-dire avoir un prix de référence qui ne soit pas les tarifs réglementés, mais autour duquel les fournisseurs devront proposer des offres. Bien qu’il n’y aura pas d’offre étiquetée “tarif réglementé”, les prix se maintiendront autour de cet indice de référence.

Xavier Pinon, Cofondateur et Directeur général de Selectra, au micro de Radio Classique

Si une telle solution n’a pas encore été présentée officiellement par le gouvernement, conjointement à la Commission de régulation de l’énergie, elle demeure donc une option probable en vue du maintien des prix du gaz à un niveau raisonnable pour l’ensemble des consommateurs français.

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