Devons-nous nous préparer à une flambée des prix de l'énergie jusqu'à 2027 ?
Engie a publié la semaine dernière ses projections du cours de l’électricité et du gaz. D’après le fournisseur, les prix de l’énergie devraient rester élevés au moins jusqu’en 2027. Comment expliquer ce phénomène, et quelles seront ses conséquences sur les factures d’énergie des ménages ?
Les prix de l’énergie sont en baisse depuis la sortie de la crise
La crise énergétique semble être derrière nous. Après deux ans marqués par une montée spectaculaire des prix de l’énergie en Europe, les prix du gaz et de l'électricité connaissent enfin une tendance à la baisse depuis le début de l'année 2023. Une diminution des prix qui s'explique par plusieurs facteurs.
Grâce aux mesures prises pendant l'été 2022 pour constituer des réserves souterraines de gaz, les niveaux de stockage ont atteint un seuil rassurant. Actuellement en France, ces réserves sont remplies à 68% de leur capacité, soit une augmentation de 27 milliards de mètres cubes par rapport à l'année précédente, d’après La Tribune. Le ministre de l’Économie Bruno Le Maire a ainsi déclaré la semaine dernière qu’il “n’y a pas d’inquiétude à avoir concernant le stockage de gaz et la situation gazière en France ou en Europe”. Ce stockage du gaz a permis d'éviter une rupture d'approvisionnement et de maintenir les prix à un niveau relativement stable.
Côté électricité, les productions nucléaire et hydraulique remontent après une année difficile pour les deux filières. La production hydroélectrique a en effet atteint en 2022 son "plus bas niveau" depuis la sécheresse de 1976 en raison de “conditions climatiques exceptionnellement chaudes et sèches”, avec seulement 49,6 TWh produits d’après le gestionnaire du réseau de transport d'électricité RTE. Quant à la filière nucléaire, des problèmes de corrosion détectés sur plusieurs réacteurs ont contraint EDF à réduire la puissance des centrales.
Les perspectives sont aujourd’hui meilleures. D’après RTE, il faut s’attendre à une disponibilité nucléaire comprise entre 40 et 45 GW le 1er décembre 2023, soit 5 GW de disponibilité moyenne supplémentaire par rapport à 2022. Par ailleurs, “les stocks hydrauliques des barrages” sont quant à eux à des “niveaux très satisfaisants”, selon les dires du gestionnaire du réseau de transport.
Ces phénomènes encourageants, couplés à une demande de gaz plutôt modeste du côté des particuliers et de l’industrie, ont favorisé la détente des prix observée ces derniers mois.
Des prix qui restent largement au-dessus de leur niveau historique
Malgré cette baisse, les prix de l'énergie demeurent anormalement élevés et devraient le rester jusqu'en 2027, selon les dernières projections d’Engie. En effet, les modélisations réalisées par le fournisseur grâce à son outil d'analyse de données "EnergyScan" semblent indiquer que les cours du gaz et de l'électricité ne poursuivront pas leur chute après l'hiver, mais “devraient se maintenir sur un plateau élevé”.
Concrètement, les prix du gaz devraient osciller entre 50 et 60 euros le mégawattheure (MWh) jusqu'en 2026-2027, comparé à moins de 20 euros en moyenne avant 2020. Du côté de l'électricité, les prix ne devraient pas descendre en dessous de 100 euros le MWh d'ici à 2027 sur les bourses d'échange. Bien que cela représente une baisse par rapport aux sommets atteints en 2022, ces niveaux demeurent largement supérieurs à ceux d'avant la crise.
En cause notamment : un bouleversement structurel du marché du gaz. En raison du conflit en Ukraine et de l'incertitude quant aux approvisionnements russes, l'Europe s'est tournée vers du gaz naturel liquéfié (GNL) en provenance du monde entier. Cependant, le marché du GNL est plus volatile et sujet à des fluctuations de prix plus importantes que le marché du gaz par pipeline, car la concurrence pour les volumes disponibles peut entraîner une flambée des prix, comme cela s'est produit en 2022.
Par ailleurs, l’optimisme quant aux stocks de gaz n’est pas partagé par tout le monde. Le directeur général de TotalEnergies a fait part de ses craintes le 8 juillet, en déclarant que “oui, les stocks seront pleins” en octobre, “mais si l’hiver est froid en Europe”, les capacités de stockage ne suffiront pas pour répondre à la demande de gaz, contraignant l’Europe à recourir à des importations coûteuses.
Du côté de l'électricité, le maintien des prix élevés s’explique par une hausse du prix des combustibles (dont le gaz…), une disponibilité nucléaire encore limitée (même si elle s’améliore), mais également le coût croissant du CO2 sur le marché européen des droits à polluer. En effet, chaque tonne de CO2 devrait coûter environ 150 euros à son émetteur d'ici à 2028, contre environ 50 euros seulement en 2021 d’après La Tribune. Puisque la production d’électricité ne sera pas intégralement décarbonée à la fin de la décennie, ce phénomène devrait générer une pression à la hausse sur les prix de l'électricité.
Quelles conséquences pour les factures d'énergie des ménages ?
Face à des prix qui resteront élevés jusqu’en 2027, les consommateurs devront continuer à allouer une part importante de leur budget aux dépenses énergétiques, ce qui pourrait avoir un impact sur leur capacité à répondre à d'autres besoins essentiels et fragiliser les ménages les plus modestes. Les ménages doivent donc rester vigilants dans leur consommation énergétique et continuer leurs efforts de sobriété, en réalisant des économies d’énergie et en adaptant leurs consommations.
Cependant, il convient de noter que les prix de l'énergie ne sont pas les seuls facteurs déterminants dans la composition des factures d'électricité et de gaz des ménages. D’autres éléments comme les coûts de production, de transport, de distribution ou les taxes contribuent à faire augmenter ou baisser les factures. Il est donc difficile de prévoir à ce jour à quoi ressemblera une facture d’électricité type dans 1, 2 ou 3 ans.
Par ailleurs, en cas de montée en flèche des prix de l’électricité et du gaz, les pouvoirs publics pourraient amortir les conséquences sur les ménages les plus vulnérables, par le biais de mécanismes tels que le bouclier tarifaire par exemple, lequel est maintenu jusqu’en 2025 pour l’électricité, ou d’autres aides énergie.