Prix de l’électricité trop élevés : pour combien de temps encore ?
Après une année 2022 marquée par une flambée des prix de l’électricité, des tensions sur le réseau électrique et des craintes de pénurie, la situation devrait s’apaiser cette année. Est-ce pour autant le signe d’un retour à la normale des prix de l’électricité ?
Les risques de tensions sur le réseau cartés pour l’hiver prochain
D’après le gestionnaire du réseau de transport d’électricité RTE, la France ne devrait pas faire face à des risques de coupures de courant à l’automne 2023 ou l’hiver prochain. En effet, les prévisions du gestionnaire laissent entendre que la production d’électricité sera normalement suffisante pour couvrir les consommations, écartant ainsi le risque de tensions d’approvisionnement en électricité. “Tous les paramètres évoluent de manière favorable par rapport à l’an passé”, a ainsi annoncé ainsi Thomas Veyrenc le directeur exécutif du pôle stratégie, prospective et évaluation de RTE. Plusieurs paramètres permettent d’expliquer ce phénomène :
Des consommations électriques en baisse
En 2022, la consommation d’électricité (corrigée des aléas météorologiques et calendaires) était de 459,3 TWh d’après le bilan électrique 2022 de RTE, soit 1,7 % de moins qu’en 2021. Cette tendance se poursuit depuis, avec une baisse des consommations de 7 à 8 % "au printemps" par rapport à la période de référence 2014-2019, d’après RTE. Des baisses de consommation qui permettent d’alléger les tensions sur le réseau électrique et d’éviter les risques de coupures.
Plusieurs facteurs expliquent ces baisses, notamment la crise énergétique, qui a fait flamber les prix et donc les factures des ménages comme des professionnels. De nombreux Français n’ont eu d’autre choix que de réduire leur consommation pour faire face à cette envolée des prix. Un phénomène alarmant si l’on en croit le dernier rapport du médiateur national de l’énergie. En effet, 22 % des personnes interrogées par le médiateur en 2022 ont déclaré avoir souffert du froid dans leur logement et 69 % (contre 60 % en 2021 et 50 % en 2020) signalent avoir réduit leur chauffage pour des raisons financières.
D’autre part, des efforts de sobriété énergétique de la part des particuliers et professionnels ont sans doute permis d’accentuer les baisses de consommation. Dans le premier volet de son plan de sobriété énergétique présenté en octobre, le Gouvernement mettait ainsi en avant une série de mesures pour réaliser des économies d’énergie. Le second volet de ce plan a d’ailleurs été publié le 20 juin dernier, mettant notamment en avant des gestes à effectuer l’été pour réduire ses consommations et faire baisser ses factures.
Moins d’incertitudes pour la filière nucléaire
Largement fragilisée en 2022, la production d’électricité nucléaire devrait être plus stable cette année d’après RTE. Il faut ainsi s’attendre à une disponibilité comprise entre 40 et 45 GW le 1er décembre 2023, et entre 45 et 50 GW au cours du mois de janvier, soit 5 GW de disponibilité moyenne supplémentaire par rapport à 2022.
En raison de problèmes de corrosion détectés sur plusieurs réacteurs, une grande partie du parc nucléaire français était indisponible en 2022. Le taux de disponibilité nucléaire français était ainsi de seulement 54 %, contre 73 % en moyenne sur la période 2015-2019. La reprise de la production cette année, couplée aux baisses de consommation devrait donc permettre de rééquilibrer l’électricité disponible sur le réseau et limiter les tensions.
Les stocks d’eau et de gaz au beau fixe
Au début de l’été, "les stocks hydrauliques des barrages et de gaz” sont à des "niveaux très satisfaisants" d’après RTE. Une bonne nouvelle pour ces deux filières qui sont responsables à elles deux de 20 % de la production d’électricité en France (49,10 TWh pour l’hydroélectricité et 44,10 TWh pour le gaz en 2022).
Comme le précise RTE, la filière hydraulique a atteint l’an dernier “son plus bas niveau depuis 1976, en raison des conditions climatiques exceptionnellement chaudes et sèches”. Les stocks d’eau bien remplis en amont des barrages sont donc une bonne nouvelle pour la production de cette filière.
Renforcement des énergies renouvelables
Enfin, les énergies renouvelables voient leur croissance s’accélérer, ce qui renforce également la production d’électricité. RTE note ainsi un volume “record” de nouvelles installations renouvelables en 2022, soit une capacité de 5 GW supplémentaires. Une augmentation principalement soutenue par de nouvelles éoliennes terrestres (+ 1,9 GW) et de nouveaux panneaux solaires (+ 2,6 GW), mais également par le développement de l’éolien offshore dans le pays. Le premier parc de Saint-Nazaire (480 MW) a ainsi été inauguré fin novembre 2022. Il sera bientôt rejoint par le parc de Saint-Brieuc, dont l’inauguration est prévue pour décembre, et le parc du Fécamp, dont les premières éoliennes ont quitté ce jeudi le port de Cherbourg pour être installées au large.
Des prix de l’électricité encore très élevés
Malgré ces signaux encourageants, la prudence reste de mise. En effet, les prix de l’électricité restent anormalement élevés. Sur les marchés à terme, les prix ont ainsi évolué « au cours des dernières semaines et derniers mois, entre 200, 250 euros et 400 euros du MWh alors que chez les pays européens voisins, ils sont plutôt à 200 euros », d’après le directeur exécutif du pôle stratégie, prospective et évaluation de RTE. Des prix qui s’expliqueraient par “une vision trop pessimiste” du risque d’approvisionnement en France et par des inquiétudes “disproportionnées par rapport aux risques réels”.
Par ailleurs, des risques de tensions sur le réseau électrique subsistent à moyen et long terme. En effet, même si les consommations ont légèrement baissé en 2022, les besoins en électricité restent significatifs, et augmentent d’année en année. En cause : une électrification plus massive du pays à tous les niveaux : industrie, chauffage, transport…
Dans son étude “Comprendre et piloter l’électrification d’ici 2035”, publiée le 7 juin dernier, RTE indique ainsi que la consommation électrique en France pourrait atteindre entre 580 à 640 TWh à l’horizon 2035, contre 459,3 TWh en 2022. Produire les TWh manquants représente donc un défi de taille, et la France devra agir sur tous les fronts pour développer la production d’électricité.