Fenssenheim
La centrale nucléaire de Fessenheim arrêtera ses activités dès 2020. Une situation encore inconnue en France.

Fermeture de Fessenheim : procédure, risques et enjeux pour la France

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Clap de fin pour la centrale nucléaire de Fessenheim (Haut-Rhin). Par voie de presse, EDF a fait savoir que la fermeture aurait lieu en 2020. "Les deux réacteurs de première génération, de 900 mégawatts chacun, fermeront successivement en février et juin 2020" a complété Emmanuelle Wargon, secrétaire d'Etat à la Transition Energétique. Mais quelle est le protocole pour fermer une centrale nucléaire ? Quel impact cette fermeture aura-t-elle sur le mix énergétique français ? Risque-t-on de subir des coupures de courant ? Quelles seront les conséquences de la fermeture pour l'emploi local ? Selectra fait le point avec vous.  

Quelle procédure pour fermer une centrale nucléaire en France ?

Plus vieille centrale nucléaire de France, Fessenheim est aussi la première à subir un démantèlement. Mais alors qu'elles sont les différentes étapes du processus ? Combien de temps prendra cette opération ? 

Etape 1 : Demande de démantèlement de la part d'EDF devant l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN)

Cela ne se fera pas d'un claquement de doigts. "D'expérience, l'exploitant a besoin de deux ou trois ans pour préparer un dossier sérieux", souligne Pierre-Franck Chevet, Président de l'ASN. D'ailleurs, si l'ASN affirme avoir été notifiée de "la déclaration d’arrêt définitif des réacteurs de Fessenheim et le plan de démantèlement", elle n'a toujours pas reçu le dossier. EDF bénéficie de 2 ans pour faire parvenir la demande à l'organisme. Une fois le dossier de démantèlement déposé par EDF puis approuvé par l'ASN, le démantèlement est officiellement mis en route par décret. Cette étape est plus ou moins longue et dépend de la publication du décret par les autorités publiques. 

Etape 2 : Evacuation des substances radioactives

Le démantèlement ne peut se faire sans avoir sécurisé la zone des substances radioactives"D'une durée totale de cinq ans, cette première étape doit permettre le retrait total du combustible au bout de trois ans", fait savoir le journal, Les Echos. Parallèlement, toutes les parties qui n'ont pas directement été en contact avec l'atome sont nettoyées et traitées.  

Etape 3 : le démantèlement en lui même

Sur une période de 10 à 15 ans, toutes les machines ayant trait avec la radioactivité sont démontées. C'est à cette étape que seront démontés les deux réacteurs de 900 MW, le coeur de la centrale de Fessenheim. Cette opération sera réalisée par des robots pilotés à distance, pour des raisons de sûreté nucléaire. 

Etape 4 : Assainissement des lieux 

C'est la dernière phase du protocole. Elle s'étale sur 5 ans environ et consiste à chercher les traces de radioactivités encore présentes sur le site afin de le rendre praticable. A terme, il faudra donc au moins 20 ans pour rendre le lieu de nouveau exploitable à une autre activité. Ces 20 ans sont théoriques et des retards sont sans doute à prévoir. A ce jour, aucune centrale n'a encore été démantelée dans l'Hexagone.  

Quid des déchets nucléaires ? 

Le démantèlement génèrera bon nombre de déchets nucléaires. "Pour un réacteur à eau pressurisée de 900 MWe, les déchets radioactifs bruts sont évalués par EDF entre 7 000 et 8 000 tonnes pour une masse totale de structures et matériels d'environ 320 000 tonnes", fait savoir l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN). Mais comment seront-ils traités ?

Le sujet reste pour le moins délicat. C'est la mission de l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra). Les déchets de très faible activité (TFA) et de faible et moyenne activité à vie courte (FMA/VC) devraient rejoindre des centres de stockages de l'Andra. La problématique se complique davantage pour les déchets de moyenne activité à vie longue (MA/VL) et de haute activité à vie longue (HA/VL). Ces derniers devraient être enfouis, en théorie, dans le Centre industriel de stockage géologique (Cigéo) à Bure dans la Meuse. Mais rien n'est moins sûr. S'il on en croit l'IRSN, "il n'existe pas encore de solution opérationnelle".  Il en va de même pour les déchets de faible activité à vie longue (FA-VL). Selon la Société Française d'Energie Nucléaire, la gestion de ces déchets demeure encore "dans l’attente de solution de stockage pérenne"

Y-aura-t-il un risque de coupure de courant du fait de la fermeture de la centrale ? 

Quand on sait que le nucléaire représente 71% du mix énergétique français, la question se pose. A priori non, aucune coupure de courant n'est à craindre, et ce, même en hiver lors des épisodes de pics de consommation. Bien entendu, "le risque existe, selon Yves Marignac, porte-parole de l’association Negawatt. Retirer 900 mégawatts du système électrique au moment où il est sous contrainte n’est pas anodin. Mais si l’on prend en compte l’état actuel du parc, le maintien des centrales charbon, l’évolution de la consommation d’électricité - qui tend à stagner, voire à décroître –, c’est un risque maîtrisable".

Une affirmation qui va dans le sens de RTE, le gestionnaire du réseau d'électricité à haute tension. "Nous avons largement anticipé ces risques, met en exergue un cadre de RTE. Notamment en multipliant les interconnexions avec nos pays voisins, à commencer par l'Allemagne, afin d'assurer la fourniture d'électricité dans toute la région Grand-Est."

Mais pour que le démantèlement de la centrale aille dans le sens de la transition énergétique, il faudra limiter le recours au charbon, énergie fossile très carbonée en se tournant vers les énergies vertes comme le solaire, l'hydraulique ou encore l'éolien. Yves Marignac invite aussi les pouvoirs publics et chacun à se "poser à plus long terme la question de la réduction des consommations d’énergie. Vous avez des usages, par exemple les écrans publicitaires dans le métro, qui ne sont pas du tout indispensables et qui pourraient être éteints en cas de pic de consommation. Il faut aussi accélérer la rénovation thermique des logements et le renouvellement des vieux chauffages électriques de type " grille-pain ". En plein hiver, le chauffage représente aujourd’hui jusqu’à 40 % de la consommation d’électricité en France". En couplant énergies renouvelables et économies d'énergie, la France devrait alors améliorer son empreinte carbone tout en réduisant sa dépendance au nucléaire. 

Que deviendront les employés de la centrale de Fessenheim ?

La centrale de Fessenheim compte aujourd'hui 1200 employés. Quelques-uns resteront sur le site pour opérer le démantèlement. D'autres seront mutés vers une centrale encore en activité. Enfin, certains pourront bénéficier d'une reconversion professionnelle dans les énergies vertes. En effet, non loin de Fessenheim sera déployé un projet d’installation de panneaux photovoltaïques. De quoi recréer de l'emploi dans la région !

Quel avenir pour les autres centrales nucléaires ? 

Fessenheim ouvre la voie. Les autres centrales sont bel et bien amenées à disparaitre. Au vu des objectifs de la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), le gouvernement est tenu de faire fermer douze réacteurs sur 15 ans. A ces conditions, l'Etat pourra tenir ses engagements ramener à 50% la part du nucléaire dans l’électricité française à horizon 2035. 

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