Eoliennes dans un champ
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Choisir les offres vertes d'électricité et de gaz fait-il une différence pour la planète ?

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Sur les 22 offres de fourniture d'électricité recensées sur le comparateur Selectra au 8 septembre 2015, 10 étaient des offres 100% vertes, dont 6 étaient moins chères que le tarif réglementé d'EDF pour une consommation en option tarifaire Base. Le consommateur aurait ainsi un large choix d'offres permettant à la fois de réaliser des économies et de protéger l'environnement. Est-ce trop beau pour être vrai ? Selectra a mené l'enquête.

En résumé

Souscrire une offre d'électricité verte, quel que soit le fournisseur, revient davantage à s'approprier la part renouvelable du mix énergétique qu'à soutenir le développement de nouvelles capacités renouvelables. Ce dernier objectif est actuellement rempli par un autre dispositif : le système des tarifs de rachat financés par tous les consommateurs d'électricité via une taxe, la CSPE.

Toutefois, le système est bel et bien conçu pour garantir qu'une même production verte ne peut être revendue deux fois comme telle, et permet au consommateur de manifester sa sensibilité aux problématiques environnementales. Au fur et à mesure que les consommateurs prendront conscience de ces enjeux, la demande en électricité verte pourrait augmenter pour mieux valoriser le renouvelable et offrir aux producteurs une rémunération complémentaire de nature à rivaliser avec des tarifs de rachat appelés à baisser.

Du côté du gaz naturel, les offres 100% compensées carbone méritent de gagner en notoriété car elles permettent un investissement dans des projets concrets de lutte contre les émissions de gaz à effet de serre.

Les cinq grandes faiblesses des offres d'électricité verte

1 Les garanties d'origine ne sont pas un outil de financement de développement du renouvelable, contrairement à la CSPE

charges prévisionnelles de service public

Au contraire, l'objectif des garanties d'origine n'est pas de financer le développement des énergies renouvelables, mais simplement d'assurer une traçabilité assurant qu'il n'y a pas double utilisation de l'origine de l'énergie. Dans ces conditions, acheter de l'électricité verte revient pour le consommateur à s'approprier la part renouvelable du mix énergétique, et non à aider à la construction de nouvelles capacités. L'impact concret du geste pour la planète des 170 000 à 230 000 clients d'offres 100% verte n'est donc pas évident.

nombre de clients résidentiels en offre verte par fournisseur

Les fournisseurs alternatifs d'électricité verte comme Planète Oui et Enercoop réclament le droit d'utiliser le produit de la CSPE pour racheter des productions renouvelables éligibles au niveau des tarifs de rachat, au même titre qu'EDF. Même s'ils obtenaient gain de cause, il n'en résulterait pas moins que le financement du système continuerait à reposer sur la CSPE, et donc sur tous les consommateurs d'électricité, y compris ceux qui n'ont pas fait le choix d'une offre 100% verte.

2 Les garanties d'origine profitent surtout à l'hydroélectricité et aux autres productions renouvelables amorties de longue date plutôt qu'aux nouvelles capacités

Une production renouvelable bénéficiant d'un tarif de rachat (et donc financée par la CSPE) ne peut émettre de garanties d'origine qu'à la condition de déduire leur valorisation du produit de la vente au tarif de rachat, les deux systèmes n'étant pas cumulatifs. Les nouvelles capacités de production renouvelables bénéficiant de tarifs de rachat n'ont donc pas d'incitation à émettre de garanties d'origine. Le système ne profite donc qu'aux capacités anciennes, amorties de longue date. On retrouve essentiellement dans cette catégorie l'énergie hydroélectrique, d'où sa prépondérance très marquée dans les mix énergétiques affichés par les fournisseurs verts.

La France ayant déjà quasi-intégralement exploité ses capacités hydroélectriques, les détracteurs des offres vertes affirment qu'il existe peu d'intérêt à soutenir une filière dont la rentabilité est déjà assurée et dont les marges de développement sont inexistantes. Aux côtés de cette filière, on trouve également parmi les bénéficiaires des garanties d'origine des parcs éoliens sortis de la période des tarifs de rachat.

3 Le fournisseur peut associer des approvisionnements non renouvelables à des garanties d'origine pour proposer une offre verte

Un producteur d'électricité d'origine renouvelable peut vendre ses kilowattheures à un acheteur 1 et ses garanties d'origine à un acheteur 2. Le premier ne pourra pas valoriser le caractère renouvelable de la production. Le second pourra en revanche associer à ses approvisionnements gris (ex : nucléaire) les garanties d'origine ainsi obtenues pour proposer une offre d'électricité verte. Pour les détracteurs du système comme le fournisseur Enercoop, la dissociation de la vente de l'électricité et des garanties d'origine rend la traçabilité trop virtuelle et artificielle pour être satisfaisante pour le consommateur final.

4 Le faible prix des garanties d'origine n'autorise pas un réel soutien à la production renouvelable

Si la moitié des offres d'électricité verte peuvent afficher un prix inférieur aux tarifs réglementés de l'électricité, c'est parce que le surcoût issu de l'achat des garanties d'origine est faible pour le fournisseur. Autrement dit, le prix de la garantie d'origine est bas, et le complément de revenu du producteur renouvelable reste marginal.

5 La production d'électricité française est déjà largement décarbonnée

Dans un pays où 75% de la production d'électricité est nucléaire, et donc décarbonnée, le développement des énergies renouvelables aura peu d'impact sur les émissions de gaz à effet de serre. Le 100% vert en France est donc essentiellement promu par des mouvements dénonçant les dangers du nucléaire, illustrés par la catastrophe nucléaire de Fukushima, plutôt que par des défenseurs de la lutte contre le réchauffement climatique.

Des positionnements différents au sein des fournisseurs 100% verts

Les fournisseurs s'approvisionnant en électricité grise et en garanties d'origine

La garantie d'origine permet de s'approprier la part verte de l'électricité produite sur le réseau

Planète Oui, comptant environ 22 000 clients (tous 100% verts), et Direct Energie, 1,3 millions de clients (minoritairement verts), s'approvisionnent sur les marchés de gros et à l'ARENH (Accès Réglementé à l'Electricité Nucléaire Historique) et achètent des certificats verts en proportion de la consommation de leurs abonnés.

Nicolas Milko
 

Nicolas Milko, PDG de Planète Oui, explique que cette démarche ne revient pas à verdir artificiellement de l'électricité nucléaire. En effet, le H de ARENH pour Historique a été ajouté par le législateur pour préciser que l'ARENH ne désigne pas un outil permettant de s'approvisionner en électricité nucléaire, mais en électricité produite par un système historiquement dominé par le nucléaire et incluant toutes les productions du réseau. Ainsi, l'association de garanties d'origine à un approvisionnement gris, quel qu'il soit, vient garantir que Planète Oui s'approprie la part renouvelable contenue dans le mix énergétique du réseau français. Enfin, si le mix de Planète Oui inclut 95% d'hydroélectricité, le client dispose également d'une option Coup de Pouce facturée 3€TTC par mois et portant la part des énergies alternatives (éolien, solaire, biomasse) à 20%, ce qui est sans égal sur le marché. En effet, en-dehors l'ARENH, Planète Oui rachète notamment les kilowattheures générés par du petit éolien et complète son mix par d'autres achats renouvelables.

Ce point, toutefois, ne fait pas consensus. Pour d'autres acteurs, l'ARENH contient bel et bien exclusivement la part nucléaire du parc de production d'EDF. Notons que le débat perd de son intensité au fur et à mesure que les fournisseurs alternatifs se détournent de l'ARENH pour leur approvisionnement en électricité, les marchés de gros offrant des prix de marché de plus en plus attractifs depuis 2014.

La problématique de la cohérence temporelle entre production renouvelable et consommation

Dans un monde idéal où la traçabilité de l'électricité verte serait la moins virtuelle possible, les fournisseurs 100% vert acquerraient une production garantie renouvelable en pas de 10 minutes associée à une consommation équivalente sur la même période. Dans la réalité, c'est en janvier que les capacités hydrauliques de la France sont les meilleures et que les garanties d'origine sont les moins chères sur le marché : ceci pousse de nombreux fournisseurs comme GDF Suez et Direct Energie à s'approvisionner très majoritairement à cette période en garanties d'origine pour l'ensemble de la consommation annuelle de leurs clients 100% verts. Planète Oui, de son côté, associe les garanties d'origine à la consommation de ses clients sur un pas mensuel.

Même Enercoop, qui se veut le plus vert des fournisseurs, n'échappe pas complètement aux critiques

Barrage hydroélectrique
En France, la production d'électricité renouvelable reste très largement dominée par l'hydroélectricité.

Issu des milieux écologistes militants proches de Greenpeace, l'une des particularités d'Enercoop est d'acheter son électricité directement auprès de producteurs d'électricité verte sans avoir recours à l'ARENH, en échange de prix bien plus élevés que les tarifs réglementés. Pourtant, le mix énergétique reste très dominé par l'hydroélectricité amortie de longue date (94% d'hydroélectricité en 2014, 5% d'éolien, 1% de photovoltaïque), tout simplement puisqu'il existe peu de capacités d'énergies alternatives sorties des tarifs de rachat financés par la CSPE. Par ailleurs, Enercoop a délégué la gestion de sa responsabilité d'équilibre au fournisseur alternatif Alterna qui, lui, a souscrit à l'ARENH et achète sur les marchés organisés de l'électricité grise lui permettant de remplir sa mission pour Enercoop.

Le match des deux grands fournisseurs 100% verts : Planète Oui vs. Enercoop
  Planète Oui Enercoop
Nombre de clients 22 000 22 000
Prix de l'électricité 20% de réduction sur l'abonnement sous conditions Prix du kWh identique aux tarifs réglementés en option Base 18% plus cher que les tarifs réglementés (contre 40% aux débuts d'Enercoop)
Approvisionnement majoritaire ARENH et marchés organisés Achats directs aux producteurs
Principaux canaux de distribution de l'offre Souscriptions directes Comparateurs (Selectra) Souscriptions directes Réseau de coopératives locales
Part de l'hydroélectricité 95 à 80% selon l'option 94%
Forme juridique Société Anonyme Simplifiée (SAS) Société Coopérative d'Intérêt Collectif (SCIC)
Actionnaires / sociétaires Fondateurs et investisseur industriel (groupe Ramery) Consommateurs, producteurs, partenaires, collectivités et salariés peuvent devenir sociétaires et participer à la gouvernance
Actions pour l'environnement Encouragement à l'auto-relève mensuelle pour facturation à la consommation réelle chaque mois et prise de conscience de sa consommation Soutien d'associations engagées pour le développement durable Engagement de réinvestissement de bénéfices dans le développement d'énergies renouvelables Réinvestissement des bénéfices dans le développement d'énergies renouvelables (projets de production portés par les coopératives locales) Actions d'accompagnement à la maîtrise de la consommation d'énergie. Actions en lien avec de multiples associations (ex : collectif pour la transition)

Le système des offres vertes pose de bonnes bases pour l'avenir du renouvelable

Cessons d'attribuer aux garanties d'origine des objectifs qu'elles n'ont pas

Pour les défenseurs des garanties d'origine, il ne sert à rien de mettre en parallèle l'efficacité de la CSPE et des garanties d'origine. Si la première a vocation à financer le développement du renouvelable et la seconde à assurer qu'une même production renouvelable n'est pas vendue deux fois à ce titre, il s'agit de deux systèmes complémentaires, non concurrents et non comparables. La logique de la garantie d'origine pourrait ainsi être rapprochée de celle du label « issu de l'agriculture biologique », lui aussi outil de traçabilité au service des consommateurs.

Si l'objectif de la garantie d'origine se limite à la traçabilité, on pourrait imaginer que son prix soit fixe pour couvrir les frais de gestion de cette traçabilité, plutôt que régi par la confrontation de l'offre et de la demande. L'outil abandonnerait dans cette configuration toute ambition de contribution au financement des capacités renouvelables, même à long terme.

Le meilleur des systèmes aujourd'hui

Si la critique est facile, suggérer un système alternatif permettant de valoriser le renouvelable sur le marché de détail de l'énergie l'est beaucoup moins. Les garanties d'origine sont peut-être le meilleur outil possible pour faire face à la contrainte technique de l'impossibilité d'assurer la traçabilité physique de l'électricité sur le réseau.

Au-delà de l'argument marketing, les offres vertes d'aujourd'hui sont un moyen de sensibiliser le consommateur aux conséquences environnementales de son comportement (comme le fait Planète Oui en récompensant l'auto-relève et les petites consommations par une réduction sur l'abonnement). Si le mouvement se massifiait, souscrire une offre verte pourrait également constituer un message aux responsables politiques pour le développement des énergies renouvelables. Du côté des fournisseurs, il s'agit également de comprendre les attentes des consommateurs positionnés sur la niche du 100% renouvelable en attendant que la demande se fasse plus vigoureuse.

Un soutien à la filière du petit hydraulique

L'hydroélectricité, principale bénéficiaire de la vente de garanties d'origine, n'est pas un bloc homogène. Aux côtés des grands barrages amortis de longue date, le petit hydraulique, souvent contrôlé par de petits producteurs indépendants, est une filière renouvelable dont la rentabilité aujourd'hui précaire ne peut qu'être améliorée par le système des garanties d'origine.

Un rôle à venir dans l'incitation financière à la construction de nouvelles capacités ?

La prise de conscience des problématiques environnementales pourrait conduire à une demande de plus en plus marquée en électricité 100% verte, en provenance des particuliers comme des entreprises qui y verraient un moyen de se différencier de la concurrence. Il en résulterait une augmentation de la valeur des garanties d'origine, qui pourraient constituer un complément de rémunération (post tarifs de rachat ou non) de nature à renforcer l'attractivité des investissements dans de nouvelles capacités renouvelables.

Dans cette perspective (lointaine), la CSPE et les tarifs de rachat constitueraient ainsi un système transitoire mis en place en attendant que le marché des garanties d'origine gagne en maturité. Les tarifs de rachat devraient par ailleurs baisser en parallèle des progrès technologiques venant diminuer les coûts de production de l'éolien et du photovoltaïque.

Les offres de gaz vert : moins connues mais plus efficaces ?

Le gaz compensé carbone en soutien à des projets concrets

GDF Suez et son challenger eni sont les seuls à proposer des offres de gaz naturel 100% compensé carbone, un peu plus chères que les tarifs réglementés. Ces fournisseurs participent au financement de projets de réduction d'émissions de gaz à effet de serre générant des crédits carbones dans des proportions compensant la consommation de gaz des clients de l'offre. Chez eni (offre Astucio Planète), les projets ainsi soutenus sont clairement présentés au client (recyclage des gaz d'enfouissement en Thaïlande et lutte contre la déforestation au Ghana).

Aujourd'hui confidentielles, ces offres de gaz vert méritent pourtant de gagner en notoriété car elles appuient des projets concrets, au contraire des offres d'électricité 100% vertes. Leurs détracteurs ne manqueront toutefois pas de rappeler que le gaz naturel est une énergie fossile, épuisable, et que sa consommation émet des gaz à effet de serre.

A l'horizon : les offres de biométhane

Les méthaniseurs sont des installations permettant de transformer des déchets agricoles, agroalimentaires ou ménagers en biométhane. L'une des méthodes de valorisation de ce gaz très récemment apparues est l'injection de biométhane sur le réseau de distribution de gaz naturel. Un système de garantie d'origines similaire à celui en place pour l'électricité a ainsi été mis en place pour le gaz naturel en 2012, et des offres de gaz certifié 100% biométhane pourraient ainsi voir le jour dans les prochaines années.

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