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Pourquoi l'énergie nucléaire n'est pas une énergie verte ?

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En France, près de 72% de la production totale de l’électricité est de source nucléaire. L’énergie nucléaire produite par les centrales nucléaires est réputée décarbonée, qui émet peu ou pas d’émissions de CO2. Peut-on pour autant considérer l’énergie nucléaire comme une énergie renouvelable ? Quels sont les avantages et inconvénients à utiliser l’énergie nucléaire ? Pour le comprendre, il faut se pencher sur le mode production de l’électricité en France, son rôle dans la transition énergétique, ainsi que les enjeux actuels et futurs du développement des énergies renouvelables.

Energie fossile ou renouvelable, de quoi parle-t-on ?

La première chose à éclaircir, est de comprendre ce dont on parle lorsque l’on oppose les énergies fossiles et les énergies renouvelables.

La production d’énergie en 2019

Pour pouvoir utiliser son chauffage, avoir de l’eau chaude, cuisiner ou éclairer son intérieur, plusieurs types d’énergies sont utilisés dans les modes de production servant à alimenter nos logements :

  1. les énergies fossiles ;
  2. les énergies renouvelables ;
  3. les énergies fissiles ;
un engin jaune dans une mine de charbon

Les énergies fossiles sont des ressources telles que le gaz naturel, le pétrole ou le charbon, définies principalement par leur quantité limitée sur Terre et surtout par la production d’émissions de gaz à effet de serre (GES) lors de leur combustion. Ces émissions de GES sont la principale cause de l’effet de serre et du réchauffement climatique mondial. Le terme « fossile » renvoie au processus de décomposition lente d’éléments organiques (végétaux et animaux) dont les énergies sont issues, il y a de cela plusieurs millions d’années. Un jour prochain, ces ressources vont s’épuiser bloquant ainsi la production d’énergie mondiale.

Les énergies renouvelables sont issues de source d’énergie dont le processus de renouvellement est rapide, donnant un caractère inépuisable à ce type d’énergie. Les énergies renouvelables sont produites par des phénomènes naturels que l’on rencontre dans la nature : la biomasse (bois et ses dérivés), l’énergie solaire (photovoltaïques), l’énergie éolienne, l’énergie géothermique et l’énergie hydraulique. Les énergies renouvelables ont pour principale caractéristique de ne pas réaliser d’émissions de CO2 lors de leur combustion.

Quelle place occupe donc l’énergie nucléaire par rapport à ces deux groupes ? Une place à part puisque l’énergie nucléaire est une énergie fissile.

L’uranium, une énergie décarbonée mais non renouvelable

L’énergie nucléaire est produite dans des centrales nucléaires qui utilisent l’uranium, un combustible considéré comme une énergie fissile. Une énergie fissile est produite par des ressources primaires, comme l’uranium ou le plutonium, qui n’émettent pas de GES lors de leur combustion, tout comme les énergies renouvelables. Elle partage également un caractère commun avec les énergies fossiles puisqu’une énergie fissile est épuisable : ses ressources sur la Terre ne sont pas illimitées, ni renouvelables.

C’est la raison pour laquelle on considère l’énergie nucléaire comme une énergie décarbonée mais non renouvelable. De plus, l’énergie nucléaire n’est pas exempte de rejets, puisque les déchets nucléaires produits après la combustion posent de grands problèmes environnementaux.

L’uranium est un minerai présent dans l’écorce terrestre dont l’extraction nécessite des précautions importantes dues à sa haute réactivité. Plusieurs gisements existent partout dans le monde, des Etats-Unis à la Russie en passant par l’Australie, l’Amérique du Sud et l’Afrique. Pour rappel, l'uranium n'est pas une énergie renouvelable. L’uranium brut extrait de ces exploitations minières va subir différents traitements chimiques pour arriver à sa forme la plus aboutie et enrichie, l’uranium 235. Compacté et réduit en une forme cylindrique, une pastille noire, l’uranium 235 va pouvoir être utilisé dans les centrales nucléaires pour produire de l’énergie électrique.

Chaque pastille noire d’uranium 235 peut libérer l’équivalent en énergie d’une tonne de charbon.

Comment fonctionne l’énergie nucléaire ?

Voyons maintenant plus en détails le fonctionnement d’une centrale nucléaire : la complexité de sa production, la règlementation en vigueur, la délicate question : doit-on considérer l’énergie nucléaire comme une énergie verte.

Le rôle de la centrale nucléaire

centrales nucléaires

Les centrales nucléaires, qu’elles se trouvent en France ou ailleurs dans le monde, ont pour principale fonction de produire de l’énergie électrique. Grâce à l’utilisation de l’uranium et d’un processus mécanique et chimique que l’on appelle la fission nucléaire, une centrale nucléaire peut pourvoir aux besoins énergétiques d’une population entière. La fission nucléaire repose sur la fission des atomes d’uranium, un procédé qui permet de créer de la chaleur, qui elle-même va permettre va chauffer de l’eau, la transformer en vapeur et actionner une turbine. Le résultat final de ce processus est la production d'énergie électrique.

Le fonctionnement d’une centrale nucléaire peut ainsi se décomposer en plusieurs circuits :

  • le circuit primaire ou circuit fermé où la fission des atomes d’uranium se produit au cœur du réacteur. Cette fission libère de la chaleur qui va chauffer de l’eau circulant dans le circuit primaire à une température de 320° ;
  • le circuit secondaire communique directement avec le circuit primaire via un générateur de vapeur. Ce dernier contient également de l’eau qui va être chauffée par celle contenue dans le circuit primaire. La vapeur d’eau va exercer une pression sur une turbine, la faire tourner et entrainer à sa suite un alternateur. Ce processus produit un courant électrique alternatif ;
  • Entre alors en action un transformateur qui va élever la tension du courant alternatif et lui permettre ainsi d’être transporté via les lignes hautes tensions. Au cours de l’acheminement, le courant alternatif transite par d’autres transformateurs pour au final être distribué dans chaque logement ;
  • le circuit de refroidissement achève le processus de la fission nucléaire, en inversant le mécanisme : la vapeur d’eau générée est de nouveau transformée en liquide grâce à de l’eau froide circulant dans un condenseur.

L’étanchéité entre les trois circuits composant une centrale nucléaire est totale.

L’énergie nucléaire, une énergie propre ?

L'énergie nucléaire n’émet pas de gaz à effet de serre, c'est un de ses atouts indéniables. Qualifiée par ses supporteurs comme étant une énergie éco-friendly, l’énergie de demain selon Valérie Faudon, déléguée générale de la Sfen (Société française d'énergie nucléaire), qui met en avant ses qualités en termes de capacité de production, son coût maîtrisé et surtout son faible impact sur l’environnement et la santé publique.

Cependant, il ne faut pas oublier que comme toute production industrielle, l’énergie nucléaire produit fatalement des déchets (200 tonnes/an). Et en l’occurrence des rejets sous les feux de nombreuses critiques : les déchets nucléaires.

Détracteurs et supporteurs s’affrontent régulièrement sur la question de la gestion des déchets nucléaires et des risques importants encourus en cas d’accident. Notamment, la question de leur conditionnement et leur entreposage font polémiques. Deux types de déchets nucléaires existent :

  • les déchets à vie courte qui représentent 90% du volume total des déchets et ne sont que très peu chargés en radioactivité (0,1%) ;
  • les déchets à vie longue où 95% sont recyclés puis réutilisés dans les centrales. 5% sont transformés en déchets ultimes en vue d’être entreposés et conditionnés. Ces déchets représentent 99% de la radioactivité totale. Cette radioactivité peut avoir une durée de vie sur plusieurs milliers d’années ;

A l’heure actuelle, la solution du stockage comme l’enfouissement sous terre pose question. Quid des effets secondaires sur la faune et flore dus à d’éventuels transferts de la radioactivité des déchets nucléaires ? Sans parler des conséquences plus graves comme des fuites sur les réacteurs nucléaires… Les centrales nucléaires de Fukushima et de Tchernobyl sont tristement là pour nous le rappeler.

Autre point à souligner est le caractère zéro émissions de Co2 dont se dote l’énergie nucléaire. Si le processus de la fission nucléaire est exempt d’émissions, qu’en est-il des émissions de GES réalisées pour extraire le minerai, le transformer en uranium enrichi, pour l’acheminer via transport routier ? Le bilan carbone nucléaire doit être fait sur l’ensemble du cycle de vie de l’énergie nucléaire produite pour avoir une vision globale et objective du sujet.

Le cas du nucléaire en France

Le nucléaire en France tient une place particulière dans l’économie et la société. L’histoire du nucléaire en France prend ses racines aux lendemains de la 2eme guerre mondiale. A cette époque, l’intérêt pour la technologie du nucléaire avait plus des intérêts militaires qu’énergétiques. Sous l’égide du Commissariat à l’énergie atomique (CEA), les recherches autour des possibilités offertes par cette nouvelle énergie poussent le gouvernement français à construire le premier réacteur nucléaire en 1955.

une centrale nucléaire dans les champs

C’est à partir de 1957 que le programme électronucléaire voit le jour et est confié aux mains d’EDF. Cette nouvelle orientation stratégique est de se prémunir de toute dépendance énergétique envers d’autres pays. Les événements géopolitiques internationaux donnent raison au gouvernement puisque les différents chocs pétroliers des années 1970 accélèrent la construction de nouvelles centrales nucléaires partout sur le territoire.

Aujourd’hui, l’énergie nucléaire est la 1ere source de production d’électricité en France (à hauteur de 75%). Elle peut pourvoir aux besoins énergétiques de l’ensemble des consommateurs via un parc de 58 réacteurs répartis sur l’ensemble de l’hexagone. Cependant, malgré ses atouts indéniables dans le mix énergétique français (la part des énergies renouvelables atteignant difficilement les 15%), la question des centrales nucléaires pose régulièrement polémique.

La gestion et la maintenance des 40 centrales nucléaires en France soulèvent des critiques, notamment le coût astronomique – à plusieurs milliards d’euros - que cela va représenter dans le futur. Certaines centrales ayant atteint l’âge respectable de 40 ans.

Où va-t-on trouver l’argent pour maintenir la production d’électricité au même niveau à l’horizon 2030 ou 2050 ?

Cette augmentation des coûts de production va nécessairement impacter le prix de l’électricité, comment maintenir le pouvoir d’achat des particuliers ?

Les détracteurs mettent ainsi en avant l’absence de cohérence de poursuivre une production d’électricité qui va générer plus de dépenses au fil du temps, et de l’urgence de développer les énergies renouvelables. Surtout avec le réchauffement climatique qui ne cesse de prendre de l’ampleur d’années en années. Pour eux, l’avenir est dans les énergies renouvelables (EnR), condition sine qua none pour atteindre les objectifs fixés de réduction des émissions de GES d’ici 2050.

Les défenseurs d’une énergie décarbonée nucléaire parlent plutôt de réorienter le mode de production des centrales : de la fission nucléaire à la fusion nucléaire.

La fusion nucléaire ou la solution zéro carbone ?

La fusion nucléaire est un procédé, au stade d’expérimentations, mettant en œuvre une collaboration scientifique internationale pour trouver une source de production d’énergie illimitée, sans rejets de CO2 et de déchets toxiques. En somme, l'objet de toutes les convoitises dans le monde de l’Energie.

co2 compensé terre

Mais qu’est-ce que la fusion nucléaire ?

C’est une des deux réactions nucléaires appliquées avec la fission nucléaire. La fusion nucléaire ou réaction thermonucléaire est un processus que l’on observe déjà à l’état naturel par le soleil ou les étoiles. Ce processus consiste à réunir en un seul noyau lourd, deux noyaux atomiques distincts. L’énergie résultant de la fusion nucléaire ne produit pas de déchets toxiques, est abondante et surtout n’émet aucun gaz à effet de serre.

Ces considérations scientifiques étant dites, le projet de fusion nucléaire Iter basé à Cadarache (Bouches-du-Rhône) est toujours en cours de développement. Que fait-on en attendant son hypothétique prochaine mise en service ? Certains voient dans la complémentarité des énergies (énergie nucléaire et développement accru des énergies renouvelables) la solution la moins périlleuse en terme économique.

La place des énergies renouvelables en France

Face à la polémique de l’énergie nucléaire, la France va-t-elle faire le choix de fermer ces centrales nucléaires et amorcer le virage vers le développement des énergies renouvelables (EnR) ? Rien n’est encore tranché, tant la part du nucléaire dans le mix énergétique est importante, et celle des énergies renouvelables si dérisoire encore pour faire basculer la balance.

D’autant plus que les énergies vertes sont critiquées également pour leur impact environnemental et ne seraient pas aussi « vertes » que cela.

ampoule arbre

En France, on compte plusieurs types d’énergies renouvelables :

La construction d’éoliennes et de panneaux photovoltaïques nécessitent d’utiliser des matériaux qui consomment des ressources naturelles. Ressources naturelles dont l’extraction implique des modes de production émetteurs de CO2. Et ainsi de suite dans la chaîne de vie du produit jusqu’à ce que l’énergie électrique produite soit consommée par le particulier.

Autre critique rencontrée et non des moindres, le prix du kWh d’électricité verte qui serait plus élevé chez certains fournisseurs d’énergie. Ces derniers mettent en avant une juste rémunération des producteurs d’énergies renouvelables, contrairement à certains fournisseurs d’énergies vertes qui manquent de transparence sur les garanties d’origines. Toutefois, même s’il est difficile voire impossible de dire que l’électricité que l’on utilise est 100% verte, les certificats sont là pour assurer une traçabilité de l’énergie ; au même titre que les certificats d’économies d’énergie (CEE) pour les travaux de rénovation de la performance énergétique. Avec les certificats Garantie d’Origine, le souscripteur à une offre d’électricité verte a l’assurance que pour chaque kWh consommé, l’équivalent en énergie renouvelable est réinjecté dans le réseau d’électricité.

Le consommateur a donc tout intérêt à comparer scrupuleusement les offres d’électricité vertes des fournisseurs d’énergie en cas de changement d’abonnement.

Ceci étant dit, le coût de production des énergies renouvelables devrait baisser avec le temps, amortissement oblige, faisant passer le coût de production en dessous des 50€ le mégawattheure pour le photovoltaïque et de 60 € pour l’éolien. La France arrivera-t-elle à renverser la vapeur et s’aligner sur d’autres pays ayant déjà fortement développés les énergies renouvelables chez eux ?