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Médecine connectée : quels enjeux pour la réforme de notre système de santé ? 

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Alors que les paysages de l’assurance et de la santé se métamorphosent, et que la réforme du système de santé français est discutée à l’Assemblée, de nombreuses questions se posent. Selectra fait le point sur les enjeux liés à la modernisation de la médecine et de sa pratique, pour les patients comme pour les professionnels.

Dématérialisation et e-santé : des discussions très actuelles

Le domaine de la e-santé s’est rapidement imposé comme un secteur clé dans le monde de l’assurance. Actuellement, à l’Assemblée, le projet de loi Buzyn incluant de nombreuses réformes – comme le reste à charge 0 – est discuté, et le sujet de la santé connectée a fait son entrée dans les conversations. Un élément clé est au cœur de celles-ci : la dématérialisation.

Alors que la santé se transforme en France, chacun des acteurs du secteur a un rôle important à jouer.

À n’en pas douter, les usages et les réflexes des personnes concernant leur santé ont changé au même rythme que celui de l’innovation. Il n’est pas rare, par exemple, avant même de consulter un médecin, de se rendre directement en ligne pour étudier ses symptômes. De même, des plateformes telles que Doctolib, qui permettent de prendre un rendez-vous en ligne chez un professionnel de santé, ont rencontré un véritable succès. Pour le Docteur Jacques Lucas, délégué général au numérique à l’Ordre national des médecins, ces métamorphoses au sein du secteur incarnent une évolution à surveiller : « Cela fait dix ans que l’on accompagne les sites de prise de rendez-vous, comme les secrétariats numériques, a-t-il expliqué à Libération. À partir du moment où les données sont chez un hébergeur agréé et qu’il y a une bonne vigilance, nous n’y voyons pas d’obstacle. Pour autant nous sommes là. Et observons ».

Sur le cas français, il précise : « Nous sommes dans un système très contrôlé. Et au niveau des data, Doctolib, comme les autres acteurs, a tout intérêt à se conforter complètement aux règles en vigueur. La CNIL surveille, et s’il y a des manquements, les sanctions sont très lourdes. Une société n’a aucun intérêt à se mettre en infraction. Mais de même que Doctolib a racheté Mondocteur pour grandir, il peut à son tour être racheté. Et là, que se passera-t-il pour nos données ? C’est le seul risque que je vois dans l’immédiat », un état des lieux rassurant donc, tout du moins pour l’instant.

Le futur de la santé sera-t-il connecté ? Tout semble pointer dans cette direction. Pour les acteurs de ce domaine, il s’agit donc d’anticiper les demandes et de faire preuve d’une grande adaptation et réactivité afin de ne pas se faire dépasser. Il n’y a qu’à observer les levées de fonds par des start-ups de la e-santé, où même les rachats de structure importante de l’assurance, à l’instar d’Harmonie mutuelle – qui sera la première en France à proposer le reste à charge zéro en juillet 2019 – qui a racheté MesDocteurs.

Santé connectée : la protection des données, un enjeu majeurComme tout ce qui a attrait à la domotique et à l’innovation connectée, le sujet de l’e-santé mène rapidement à celui de la protection des données. Des datas d’autant plus sensibles qu’elles sont ici relatives à la santé des personnes. Aujourd’hui, il n’est pas rare d’utiliser par exemple des wearables – les objets connectés que l’on porte – pour suivre sa santé. Mais quelle est la limite de l’utilisation des données collectées par les entités privées à l’origine de ces produits ? Faut-il encadrer l’utilisation des objets connectés pour veiller à la part de manœuvre des assurances par exemple quant à la récupération des datas et leur vente ?

Télémédecine, données, encadrement législatif : un chantier colossal

Réformer le système de santé français est un projet long et fastidieux. Les changements doivent prendre en compte la réalité de la vie moderne, sa connectivité, mais aussi les enjeux économiques de la société capitaliste, et les risques inhérents à la marchandisation de datas privées. Les données de santé sont-elles des données comme les autres ? Leur valeur marchande est grande, mais est-il éthique de les vendre comme de simples marchandises ? Et quel encadrement légal entourent aujourd’hui les pratiques des différents acteurs de ce marché – les entreprises de la Tech, l’industrie pharmaceutique et les assureurs ?

De plus, pour donner un second souffle au système de santé français, il faut prendre en compte une autre spécificité : les déserts médicaux. Cette situation désastreuse s’entremêle à la question de l’accessibilité aux soins, géographique ou financière. C’est notamment avec cela en tête que le reste à charge 0 a été pensé, pour éviter le renoncement à certains soins coûteux par les populations les plus précarisées.

Dans l’immédiat, les grands débats qui entourent la e-santé se concentrent donc sur la protection des données, la dématérialisation (du dossier médical, par exemple) et la téléconsultation avec des généralistes ou même des spécialistes. Pour cette dernière, un grand pas a été fait, puisqu’en septembre 2018 un accord a été signé entre les syndicats des médecins et l’assurance maladie pour que celle-ci soit remboursée. Savoir si la téléconsultation sera une réponse efficace aux déserts médicaux ou si elle sonnera le glas des interactions humaines – ou les deux – peut difficilement être prédit. Ce qui est certain, c’est que la téléconsultation se popularise. Dans son communiqué de presse du 26 mars 2019, intitulé « Bilan à 6 mois de la Télémédecine », l’assurance maladie révélait qu’en six mois seulement, 7 039 actes de téléconsultations ont été remboursés, et que 40,2 % de ses consultations 2.0 avaient été réalisées par des généralistes. Alors que fin 2018 le nombre moyen de téléconsultation était de 200, celui-ci est passé à 700 mi-février 2019.

Comment repenser la santé et la médecine à l’ère de l’ultra connectivité ?

Quoi qu’il en soit, là encore, la question de la sécurité est centrale, et la garantir passe en grande partie par le logiciel utilisé pour effectuer l’appel vidéo. Une question pour l’instant mise de côté par les acteurs publics de la santé. Et ce flottement permet aux acteurs privés de s’engouffrer dans la brèche, à l’instar de Doctolib qui prévoit de lancer la téléconsultation sur sa plateforme dès janvier 2019. En mars 2019, l’entreprise levait 150 millions d’euros pour poursuivre son développement et atteignait une valorisation de 1 milliard d’euros. Si l’entreprise domine par ailleurs le secteur à ce jour, les derniers bouleversements législatifs pourraient bien booster la création d’un nouveau marché, dont les enjeux peuvent déjà se deviner.

Base de données de l’assurance maladie : notre santé sera-t-elle monétisée ?En France, notre système de santé, pour l’instant largement public, est singulier. Il se distingue de celui proposé dans de nombreux pays. Et sa particularité implique notamment la disposition par l’État d’une large base de données médicale nationale des Français, laquelle possédée par l’assurance maladie. Si, un jour, la vente de cette ressource devait être autorisée, sa valeur marchande serait pour ainsi dire inestimable.

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