Ségolène Royal présente son projet pour une transition énergétique "à la Française"

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La ministre Ségolène Royal a présenté mercredi son texte de « loi de programmation de la transition énergétique pour la croissance verte ». Selon le président Hollande lui-même, il pourrait s'agir du projet le plus important du quinquennat.

Issu de 18 mois de travaux préparatoires, le texte est le fruit de nombreux compromis entre les différentes industries, les mouvements écologistes, les mouvements antinucléaires et le fournisseur historique EDF. Il présente l'avantage de viser à une réduction importante des émissions de gaz à effet de serre de pair avec une réduction de la facture énergie pour l'Etat et les ménages. Une quadrature du cercle que l'on sait complexe à obtenir dans les faits. En la matière, la transition énergétique allemande se pose comme un contre-exemple éclatant : 78 milliards d'euros dépensés en 13 ans, pour un résultat très mitigé puisque l'Allemagne émet aujourd'hui plus de gaz polluants qu'au début des années 2000. En comparaison, la loi pour la transition énergétique française prévoit une enveloppe de "seulement" 5 milliards, qui semblent avoir été utilisés à bon escient.

Un développement équilibré des énergies vertes

L'Allemagne s'était donnée un objectif de 60% d'énergies renouvelables en 2050, soutenue par un mix fortement basé sur l'éolien et le solaire photovoltaïque. La France se montre plus prudente, en misant sur un objectif de 32% d'énergies vertes d'ici 2030. Le texte de loi promeut par ailleurs le développement tous azimuts de plusieurs types d'énergies, parmi lesquelles la biomasse et le biogaz. L'augmentation de leur part dans le mix énergétique français devra permettre de réduire celle des énergies fossiles de 30% sur la même période. L'enjeu est double, car il s'agit aussi de réduire la dépendance de la France à des produits pétroliers dont le cours peut être volatile.

Il fallait sans doute une loi pour entériner le soutien aux énergies renouvelables, car la France semble avoir pris un certain retard dans ce domaine sur les dernières années. Les tarifs d'achat de l'énergie solaire photovoltaïque par EDF, en baisse régulière depuis 2011, seront revalorisés, et de nouveaux appels d'offres seront lancés pour la construction de grosses installations. On note que cette mesure aura sans doute un impact négatif sur l'évolution de la CSPE, une taxe prélevée sur la consommation d'électricité des ménages et des entreprises qui a vocation notamment à couvrir le prix d'achat des énergies vertes.

Le mix énergétique français comprend aujourd'hui 13,7% d'énergies vertes, ce qui pourrait donner à croire que la France a déjà accompli la moitié du chemin pour arriver à son objectif 2030. Il faut pourtant rappeler que l'énergie verte produite en France provient à 86% de barrages hydrauliques, lesquels existent depuis plusieurs décennies. Plusieurs fournisseurs d'électricité verte, proposent aujourd'hui des offres reposant sur les nouvelles énergies vertes telles que l'éolien et le photovoltaïque. En la matière, la France est donc encore à la traîne en comparaison avec ses voisins européens.

Pas de décision tranchée sur le nucléaire

Déclarant de pas vouloir "opposer les énergies", la ministre Ségolène Royal a rappelé que l'énergie nucléaire avait "apporté un socle de sécurité de production" depuis des décennies. En tant qu'énergie décarbonée, elle représente même selon la ministre "un atout pour la transition énergétique". Le fournisseur historique EDF a obtenu plusieurs concessions de l'Etat dans ce texte. La durée de vie des centrales nucléaires pourra être étendue à 60 ans, et l'Etat ne pourra pas commander la fermeture d'une centrale "pour des raisons politiques". EDF reste donc maître du calendrier de fermeture de ses centrales, y compris de la controversée centrale de Fessenheim.

A un niveau plus général, l'Etat fixera néanmoins la part de chaque source d'énergie dans le mix énergétique national. L'engagement du candidat Hollande de réduire la part du nucléaire dans la production nationale d'électricité de 75 à 50% semble donc toujours à l'ordre du jour. Selon Henri Proglio, P-DG d'EDF, cette part devrait se réduire naturellement avec l'augmentation de la consommation française, sans qu'il n'y ait besoin de réduire la puissance totale du parc. Celle-ci devrait de facto rester stable à son niveau actuel de 63,2 GW, d'après le texte de loi. Cette logique présente cependant une faille majeure, car le même texte de loi prévoit également une réduction de la consommation d'énergie finale du pays de 50% entre 2012 et 2050. Comment dès lors espérer réduire la part du nucléaire sans réduire la puissance du parc ?

Les économies d'énergie à l'honneur

Le propre de la transition énergétique "à la française" semble être qu'elle met l'accent sur les économies énergies. Sans doute d'abord parce qu'il s'agit d'une façon très simple de réduire la facture énergétique, l'énergie la moins chère restant toujours celle que l'on ne consomme pas. La France compte aujourd'hui 20 millions de logements mal isolés, un chiffre qui contient la majorité des ménages en situation de précarité énergétique. En prônant une "révolution dans l'art de bâtir", Ségolène Royal espère imposer un rythme de 500 000 rénovations de logements jusqu'en 2017. Concrètement, la loi rend obligatoire des travaux d'isolation thermique en cas de ravalement de façade, de travaux de toiture ou d'extension de l'habitation. Pour les particuliers, ces travaux pourront donner lieu à un crédit d'impôt sur les dépenses engagées. La ministre compte par ailleurs sur un effet bénéfique sur l'emploi, dans la mesure où ces rénovations massives réclameront la mobilisation d'une main-d'oeuvre importante. On note cependant que pour l'instant, la filière du bâtiment n'est pas encore prête à couvrir une telle demande.

Pour alléger l'effort énergétique des ménages les plus modestes, le texte de loi prévoit également la mise en place du Chèque énergie d'ici 2018, un système de financement complet permettant de couvrir la consommation dans tous les types d'énergies, y compris par exemple le bois de chauffage. Il remplacera le tarif de première nécessité et le tarif social de solidarité, qui profitent respectivement aux consommateurs d'électricité et de gaz. La taille de l'enveloppe pour ce Chèque énergie n'est cependant pas encore fixée.

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