Baisse des prix du gaz : quelle différence sur les factures d’énergie ?
Températures saisonnières anormalement élevées, stocks de gaz historiquement remplis, voici les principales raisons de cette bonne nouvelle : le prix du gaz sur le marché européen baisse pour la première fois depuis septembre 2021, atteignant un peu moins de 50 euros le mégawattheure la semaine dernière. Mais on s’interroge. Cette baisse spectaculaire du prix de gaz aura-t-elle un impact positif sur les factures des ménages ? Rien n’est moins sûr.
Un prix du gaz jamais vu depuis septembre 2021
Après des mois en dents de scie, il semblerait que le prix du gaz retrouve un niveau raisonnable pour la première fois depuis le début de la crise de l’énergie, en septembre 2021. Le tarif du mégawattheure est en effet retombé vendredi dernier à 48,90 euros sur le TTF Rotterdam, l’indice de référence européen. Encore loin toutefois de son niveau “d’avant crise”, lorsqu’il plafonnait encore à une moyenne inférieure à 20 euros (en avril 2021), mais encourageant tout de même si l’on tient compte des pics du mois d’août 2022, à plus de 170 euros le mégawattheure.
Un tarif favorable, qui s’explique notamment par une baisse généralisée des consommations. Plus de 20 % en moyenne entre fin 2021 et fin 2022 sur l’ensemble de l’Europe. En cause, de nombreux appels à la sobriété énergétique passés par l’ensemble des gouvernements européens, des températures anormalement douces pour la saison, mais également, des prix de l’énergie prohibitifs, qui poussent davantage les consommateurs à modérer leurs besoins énergétiques.
Autre facteur de taille, la course effrénée des pays européens en faveur du remplissage de leurs stocks de gaz. En effet, les stockages de gaz en France n'ont jamais été aussi pleins, atteignant au 15 janvier dernier environ 80% de leurs capacités. Autrement-dit 106 TWh, pas moins du quart de la consommation française en 2021. Un niveau “historiquement élevé” selon GRTgaz, forcé d’annoncer “une baisse significative de ces niveaux [...] pour respecter les contraintes techniques de “respiration” des stockages français” tout au long des semaines suivantes. “Le risque d’un déficit de gaz en volume sur le reste de l’hiver 2022-2023 apparaît très improbable”, plaide par ailleurs l’opérateur.
Les craintes d’une coupure des approvisionnements en gaz russe se sont donc estompées. La France, mais également la grande majorité des pays européens, ont appris à s’en dispenser à grands renforts d’énergies renouvelables mais aussi et surtout, en diversifiant leurs sources de “ravitaillement”. Face à ces actualités encourageantes, l’espoir d’une baisse du montant des factures de gaz pour les consommateurs se fait sentir.
Une accalmie de courte durée ?
Si le contrat à terme du TTF néerlandais s’échangeait pour moins de 50 euros le mégawattheure (MWh) en fin de semaine dernière - une première depuis septembre 2021 - les prix demeurent toutefois historiquement élevés. En effet, avant 2021, ces mêmes prix n’avaient que rarement dépassé les 35 euros le mégawattheure.
Malgré des réserves élevées, on peut également craindre un retour à la normale de températures au cours de l’hiver 2023-24, qui aura pour conséquence un nouveau pic de consommation d’énergie.
De plus, après une croissance de 3% l'an dernier - sa pire performance annuelle depuis quatre décennies (hors année 2020) - le PIB de la Chine devrait croître de 5,2% cette année, à en croire les dernières prévisions du Fonds monétaire international (FMI). Une reprise économique qui pourrait bien faire basculer les prix et accélérer la compétition avec la Chine pour le gaz naturel liquéfié (GNL).
Selon un rapport publié la semaine précédente par Shell, au cours de l’année 2022, l’Europe a augmenté la part de ses importations de GNL de près de 60%, afin de compenser la baisse des importations russes. Le géant des hydrocarbures en a également profité pour faire part de ses prévisions, annonçant un marché “tendu” pour les années à venir en raison d’une concurrence accrue entre acheteurs et d’un manque d’augmentation de l’offre.
Autant de paramètres qui invitent à rester prudents en matière de prix de l’énergie et tempérer les perspectives les plus optimistes.
Des factures de gaz inchangées
Un autre facteur qui invite à modérer les attentes des consommateurs en matière de baisse du montant des factures réside dans le dispositif de protection mis en place par le Gouvernement. Depuis 2021, les ménages français bénéficient du secours du bouclier tarifaire. Celui-ci garantit un plafond de hausse maximal sur les prix de l’énergie. Au cours de l’année 2022, cette hausse a ainsi été maintenue sous la barre des 4%, pour atteindre les 15% sur une partie de l’année 2023.
Si traditionnellement, les tarifs réglementés du gaz évoluent une fois par mois, ils restent donc inchangés, mois après mois, jusqu’à levée du bouclier. Une mesure qui a permis de protéger bon nombre de consommateurs, mais qui pourrait s’avérer un frein à une baisse du montant des factures.
Selon l'observatoire des marchés de détail du gaz au 1er trimestre 2021 publié par Enedis, au 31 mars de la même année, ils étaient encore près de 3 164 000 de clients à bénéficier des tarifs réglementés du gaz, sans compter les consommateurs ayant souscrit une offre de marché indexée à ces tarifs (qui évoluent à la hausse ou à la baisse, conséquemment aux fluctuations de celui-ci). Ainsi, jusqu’au terme du bouclier tarifaire sur le gaz - fin juin 2023 - aucune baisse des tarifs ne peut être opérée. Par ailleurs, la fin de ce bouclier tarifaire pourrait être reportée jusqu’à la fin de l’année 2023, à en croire les déclarations d’Elisabeth Borne en janvier dernier.
Reste enfin les ménages ayant souscrit un contrat à prix fixe, dont le tarif demeure bloqué, à la hausse comme à la baisse pour toute la durée du contrat. Pour ceux-là, aucune chance de bénéficier de prix plus avantageux.
Si cette baisse significative du prix du gaz sur les marchés de gros demeure une nouvelle encourageante, elle n'est donc ni la garantie d'un apaisement à long terme, ni celle d'une baisse immédiate sur les factures de gaz des clients hexagonaux.