Prix de l'électricité : vers une réforme de l'ARENH ?

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Dans un rapport sur l'Accès Régulé à l'Energie Nucléaire Historique (ARENH) publié le 22 juillet 2020, la Commission de Régulation de l'Energie (CRE) a annoncé qu'une réforme de ce dispositif serait "souhaitable". Mis en place par la Loi NOME de 2010, ce mécanisme influe grandement sur le prix de l'électricité en France. Plus en détail, qu'est-ce-que l'ARENH ? Qu'impliquerait une réforme pour les consommateurs ?

Zoom sur le mécanisme de l'ARENH

centrale nucléaire edf

En France, 70,6% du mix énergétique est dominé par l'énergie nucléaire. C'est EDF, le fournisseur historique qui exploite les centrales qui assurent la production de l'électricité nucléaire.

Quelques années après la libéralisation du marché en 2007, les autorités publiques ont jugé que cette situation pouvait entraver l'ouverture à la concurrence. En effet, les prix du nucléaire étant souvent plus bas que sur les marchés de gros, les fournisseurs alternatifs ne pouvaient s'approvisionner dans les mêmes conditions qu'EDF. De ce fait, ils ne pouvaient proposer des tarifs équivalents ou moins chers que le tarif réglementé de vente (TRV), le tarif bleu d'EDF.

Pour remédier à cela a été mis en place l'ARENH. Ce mécanisme impose à EDF de vendre jusqu'à 100 TWh d'électricité nucléaire par an à ses concurrents, à un prix de 42 €/ MWh. Cela correspond à environ un quart de la production de l'énergéticien.

Selon le contexte économique, deux scénarios peuvent se présenter :

  • Si moins de 100 TWh sont demandés, chaque fournisseur reçoit une quantité d'énergie nucléaire proportionnelle à son portefeuille de client. Il est satisfait à 100% de sa demande ;
  • Si plus de 100 TWh sont demandés, cela devient plus compliqué. Chaque fournisseur obtient un pourcentage de la quantité à laquelle il a droit. Cette quantité est déterminée par le nombre de clients dont il fait preuve. On appelle cela l'écrêtement de l'ARENH. Ce cas de figure a eu lieu en 2020. Les opérateurs n'ont reçu que 68% de leur demande.

L'écrêtement de l'ARENH : quelles conséquences sur le prix de l'électricité ?

prix électricité

Lorsque le plafond de l'ARENH est dépassé, cela joue sur les prix de l'électricité. En effet, les fournisseurs sont obligés d'aller acheter de l'énergie directement à des producteurs ou sur les marchés de gros. En général, l'électricité y est plus chère. Cela peut entrainer une hausse du prix du kWh sur les offres proposées par les fournisseurs alternatifs.

Les offres d'EDF n'en sont pas plus compétitives puisque la CRE précise que "si le plafond d’ARENH est atteint, EDF devra appliquer le même taux d’écrêtement dans ses offres sur le marché de détail." Ainsi, si chaque fournisseur reçoit 68% d'ARENH, 32% de l'offre est déterminée par les prix des marchés de gros, plus volatiles. C'est ce que dénonce l'Association Nationale des Détaillants d'Energie (ANODE) qui regroupe les principaux opérateurs. Elle milite pour rehausser le seuil maximal de l'ARENH.

"L’atteinte du plafond de l’ARENH génère une augmentation du prix de l’ensemble des offres de l’opérateur historique, aussi bien au tarif réglementé qu’en offre de marché et aura donc pour conséquence de renchérir globalement le prix de la fourniture d’électricité de l’ensemble des consommateurs français."
ANODE - Communiqué de presse du 30/11/2018

D'autre part, la CRE fait savoir dans son rapport que cette situation d'écrêtement peut freiner le développement des offres à prix fixes. Les fournisseurs ne pouvant pas prévoir l'évolution des prix sur les marchés, il est difficile pour eux de garantir une stabilité du prix du kWh à leurs clients.

"La contractualisation de la fourniture en électricité d’un client sur plusieurs années nécessite de pouvoir anticiper le coût de l’approvisionnement de ce client en énergie et capacité sur la période du contrat. L’atteinte du plafond ARENH introduit ainsi un risque supplémentaire car il est impossible pour un fournisseur de savoir précisément quelle part de la consommation d’un client pourra être couverte au prix de l’ARENH pendant la durée d’un contrat excédant un an."
CRE - Rapport sur l'ARENH du 22/07/2020

Que propose la CRE ?

Comme le rappelle la CRE "les demandes des fournisseurs alternatifs pour les années 2019 et 2020 ont largement dépassé ce plafond : 133 TWh ont été demandés pour l’année 2019 et 147 TWh pour l’année 2020".

Pour éviter une nouvelle envolée des prix et protéger le pouvoir d'achat des consommateurs, la gendarme de l'énergie suggère de relever le plafond de l'ARENH à 150 TWh. Selon les données de l'organisme, si le plafond avait été relevé l'an dernier, la révision des TRV de l'électricité en février 2020 se serait traduite par une baisse de 0,9%. A l'inverse, ils ont augmenté de 2,4%.

Cela empêcherait donc les problématiques liées à l'écrêtement. La CRE n'est pas la seule à vouloir rehausser le plafond. Comme expliqué en amont, cette proposition est l'un des chevaux de bataille de l'Anode.

"L’atteinte du plafond ARENH et l’écrêtement des volumes d’ARENH qui en résulte a des effets négatifs sur l’ensemble des consommateurs : hausse du prix de l’électricité sur le marché de détail, instabilité et imprévisibilité de ce prix."
CRE - Rapport sur l'ARENH du 22/07/2020

Reste à savoir si le gouvernement acceptera, sachant qu'il reste actionnaire majoritaire d'EDF à plus de 87%. La révision du plafond de l'ARENH entrainerait des pertes financières pour EDF, dans la mesure où ce dernier pourra vendre de l'énergie nucléaire sur les marchés de gros en moindres proportions. Cela mettrait le fournisseur historique en difficulté. En effet, les coûts auxquels il est soumis ne baissent pas, puisqu'il lui faut assurer la maintenance du parc atomique de plus en plus vieillissant.

Cela ne veut pas dire qu'EDF ne souhaite pas de réforme de l'ARENH. Au contraire, l'électricien appelle de ses voeux à une revalorisation du montant de l'ARENH, aujourd'hui fixé à 42 €/MWh et qui n'a pas bougé depuis 2012.

Dans tous les cas, une réforme de l'ARENH devra être approuvée par la Commission Européenne, pour s'assurer que l'Hexagone respecte bien le droit des institutions communautaires en matière de concurrence.

Bon à savoir :Les fournisseurs ne sont pas obligés de passer par l'ARENH. Quasiment tous les fournisseurs d'électricité en France y font appel. Mais on compte certaines exceptions : Ilek et Enercoop qui s'approvisionnent à 100% en énergies renouvelables via des producteurs français (grâce à un contrat d'achat direct).

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