Voici pourquoi vous paierez le gaz toujours plus cher, même quand les prix baissent

Voici pourquoi vous paierez le gaz toujours plus cher, même quand les prix baissent

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Avec la forte hausse des prix du gaz et la volonté affichée par les pouvoirs publics d'atteindre la neutralité carbone, de nombreuses familles choisissent de remplacer leur chaudière à gaz par des pompes à chaleur électriques. Bonne nouvelle pour le climat, certes, mais cela entraîne une conséquence qui pourrait surprendre : une hausse mécanique du prix du gaz naturel chaque année.

En bref

Chaque année, le réseau français de distribution du gaz nécessite des opérations d'entretien, générant ainsi des coûts fixes. Or, depuis plusieurs années, le nombre de consommateurs de gaz diminue de manière constante. 

Cette baisse implique que les coûts fixes du réseau doivent être répartis sur un nombre toujours plus restreint d'usagers, entraînant ainsi une hausse mécanique du tarif payé par chaque consommateur restant.

Pourquoi la transition énergétique fait-elle augmenter le coût du gaz ?

Les coûts liés au réseau de distribution du gaz naturel en France, exploité principalement par GRDF, sont majoritairement fixes. Autrement dit, peu importe les volumes consommés, maintenir, entretenir et développer le réseau coûte chaque année des sommes relativement constantes. Or, depuis 2022, la consommation française de gaz naturel diminue fortement.

Entre 2022 et 2023, la CRE indique une baisse de consommation de gaz de -6,61 % par an en moyenne, accompagnée par une baisse du nombre de consommateurs raccordés au gaz (-0,69 % par an sur cette même période). Cette tendance baissière devrait se poursuivre à hauteur de -2,02 % par an jusqu'en 2027, avec une diminution simultanée du nombre de clients de GRDF de -1,54 % par an.

En pratique, ces réductions impliquent que les charges liées au maintien et au développement du réseau gazier seront réparties sur un nombre décroissant de consommateurs. En clair, chaque client restant voit donc mécaniquement sa facture augmenter d'année en année. Ce phénomène est décrit comme un "emballement tarifaire" par Maxence Cordiez, expert associé énergie et climat à l'Institut Montaigne.

Quelle stratégie pour limiter le risque « d’emballement tarifaire » sur le gaz ?

L'étude sur "l’avenir des infrastructures gazières aux horizons 2030 et 2050", publiée en 2023 par la CRE, indique que la taille totale du réseau gazier ne diminuera que très faiblement à long terme malgré une baisse importante des volumes consommés. Seules certaines parties limitées pourront être abandonnées.

Résultat : des coûts fixes stables ou faiblement décroissants devront être payés par une base moins importante de consommateurs. Pour éviter cet emballement tarifaire, la CRE prévoit dans sa délibération du 25 janvier 2024 plusieurs mesures :

  • Inciter fortement GRDF à maîtriser ses coûts opérationnels ;
  • Privilégier les investissements indispensables pour la sécurité du réseau et l’injection de gaz renouvelable ;
  • Adapter les amortissements comptables afin d’accélérer l’amortissement des nouveaux actifs et diminuer les risques financiers à long-terme.

En parallèle, la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) prévoit l'injection de 14 à 22 TWh annuels de biométhane à l’horizon 2028 (contre 12 TWh atteints fin 2023), nécessitant des investissements spécifiques pour raccorder ces nouveaux producteurs au réseau.

Quels sont les impacts concrets pour les consommateurs ?

La hausse annoncée par la CRE (+27,5 % en juillet 2024) ainsi que l'augmentation prévisionnelle des tarifs à hauteur de +1,91 % par an en moyenne jusqu'en 2027, sans compter l'inflation, démontrent clairement l’impact concret de ce phénomène. Les ménages devront donc s'attendre à une hausse récurrente de leur facture gaz chaque année.

Cette tendance incite fortement les ménages à abandonner le chauffage au gaz, ce qui, en retour, amplifie d'autant plus l’augmentation des coûts de distribution pour les usagers restants.

Quelle réponse politique et stratégique ?

Les enjeux politiques autour de cette hausse du tarif gazier sont considérables. Selon Maxence Cordiez, les pouvoirs publics doivent organiser rapidement la décroissance raisonnée du réseau de gaz naturel pour éviter une hausse non maîtrisée des coûts pesant sur les consommateurs restants.

Selon Aurian de Maupeou, co-fondateur de Selectra, « il faudra du courage politique » pour prendre dès aujourd’hui les décisions nécessaires de rationalisation ou de repli du réseau dans les régions où il pourrait devenir économiquement non viable à moyen ou long terme.

L'abandon par l'État des chaudières à gaz

Selon les objectifs fixés par la Programmation Pluriannuelle de l'Énergie (PPE) du gouvernement, entre 20 et 25 % des chaudières à gaz seront remplacés par des pompes à chaleur. Dans le même temps, l'État poursuit la suppression des incitations financières aux chaudières gaz. En parallèle, l'État souhaite développer la filière des pompes à chaleur, avec la production d'un million d'unités d'ici à 2027. 

Selon les données communiquées par l'Association Française pour la Pompe à Chaleur (AFPAC) le 1er avril dernier, les pouvoirs publics français ambitionnent de doubler le nombre de pompes à chaleur installées d'ici à 2030, voire de le tripler à l'horizon 2035. 

Malgré les défis techniques et les besoins en main d'œuvre estimés entre 40 000 et 45 000 emplois nouveaux, la pompe à chaleur reste identifiée par les autorités comme "une pierre angulaire de la politique énergétique" française, essentielle pour permettre aux ménages de réduire leur dépendance au chauffage fossile et pour accompagner efficacement la baisse tendancielle du gaz naturel.

Une augmentation mécanique compensée par la baisse du prix du gaz ?

Ces derniers mois, le prix du gaz a fortement baissé sur les marchés, ce qui explique pourquoi le prix payé par les ménages devrait reculer de 6,4 % dès mai 2025. Depuis quelques jours, le cours du gaz est d'ailleurs en chute libre à cause des craintes de récession mondiale dues aux taxes douanières instaurées par l'administration Trump. 

Toutefois, malgré le contexte géopolitique tendu que nous traversons actuellement, le prix du gaz revient progressivement à un niveau plus normal, signe d'un retour progressif à la stabilité après la crise énergétique. Actuellement, les fournisseurs de gaz peuvent à nouveau acheter leur gaz à des prix bien plus compétitifs pour les années à venir. Le prix du gaz pour une livraison en 2026 s'établit ainsi à 33,13 € du MWh, tandis qu'il diminue à 28,36 € du MWh pour 2027, et atteint même 25,08 € du MWh pour 2028. Entre 2026 et 2028, on observe donc une baisse globale de 24,3 % du prix du gaz.

Cela pourrait apparaître comme une excellente nouvelle pour les consommateurs. Cependant, l'emballement tarifaire décrit par Maxence Cordiez pourrait fortement limiter l'impact de ces baisses pour les consommateurs, si l'État ne décide pas, en parallèle, de réduire la taille du réseau gazier français afin d'en diminuer les coûts fixes. 

Plusieurs scénarios envisagés par la CRE anticipent d'ailleurs la suppression de certaines canalisations de gaz, notamment dans le nord de la France, ce qui contraindrait les habitants concernés à abandonner progressivement cette énergie pour leurs usages domestiques.

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