Baisse ou pas ?

Encore une mauvaise nouvelle pour le prix de l'électricité

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Depuis février dernier, le gouvernement répète que le prix de l'électricité baissera enfin en février 2025. Mais, en faisant sauter cette baisse via une hausse de la TICFE plus élevée que prévu, il pourrait faire rentrer 4 milliards d'euros dans ses caisses... tentant non ? Une information du Parisien du 5 octobre laisse penser que la baisse de février 2025 pourrait faire les frais de la crise budgétaire. On vous explique.

Les règles d'évolution du tarif réglementé

Evolution du prix de l'électricité
Pour une fois que l'évolution annuelle doit être une baisse !

Le tarif réglementé est fixé tous les ans au 1ᵉʳ février, en fonction du prix de marché des 24 mois précédents. En 2023 et en 2024, il a grandement augmenté des suites de la crise de l'énergie (renchérissement du gaz lié à la guerre en Ukraine et baisse de la production nucléaire française liée à l'indisponibilité des centrales). Mais, en 2025, deux ans se sont écoulés depuis les prix élevés de l'été 2022. Le tarif réglementé doit donc enfin baisser, après 59% de hausse du prix du kWh par rapport à 2021. Enfin... c'est la part fourniture, hors taxes et hors coût du réseau, qui doit fortement baisser. Les taxes, elles, vont fortement augmenter, et le coût du réseau, dont l'augmentation du 1ᵉʳ août a été repoussée, doit augmenter aussi. L'un dans l'autre, les calculs montrent que le prix TTC du kWh devrait quand même baisser de 10% au 1ᵉʳ février 2025, a annoncé Emmanuelle Wargon, présidente de la CRE.

Un abandon de la baisse au profit d'une hausse de taxe se profilerait

Depuis 10 jours, les médias relaient sans tiquer une information qui nous semble fausse :

Cette taxe pourrait être ramenée à son niveau d’avant-crise, soit 32 euros, dès janvier 2025. Vu les prix actuels du marché, le tarif réglementé pourrait quand même baisser sur la facture des consommateurs, malgré cette augmentation de taxe. Si le gouvernement choisissait d’inclure cette hausse dans le budget, cela pourrait rapporter jusqu’à 4 milliards d’euros supplémentaires aux caisses de l’État, indique un document de travail.

Cette affirmation passe à côté du sujet : l'augmentation de la TICFE à son niveau d'avant-crise de 32€/MWh est incluse dans l'équation budgétaire depuis longtemps. Elle n'aura donc pas d'impact sur le déficit. De plus, cette augmentation de 11€/MWh pour les particuliers ne représente qu'environ 1,8 milliards d'euros. Même en incluant les recettes additionnelles de TVA (car la TICFE est assujettie à la TVA !), et les consommateurs non résidentiels avec une puissance de moins de 250 kVA, on n'arrive pas aux 4 milliards évoqués.

Alors, où sont ces 4 milliards ? À tout hasard, calculons le rendement d'une taxe qui "sucrerait" la baisse annoncée de 10% du prix du kWh. Le prix du kWh est de 0.2516€, la consommation annuelle résidentielle de 160 TWh, et la baisse annoncée de 10%, ce qui fait ... 4,025 milliards d'euros. Pour faire rentrer ce montant dans les caisses de l'Etat, il "suffirait" d'augmenter la TICFE sur le résidentiel de 21€/MWh à non plus 32, mais 52€ par MWh. Et là, le tarif réglementé ne bougerait pas en février 2025. Le raisonnement que fait sans doute Bercy est que l'annulation d'une baisse du prix de l'électricité est moins douloureuse que la hausse d'un impôt.

Prix moyen par an. Client HP/HC 9 kVA consommant 8 500 kWh/an dont 46% en heures creuses. Sources : CRE et Selectra

En observant la situation budgétaire, nous sommes déjà convaincus, depuis notre article "Peut-on encore croire à la baisse du tarif bleu ?" du mois dernier, qu'aucune baisse significative du tarif réglementé n'aurait lieu en 2025. Cette hypothèse est corroborée par la publication par Le Parisien, le 5 octobre d'un aveu attribué à "un acteur du dossier" :

On réfléchit bel et bien à un mécanisme global qui irait au-dessus de la hausse prévue pour février prochain dans le cadre de la fin du bouclier tarifaire.

Comment rester optimiste dans ces circonstances déprimantes ?

La principale raison d'être optimiste est que chaque hausse du prix de l'électricité pour les particuliers fait bondir le retour sur investissement de l'autoconsommation. Depuis la crise de l'énergie, on a vu apparaître des kits photovoltaïques avec un amortissement de l'investissement en 2 ans ! Et, le développement de capacités de production d'énergie renouvelable porte deux espoirs : celui d'une baisse du prix de l'énergie par l'augmentation de l'offre, et celui d'une accélération de la sortie des énergies fossiles.

Ensuite, on peut se réjouir qu'un gouvernement ait le courage de faire peser la fiscalité supplémentaire sur la consommation d'une ressource rare plutôt que sur ... par exemple le travail ! Rappelons que le travail, via les cotisations et l'impôt sur le revenu, est plus taxé que l'électricité, le gaz, ou le fioul domestique !

On peut donc espérer qu'une hausse de la fiscalité de l'électricité (vers 40% de taux de taxation) ouvre la voie à l'augmentation de la fiscalité sur les alternatives fossiles à l'électricité : gaz naturel (l'accise sur le gaz, TICGN n'est qu'à 16€/MWh) et fioul (l'accise sur le fioul, TICPE, n'est qu'à 15,62€/MWh). La fiscalité ne peut pas continuer à aller contre les objectifs de réduction des émissions nationaux, soulignait récemment la Cour des Comptes.

Un déplacement de la TICPE vers la TICFE

Enfin, si le gouvernement cherche à augmenter les taxes, c'est que les recettes fiscales sont en baisse : la consommation nationale d'électricité a durablement baissé d'environ 8% par rapport à la moyenne 2014-2019 depuis la crise de 2022. Cela affecte directement les recettes de l'accise (qui a remplacé la CSPE et les TCFE, libellées, elles aussi, en € par MWh). Mais, le pire pour les finances publiques reste l'impact fiscal de la baisse de la consommation de carburant routier. Les recettes de la TICPE ont baissé de 1,35% du PIB en 2018 à 1,1% du PIB en 2023, selon Fipeco. Dans un contexte de transition rapide vers la mobilité électrique, la consommation de carburant va fondre et celle d'électricité augmenter. Et la fiscalité actuelle de l'électricité ne pourra compenser la baisse des recettes issues du pétrole routier, car un véhicule électrique consomme 4 fois moins de kWh par kilomètre qu'un véhicule thermique. Si l'électricité remplace totalement le carburant routier, il faudra pour compenser la baisse de TICPE aller chercher 23 milliards d'euros de taxe sur l'électricité supplémentaire... de l'ordre de 53€ par MWh... en plus !

Et EDF dans tout ça ?

Le niveau élevé du tarif réglementé actuel est une bénédiction pour EDF. La perspective de la baisse de la part fourniture au profit d'une hausse de la fiscalité va comprimer les marges de l'entreprise publique. Or, parmi les mesures de réduction du déficit, la demande de versement d'un dividende exceptionnel par EDF à l'État est régulièrement évoquée. Celle-ci est difficile à concilier avec une baisse des marges de l'entreprise d'une part et le lancement de grands chantiers d'autre part. Bref, même la baisse de la part fourniture du tarif réglementé ne sera pas une décision facile.

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