Électricité : la stratégie du gouvernement pourrait doubler votre facture en 10 ans

Électricité : la stratégie du gouvernement pourrait doubler votre facture en 10 ans

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Le gouvernement s'apprête à adopter par décret sa nouvelle programmation énergétique (PPE) couvrant la période 2025-2035. Sous-investissement dans le nucléaire, recours massif aux énergies renouvelables malgré leur intermittence, absence de débat démocratique : ce nouveau cadre énergétique soulève de nombreuses controverses. Experts et sénateurs tirent déjà la sonnette d'alarme : face à des coûts exponentiels et à une stratégie énergétique incertaine, les particuliers pourraient voir leur facture d’électricité doubler d’ici à 2035.

Une programmation énergétique imposée sans débat parlementaire

La programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), censée définir concrètement les orientations énergétiques de la France jusqu’en 2035, devait initialement être étudiée et votée au Parlement. Mais la dissolution récente de l'Assemblée nationale a compliqué la tâche, poussant finalement le Gouvernement Bayrou à vouloir adopter ce texte stratégique par décret.

Cette décision soulève l’indignation de nombreux élus. Le sénateur Vincent Delahaye (LR) dénonce une « aberration démocratique », pointant du doigt l'absence d’un débat parlementaire sur des questions cruciales engageant près de 300 milliards d’euros de dépenses publiques sur quinze ans.

Gérard Larcher, président du Sénat, est également du même avis :

Il me paraîtrait incompréhensible que le Parlement ne puisse se prononcer sur une question aussi importante pour l'avenir du pays que la politique énergétique, en vue d'accélérer la transition énergétique, de préserver la compétitivité de notre industrie, le pouvoir d'achat des ménages, et de conforter notre souveraineté.

Gérard Larcher, sénateur des Yvelines et président du Sénat -Le Point

Un texte conçu avant la crise énergétique, déjà obsolète

En coulisses, certains proches de Matignon reconnaissent les failles du projet. Élaborée avant la crise énergétique et la guerre en Ukraine, la PPE actuelle repose sur des hypothèses qui pourraient être dépassées ou dépassables, notamment en matière de croissance de la consommation électrique ou de développement des véhicules électriques.

Face à ces erreurs prévisionnelles, les sénateurs demandent une étude d’impact complète et transparente avant toute adoption. D'autant plus urgente que la nouvelle PPE implique une électrification massive de l'économie, reposant essentiellement sur la montée des énergies renouvelables.

Des ambitions très élevées pour les renouvelables malgré de lourdes dépenses

La Programmation prévoit une hausse très ambitieuse de la production électrique issue des énergies renouvelables :

  • multiplication par quatre de l’énergie solaire ;
  • multiplication par deux de l’éolien terrestre ;
  • explosion de la capacité éolienne offshore (de 1,9 à 71 TWh en dix ans). 

Cette hausse de la production électrique issue des énergies renouvelables est de diminuer drastiquement la dépendance aux énergies fossiles, conformément aux engagements européens.

Mais ces objectifs, discutables au regard de la consommation réelle des ménages et des entreprises, nécessiteront d'énormes investissements. Rien que pour l’acheminement de l’énergie éolienne offshore, 37 milliards d’euros seront nécessaires, selon les estimations de RTE datant de février 2025. 

L'ensemble des travaux sur les réseaux électriques représenterait 200 milliards d'euros, auxquels s'ajouteraient des 100 milliards de subventions supplémentaires aux énergies renouvelables sur la période 2024 - 2028.

Des prévisions irréalistes face à une consommation stagnante

Malgré les scénarios officiels optimistes, la réalité diffère fortement. Aujourd'hui, la consommation électrique française stagne au niveau de 2005, et les projets ambitieux de rénovation énergétique (85 000 dossiers traités en 2024 contre une prévision de 200 000) tout comme ceux de véhicules électriques (moins de 300 000 vendus contre 430 000 escomptés) prennent du retard.

Résultat : la France produit plus d'électricité qu'elle n'en consomme réellement. Faute de capacités suffisantes de stockage, notre pays a ainsi exporté 100 TWh d'électricité en 2024.

Le parc nucléaire français fragilisé par l’essor mal maîtrisé des renouvelables

Étant donné que les énergies renouvelables bénéficient en priorité d'un accès au réseau, le nucléaire, pourtant stable et économiquement avantageux, se retrouve paradoxalement relégué au rang de simple variable d’ajustement. Cela permet ainsi d'éviter des prix négatifs sur les marchés, provoqués par la surproduction des énergies renouvelables. 

Ces arrêts brutaux et répétés ont un impact négatif sur le fonctionnement des réacteurs nucléaires d'EDF. Alors même que l'État souhaite prolonger la durée de vie des centrales existantes, l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) a envisagé l'hypothèse selon laquelle cette modulation constante de la production nucléaire pourrait avoir contribué aux phénomènes de corrosion constatés dès 2022

Ce problème avait d'ailleurs contraint EDF à stopper temporairement près de la moitié de son parc nucléaire au plus fort de la crise énergétique, entraînant ainsi une pression supplémentaire à la hausse sur les prix de l'électricité.

Cette gestion inefficace des ressources énergétiques, avec deux parcs de production coûteux (nucléaire et renouvelable) fonctionnant chacun en sous-régime, affecte directement la facture finale payée par les Français. Dans Le Point, Vincent Berger, haut-commissaire à l'Énergie atomique, estime qu'à ce rythme-là, les ménages pourraient voir leur facture d’électricité doubler d’ici à 2035.

Une transition énergétique qui n'est pas encore acceptée par la société

Derrière les objectifs ambitieux de la PPE, un défi rarement abordé persiste : l'acceptabilité sociale des nouveaux projets énergétiques sur le terrain. Éoliennes et méthaniseurs, particulièrement, rencontrent aujourd'hui des résistances locales fortes (recours en justice, mobilisation citoyenne, etc.).

Selon Carine Sebi, coordinatrice scientifique de la Chaire Energy for Society à Grenoble École de Management, même parmi les habitants favorables aux énergies renouvelables, le soutien chute nettement lorsqu'il s'agit d'implanter ces infrastructures près de chez eux, phénomène appelé « NIMBY » (Not In My BackYard). 

Il est essentiel d’adapter les projets aux réalités locales, en garantissant une transparence constante et un partage équitable des bénéfices pour renforcer la confiance citoyenne.

Les clivages politiques amplifient ces difficultés. D’après une étude menée auprès de 3 871 citoyens français entre 2023 et 2024, l’adhésion à l’éolien dépend très fortement des opinions politiques et du degré de confiance qu'ils accordent aux institutions gouvernementales. 

L'enquête révèle notamment que seulement 39 % des sympathisants d’extrême droite soutiennent l'éolien terrestre, contre près de 80 % électeurs des partis de centre et de gauche. La droite traditionnelle affiche elle aussi un soutien plus mesuré (environ 55 %).

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