Hausse des prix de l'énergie : la crise va-t-elle se prolonger encore 5 ans ?

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Depuis plusieurs mois maintenant, l’Europe est plongée dans une crise d’approvisionnement en gaz, suite au conflit russo-ukrainien, et cette situation pourrait bien perdurer. En effet, d’après une étude du think tank The Shift Project, les problèmes d’approvisionnement de gaz en Europe pourraient encore se poursuivre durant cinq années supplémentaires,. L’Union Européenne risque de se retrouver dans l’impasse si elle se passe totalement du gaz russe.

Une bataille énergétique gagnée, mais pas la guerre

Ce n’est que de justesse que les pays de l’UE sont parvenus à sauver les stocks de gaz pour l’hiver 2022-2023. Les réserves européennes sont quasi pleines, en vue d'affronter la période hivernale, et les prix du gaz ont connu une récente baisse, permettant à l’Europe de rebondir avant cette étape de l’année redoutée.

Réussir à maintenir les stocks de gaz a également permis d’assurer ceux d’électricité, majoritairement produite grâce aux centrales de gaz en Europe. Mais la crise politique entre l’Ukraine et la Russie, ainsi que le positionnement de Moscou à l’égard de l’UE - qui lui a imposé des sanctions pour l’invasion de son voisin - pourraient faire basculer la situation à tout moment.

En 2021, la Russie assurait 45 % des besoins en gaz européens, soit 155 milliards de m3. En 2022, elle n’en fournit plus que 9 %. Pour pallier ce manque, les pays de l’Union Européenne ont eu recours à d’autres fournisseurs de gaz naturel comme les États-Unis, la Norvège, des pays d’Afrique de l’ouest, l’Algérie, l’Egypte ou encore le Qatar.

Il semblerait donc que l’Union Européenne, en se tournant vers d’autres sources et en assurant une politique commune pour se protéger contre un blackout, ait évité de justesse la catastrophe.

De son côté, le think tank The Shift Project, a réuni les données du cabinet d’expertise Rystad Energy pour planifier la situation énergétique qui attend l’Europe à horizon 2030, et le constat est inquiétant. Dans ce document - réalisé pour la Direction générale des relations internationales et de la stratégie du ministère des Armées et rendu public le 6 décembre - l'organisme a tenté de prédire ce qui attend l’Union Européenne sur le énergétique dans les années à venir. Il en ressort que les récents évènements ne seraient pour le continent qu’une “mise en jambes”. L’approvisionnement en énergie, notamment en gaz naturel, devrait poser problème à minima pour les cinq prochaines années. Les négociations pour trouver des fournisseurs ayant des stocks suffisants et des contrats à la hauteur des espérances des pays de l’UE risquent d’être au centre des politiques européennes jusqu’en 2027.

Des approvisionnements diversifiés mais insuffisants

Le premier hiver a été sauvé grâce à une diversification rapide des fournisseurs de gaz naturel. Mais tous les contrats signés cette année ne couvriront pas l’Europe éternellement, du moins pas tous les pays.

Chaque pays européen mène sa propre quête de gaz naturel. Certains États ont pris les devants afin d’assurer leurs stocks de gaz sur les prochaines années. L’Allemagne, par exemple, a conclu le 29 novembre dernier un contrat de 15 ans avec le Qatar, afin d’assurer ses importations de gaz naturel liquéfié (GNL) transportable par méthanier.

D’après The Shift Project, 40 % des besoins en gaz naturel des 27 pour 2025 dépendent de “sources d’approvisionnement non identifiées” à l’heure actuelle. Pire, ils pourraient ne pas être comblés. Cette quête du gaz a donc encore de beaux jours devant elle.

L’une des meilleures options pour l’Europe demeure d’augmenter considérablement ses importations de gaz depuis depuis les États-Unis et le Qatar, à l’exemple de l’Allemagne. Les réseaux de distribution de pays comme la Norvège ou encore l'Algérie étant insuffisants pour répondre aux besoins européens.

L’approvisionnement des pays européens sera également confronté à une rude concurrence sur le marché du gaz. Notamment avec la Chine et l’Asie de l’Est. La Chine, le Japon et la Corée du Sud représentent la majorité des importations de GNL fournies par le Qatar, qui demeure l’un des pays les plus courtisés par les membres de l’Europe depuis le début de la crise énergétique. Pékin est également de son côté devenu un importateur privilégié du gaz russe. La Chine et les pays d’Asie de l’Est ont d’ores et déjà sécurisé leurs stocks de gaz jusqu’en 2025.

La Chine est en première ligne, avec 100% des contrats assurés jusqu’en 2025 et 85% jusqu’en 2030, tandis que l’Union Européenne ne peut assurer que 87% de ses contrats de gaz d’ici 2025 si elle maintient son approvisionnement russe. En revanche, si elle doit se passer de la Russie sur l’énergie, elle ne dispose que de 61% de contrats pour les deux prochaines années. L’UE a pu profiter d’un recul de croissance de la Chine toujours en gestion de la crise du Covid-19. Mais une embellie de l’économie chinoise pourrait menacer la place des pays européens sur le marché du gaz.

C’est l’ensemble du marché mondial qui entre dans une grande instabilité gazière. “Le déficit mondial à redouter en l’absence d’un retour à la normale des échanges gaziers entre l’UE et la Russie est de l’ordre de 100 gigamètres cubes, soit l’équivalent d’un retrait du Qatar du marché du GNL”, estime The Shift Project dans son analyse.

L’indispensable transition énergétique

Avec une crise qui va perdurer, la transition de l’Europe vers les énergies renouvelables se présente comme une urgence. La crise de l’énergie a en réalité démarré lors du déclenchement du Covid-19, selon The Shift Project. Le conflit entre l’Union Européenne et la Russie n’a fait qu’accentuer la situation, mais a permis une prise de conscience de l’indispensable nécessité de, non plus seulement diversifier les fournisseurs de gaz, mais les sources d’énergie.

L’Agence internationale de l'énergie (AIE) a par ailleurs de nouveau exhorté les gouvernements à réduire les besoins de leur pays en gaz dans un rapport en novembre. L’AIE a à ce titre souligné qu’il ne fallait pas se reposer sur les réserves européennes de gaz acquises et réfléchir à un mode de consommation différent. Mais l’agence internationale est toutefois optimiste. Elle estime que le secteur renouvelable - notamment le solaire et l’éolien - se trouvera en pôle position des moyens de production d’ici l’horizon 2025.

Même constat dans le rapport de The Shift Project. “Si l’Europe ne parvient pas à se décarboner ‘de gré’ pour préserver notre climat, elle risque de devoir le faire ‘de force’ à cause de contraintes endémiques pesant sur son accès aux énergies fossiles”, prévient l’équipe de chercheurs.

Les pays européens ont pris conscience de la nécessité de renouveler leurs besoins énergétiques. La Commission européenne rappelle d'ailleurs sur son site qu’elle a proposé un plan d’action dans ce sens, intitulé REPowerEU. Le projet étant de mettre un terme définitif à la dépendance au gaz russe avant 2030.

Le plan est basé sur trois piliers :

  • Diversifier l’approvisionnement en gaz ;
  • Accélérer massivement le déploiement des énergies renouvelables ;
  • Réaliser d’importantes économies d’énergie.

Sans oublier les propositions de l’“Ajustement à objectif 55”, qui tendent à faire réviser les législations, afin de concrétiser le projet de réduire les émissions nettes de gaz à effet de serre d'au moins 55 % d'ici à 2030.

La France a également modifié et allégé sa législation afin de donner un coup d’accélérateur au développement de projets durables. Depuis le 5 décembre, les députés étudient le projet de loi d'exception sur les énergies renouvelables à l’Assemblée Nationale.

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