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La Contribution Tarifaire d'Acheminement (CTA) est-elle justifiée ?

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La Contribution Tarifaire d’Acheminement (CTA) s’est greffée sur les factures d’électricité et de gaz des Français en 2004. Depuis 2010, elle fait l’objet d’une ligne spécifique sur la facture, aux côtés des autres taxes sur l'électricité et le gaz naturel. Mais à quoi correspond-t-elle ? Quand a-t-elle été instituée ? Beaucoup de consommateurs s’interrogent quand ils apprennent que cette taxe sert à financer le régime spécifique de retraite des anciens agents des Industries électriques et gazières. Du reste, pourquoi le consommateur final devrait-il contribuer au financement des acquis sociaux d’une minorité de retraités ? En 2015, la CTA devrait rapporter 1,4 milliard d’euros. Depuis 10 ans, les recettes s’élèveraient à près de 10 milliards d’euros. Selectra mène l’enquête sur la CTA.

Pourquoi et comment la contribution tarifaire d'acheminement (CTA) a-t-elle été créée ?

Une illustration de l'histoire sociale française...

Pour comprendre l’existence de la CTA, il faut d’abord se pencher sur l’histoire sociale d’EDF et de GDF. Il faut donc se « retro » projeter en 1946, juste après la Libération pour concevoir la prégnance du parti communiste à l’époque et l’influence de la CGT sur la création du statut d’agent des industries électriques et gazières (IEG). Cette période est fondamentale puisque c’est le moment où les agents des IEG ont acquis des avantages sociaux tels que leur régime de retraite (durée de cotisation) et leur système de protection sociale. Si la sécurité d’emploi était assurée, auparavant le reste laissait à désirer. La pénibilité du travail fut prise en compte et les mesures sociales acquises ont fait figure d’incitation pour rejoindre des entreprises qui avaient un besoin crucial de personnel. La création de ce statut concrétisait une certaine idée du travail à la française, de la protection des travailleurs et de leur avenir.

... contrainte de s'adapter au monde moderne.

En 2004, quand l’Etat décide d’ouvrir le capital d’EDF et de GDF pour que ces entreprises puissent faire le poids face à d’autres grandes compagnies européennes dans la course de libéralisation du marché de l’énergie, les partenaires sociaux et les agents des IEG ont tiré la sonnette d’alarme. La crainte essentielle fut la perte du statut des agents des IEG. Face aux mouvements de grève, et pour éviter une grave crise sociale, le statut fut préservé et des aménagements furent apportés par la loi du 9 août 2004.

Ainsi, la loi prévoit que les droits spécifiques des industries électriques et gazières (qui correspondent à des prestations supplémentaires par rapport aux droits de base) déjà acquis au 31 décembre 2004, ainsi que la contribution exceptionnelle forfaitaire et libératoire verser aux régimes de droit commun, seront financés par une contribution tarifaire prélevée sur les tarifs d’acheminement pour la part des activités de transport et de distribution de l’électricité et du gaz. La réforme menée du système de financement des retraites des IEG respecte un principe de neutralité financière vis-à-vis des caisses de retraite et des salariés du privé. La loi de 2004 a été votée avec pour objectif que la CTA évite à EDF et GDF de provisionner les montants correspondant aux droits acquis par les salariés. En effet, le passif de leurs comptes de résultat aurait été dégradé avant leur privatisation.

A quoi correspond cette taxe ? Comment est-elle fixée ?

Comment le mécanisme fonctionne-t-il ? 

La contribution tarifaire d’acheminement est le fruit d’un mécanisme voulu indolore par le ministre en charge de l’Economie. Au sein du tarif d’acheminement, la part couvrant les charges de retraites a été identifiée et transformée pour devenir une contribution tarifaire pour soulager EDF et GDF de l’obligation d’inscrire à leur passif les provisions correspondantes. Pour assurer la neutralité de l’opération pour le consommateur les tarifs de transport ont été baissés pour compenser l’arrivée de la CTA. L’objectif poursuivi par cette réforme du 9 août 2004 était, selon les termes du ministre en charge de l’Economie, de « modifier le système de financement du régime en le rapprochant d’un régime plus classique d’entreprise ».

Ainsi, les prestations du régime de retraites des IEG sont financées par la mise en place de la CTA sur la facture des abonnés à l’électricité et au gaz, par des versements complémentaires des employeurs (cotisations sociales), et par la CNAV, l’AGIRC et l’ARRCO. Le régime spécial est cependant maintenu puisque les agents perçoivent une pension versée par la CNIEG (Caisse nationale des industries électriques et gazières) qui est calculée selon un mode analogue à celui de la fonction publique (mode de calcul historique des IEG).

Quelle est la part de la CTA ?

L’assiette de la CTA correspond à la part fixe (donc indépendante de la consommation d’énergie) des tarifs d’utilisation des réseaux d’électricité et de gaz. Pour l’électricité, il s’agit donc de la part fixe hors taxes du tarif d’utilisation des réseaux publics d’électricité (TURPE). Pour le gaz, l’assiette de la CTA correspond à la part fixe hors taxes (liée au soutirage et indépendante de la consommation effective) des tarifs d’utilisation des réseaux de transport de gaz (ATRT) et de distribution de gaz (ATRD). Les taux applicables à la CTA varient. Ils ont été fixés par un arrêté ministériel du 26 avril 2013 (article 1). Ils sont de 4,71% pour les prestations de transport et de 20,80% pour les prestations de distribution de gaz naturel. Dans le cas de l'électricité, pour les sites raccordés au réseau de distribution, le taux applicable est de 27,04% sur la part fixe du TURPE. Pour les sites raccordés au réseau de transport (grands industriels), le taux est de 10,14%. La taxe sur la valeur ajoutée s’applique à la CTA. Le taux est de 5,5%.

Cette taxe est-elle vraiment justifiable ?

Quand des voix s’élèvent pour dénoncer l’absurdité d’une taxe comme la CTA, plusieurs arguments sont employés pour défendre son existence. A commencer par l’argument de « préservation » de l’histoire du groupe qui raisonne avec la grande histoire sociale du pays. Il semble plutôt évident qu’un tel argument est anachronique en période de disette budgétaire (l’Etat est garant pour la CNIEG des pensions des retraités IEG avant 2004). Bien que la CTA représente une part anecdotique de la facture d’électricité ou de gaz, il semble juste de se poser la question de la légitimité de sa figuration.

Neutre sur le papier ... mais pas dans l'esprit des Français. 

Même si le principe de neutralité a bien été institué et respecté, cela ne suffit pas à faire accepter la taxe aux consommateurs. De plus, d’un point de vue social, cette taxe est d’autant plus inacceptable que d’après les chiffres observés dans le rapport annuel 2012 de la CNAV il apparaît que les anciens des IEG perçoivent des prestations très supérieures aux retraités ‘standards’. Les retraités recevaient 640€ de la CNAV quand les anciens des IEG percevaient 785€. Quand on connaît les difficultés financières de la CNAV, il semble légitime de questionner sa capacité à financer les régimes spéciaux (quand bien même ils aient été adossés au régime général). Cette différence de traitement ne peut qu’affecter défavorablement la considération pour les anciens IEG forts de leurs précieux avantages au regard des milliers de Français qui s’acquittent de la CTA pour financer les prestations supplémentaires de ces agents. Le régime spécifique des anciens IEG soulève la problématique d’un « deux poids deux mesures » quant à la protection des travailleurs. Il semble plutôt clair que le si cher principe d’équité sociale est remis en cause.

Dépassée ?

Enfin, il convient de rappeler que la CTA fut créée pour ne pas affaiblir la compétitivité économique d’EDF et de GDF au moment de la libéralisation du marché de l’énergie. Bien que le transport et la distribution du gaz et de l’électricité soient assurés par des filiales de ces groupes, pourquoi les clients de fournisseurs alternatifs devraient-ils encore s’acquitter d’une telle taxe ?

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