EDF : le point sur la question de la nationalisation

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Pour éviter tout risque de démembrement d'EDF, le député socialiste Philippe Brun a déposé un projet de loi visant à protéger l’entreprise par le biais d’une nationalisation. Ce jeudi 6 avril, en première lecture, le Sénat a voté en majorité pour ce projet mais en excluant justement le principe de nationalisation. Que reste-t-il de la proposition de loi si la principale mesure est écartée ? Quel impact cette décision a sur l’avenir d’EDF ?

Rendre impossible la privatisation d’EDF

Les débats autour du statut d’EDF interviennent dans un contexte particulier de crise énergétique. L’entreprise historique est tourmentée par des défis de taille, qui pourraient totalement avoir une incidence colossale sur son avenir. On pense notamment à la relance du parc nucléaire, qui connaît d’importantes difficultés, la tarification de l’électricité, que l’explosion des prix a mis à mal (au point de mettre en place un bouclier tarifaire en 2022 et en 2023) ou même la fameuse réforme du marché européen de l’électricité, que les pays de l’UE tentent d’imposer.

Conscient de la fragile situation énergétique de la France et de l’Europe, mais aussi pour éviter toute réorganisation d’EDF - comme le proposait le projet “Hercule” qui visait à restructurer les filiales de l’entreprise mais qui a été abandonné - le député socialiste Philippe Brun a soumis une proposition de loi, avec plusieurs objectifs majeurs :

  • Une nationalisation de l’entreprise d’électricité qui rappelle celle de 1946 en France, afin de “garantir la propriété publique” et “l'unité du service public de l'énergie”.
  • Protéger EDF de toute privatisation, en la rendant impossible sans projet de loi validé par l’Assemblée Nationale.
  • L’assurance que le capital d’EDF, détenu majoritairement par l’Etat à l’heure actuelle, restera incessible.
  • Le projet de loi a été approuvé par l’Assemblée Nationale le 9 février 2023, contre l’avis du gouvernement. En avril, le texte a été examiné par le Sénat, en première session dans le cadre d'une niche parlementaire réservée au groupe PS.

Cette première révision a donné lieu à plusieurs décisions majeures. La proposition de loi a été adoptée avec 206 voix "pour" et 123 "contre". Sauf que le projet de loi n’a pas été entièrement validé, et largement remodelé. Si les Sénateurs, à majorité de droite, ont voté contre le démantèlement d’EDF, ils ont néanmoins rejeté la proposition de nationalisation de l’entreprise qui compose l’article 1er du projet de loi. Soit le point essentiel de la réforme.

L’État tente d’acquérir en parallèle 100% du capital d’EDF

Par ce positionnement, le Sénat maintient la possibilité pour l’État de devenir actionnaire majoritaire, en obtenant 100% du capital d'EDF. Alors que la proposition de loi est débattue, en parallèle, le gouvernement finalise son offre publique d’achat (OPA) afin d’obtenir l’intégralité du capital d’EDF. Avec des actions à 12 euros, le gouvernement souhaitait acquérir progressivement les 16% du capital d’EDF restants. En février dernier, le gouvernement expliquait avoir obtenu 95,82% du capital de l’entreprise historique d’électricité.

L’acquisition de la totalité du capital d’EDF pourrait être finalisée début mai 2023. “Le temps que les juges se prononcent sur des recours d’actionnaires”, estime le juriste Philippe Coleman, dans une tribune publiée dans Le Monde.

Par la nationalisation ou la détention du capital à 100%, l’Etat devient quoi qu’il arrive le propriétaire d’EDF. Sauf que le premier texte validé par l’Assemblée Nationale prévoyait le maintien d’une participation des salariés d’EDF allant jusqu’à 2 % au capital de l’entreprise.

L’interdiction du démantèlement d’EDF permet tout de même de conserver toutes ses filiales actuelles sous l’égide d’une même entreprise. Toutefois, la forme d’acquisition ne positionne par l’État comme garant de l’unité d’EDF mais comme un actionnaire qui peut acquérir davantage de parts ou en céder. Le socialiste Franck Montaugé, expliquait à France Info ce vendredi 7 avril que cette "approche très libérale [...] laisse ouverte toutes les opérations de cession ultérieures de filiales".

Fin mars, le rapporteur LR, Gérard Longuet expliquait que la nationalisation et l’incessibilité du capital d’EDF avaient déjà été écartées en Commission par le Sénat. “C’est l’organisation du marché qui commande”, a estimé Gérard Longuet qui attend avant tout la réforme du marché européen de l’électricité.

Pour les 2% de participation au capital d’EDF, en faveur des salariés, qui seront alors récupérés par l’État dans le cadre de son OPA, des mesures compensatoires pourraient être prévues, d’après Gérard Longuet. Mais ce dernier a seulement évoqué un “geste” sans donner davantage de détails.

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