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Chute libre du parc nucléaire français : l’inquiétude enfle

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Tandis que les prix de l’énergie vont bon train et que la crise s’installe un peu plus en Europe - à mesure que le conflit russo-ukrainien s’enracine - la France a plus que jamais besoin d’une énergie fiable et continue. Toutefois, le parc nucléaire historique d’EDF inquiète. Celui qui a longtemps fait la souveraineté énergétique hexagonale, continue inexorablement de faire les frais du mauvais sort. Corrosion, sécheresse, canicule…

Faire face à la crise énergétique

Voilà maintenant plusieurs mois que la guerre entre la Russie et l’Ukraine a démarré, déclenchant par la même occasion une crise énergétique majeure en Europe et faisant craindre de graves répercussions, à commencer par une pénurie de gaz pour l’hiver prochain. La Russie comptant parmi les premiers exportateurs de gaz et de pétrole, leurs prix se sont envolés. À titre d’exemple, le prix du contrat à terme pour livraison au dernier trimestre 2022 d’un mégawattheure de gaz naturel a atteint lundi 282 € (TTF néerlandais) sur ICE Endex, la principale bourse de l’énergie européenne. Un an auparavant, celui-ci avoisinait seulement les 28 €.

“Les prix du gaz ont augmenté en un an de plus de 1 000 %. C’est colossal comparé au niveau de l’inflation de la zone euro qui est de 8 %.”

Thomas Pellerin-Carlin, économiste spécialiste de l’énergie de l’Institut Jacques-Delors.

L’Allemagne, mais également les pays d’Europe centrale et orientale, très dépendants du gaz russe, sont en première ligne en matière de hausses de prix et de déficit d’importation.

Compte-tenu de sa faible dépendance à l’énergie russe et de son imposante capacité nucléaire, on pourrait donc supposer que la France serait en mesure de tirer son épingle du jeu dans cette course à l’indépendance énergétique inévitable, pourtant, il n’en est rien. Au contraire, le pays figure en tête de liste des territoires européens les plus affectés par la crise.

Un parc nucléaire sur le déclin

En France, l’énergie nucléaire est la 1ère source de production et de consommation d'électricité. Elle est issue de pas moins de 56 réacteurs de différents niveaux de puissance constituant un parc réparti sur l'ensemble du territoire.

Un seul réacteur d’une puissance de 900 MW produit en moyenne chaque mois 500 000 MWh, ce qui correspond à la consommation de 400 000 foyers environ selon les données d’EDF.

En 2021, l’énergie nucléaire a par ailleurs représenté pas moins de 74% de la production énergétique française.

Alors à voir ces différentes données, qu’est-ce qui peut justifier la position française face à la crise énergétique ? L’explication réside dans les défaillances du parc nucléaire, qui a longtemps fourni une électricité abondante et à bas coût. En effet, l’Hexagone compte aujourd’hui 56 réacteurs nucléaires. En mai dernier, 29 d’entre eux étaient à l’arrêt et sur 61,4 GW de puissance installée, moins de 30 étaient disponibles.

Maintenance et canicule, le combo perdant

Dans un premier temps et suite à la pandémie qui a traversé le monde ces dernières années, bon nombre d’arrêts de maintenance ont été reportés. En effet, sur les 32 réacteurs les plus anciens du parc nucléaire français, une “visite des 40 ans” est nécessaire. Celle-ci oblige les techniciens à mettre à l’arrêt les réacteurs et ce, sur une longue durée, afin de réaliser les contrôles nécessaires.

Mais c’est du côté de la corrosion que l’inquiétude s'accroît. En effet, dès 2021, les signes de cette corrosion ont été découverts dans le circuit de refroidissement des réacteurs les plus récents, qui sont également les plus puissants. À ce jour, douze d’entre eux sont ainsi à l’arrêt. Une situation qui ne laisse pour l’heure pas entrevoir de solution et pourrait même se prolonger plusieurs années.

Par ailleurs, ce jeudi 25 août, EDF vient d’annoncer que quatre réacteurs nucléaires, affectés par la problématique, verront leur arrêt prolongé de plusieurs semaines cet automne, alors que le pays fait toujours les frais de très fortes tensions en matière d'approvisionnement électrique. Le groupe maintient néanmoins sa prévision de production nucléaire pour 2022 - entre 280 et 300 térawattheure (TWh) - même si cette production pourrait "probablement" atteindre le bas de cette fourchette, selon un porte-parole.

En plus de ces problèmes qui ont conduit à mettre à l’arrêt environ 48 % du parc, EDF doit faire face cet été à une forte canicule. Bon nombre de réacteurs ont été contraints ces dernières semaines d’abaisser leur production, en raison des températures élevées des cours d’eau utilisés pour leur refroidissement.

En effet, pour assurer le refroidissement de leurs réacteurs, les centrales pompent de l’eau qui est ensuite rejetée dans les cours. Bien que les arrêtés fixant les limites de rejet prévoient des seuils de températures plus élevés “en conditions climatiques exceptionnelles”, cette situation impose toutefois une limitation inévitable de la production.

Autant de problématiques qui dénotent avec la volonté du gouvernement de faire perdurer son modèle de souveraineté énergétique nucléaire et qui tendent à amplifier les craintes autour d’un éventuel blackout hivernal.

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