La France à la tête d'une nouvelle "alliance du nucléaire"

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Le 28 février dernier, la France et dix autres pays européens ont annoncé une coopération, afin de mettre en place de nouveaux projets autour de l'énergie nucléaire. Une décision influencée par la crise énergétique et la quête d’indépendance de l’UE en matière de production d’électricité. Malgré certains détracteurs, tels que l’Allemagne ou l’Autriche qui appellent à privilégier l’énergie renouvelable, les onze pays de l’UE se penchent déjà sur une extension de la place du nucléaire.

La France, fer de lance de l’énergie nucléaire

Dans ce nouvel élan européen autour de l’énergie atomique, la France joue un rôle majeur. En effet, c’est elle qui a influencé la mise en place d’une alliance européenne. Cette coopération s’est concrétisée en marge du conseil informel de l'Énergie, organisé à Stockholm en cette fin février. Une issue souhaitée par l’Hexagone, qui depuis des semaines défend l’intérêt du nucléaire.

Cette dynamique, qui survient en pleine crise énergétique, rappelle un ancien accord, déjà passé entre les États européens. En 1957, plusieurs pays avaient rallié le traité d’Euratom, visant à coopérer autour de l’atome civil. Cette alliance était déjà, à l’époque, une réponse à une autre crise de l’énergie : celle du pétrole.

Les onze pays souhaitent donc mobiliser une “vieille recette”, pour répondre à l’urgence énergétique à laquelle doit faire face l’Europe. “Le nucléaire représente 25 % de notre production électrique en Europe et émet moins de carbone que l'éolien et le photovoltaïque”, estime la ministre de la Transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher. Celle-ci appelle à non seulement renforcer, mais aussi à multiplier les installations du nucléaire. La membre du gouvernement estime que le nucléaire vient en renfort aux énergies renouvelables, afin d’assurer une indépendance énergétique rapide.

La France est d’ailleurs déjà très active dans ce projet. Il est question de prolonger le plus longtemps possible le parc nucléaire déjà existant en France. Composé de 56 réacteurs au total, dont la majorité est en service (depuis janvier, seulement 12 restent à l’arrêt).

Le gouvernement français a également annoncé la construction d’au moins six nouveaux réacteurs nucléaires de type EPR 2 sur le territoire français, avec pour objectif une mise en service entre 2035 et 2037.

Par ailleurs, EDF étudie actuellement le développement d’un prototype afin de mettre en place des petits réacteurs modulaires, aussi appelés SMR (small modular reactors). Cette nouvelle technologie permettrait même d’exporter le savoir-faire français dans ce secteur et de rallier les pays européens à la production nucléaire. EDF a d’ailleurs signé son premier accord pour développer ces SMR avec la société polonaise Respect Energy.

Le nucléaire, quel impact sur le futur énergétique européen ?

Il s’agit d’une seconde étape majeure pour l’énergie nucléaire. Depuis la mi-février, la Commission européenne reconnaît que l'hydrogène produit à partir d'un mix électrique comportant du nucléaire, peut être considéré comme “vert”. Ce statut est est néanmoins applicable sous certaines conditions.

Les défenseurs de l’énergie nucléaire voient au travers de ce mode de production le moyen de générer une énergie bas carbone et ainsi, la certitude d’atteindre l’objectif d’une empreinte carbone neutre que l’Union Européenne s’était fixé pour l’horizon 2050.

La France, la Bulgarie, la Croatie, la République tchèque, la Hongrie, la Finlande, les Pays-Bas, la Pologne, la Roumanie, la Slovaquie, la Slovénie sont les onze pays à promouvoir l’atome civil pour s’assurer un approvisionnement continu en électricité. Cette nouvelle coopération permettra non seulement de développer des installations communes, mais aussi “des possibilités de coopération scientifique accrue" et le partage de "meilleures pratiques dans la sécurité", précisent les onze pays de l’alliance dans une déclaration commune.

La sécurité des installations est d’ailleurs l’un des points décriés par l’Allemagne, qui s’oppose sans détours à ce regain d’intérêt pour l’énergie nucléaire. Le pays qui est soutenu par l’Autriche et le Luxembourg, appelle à se concentrer sur le financement des énergies renouvelables.

Pourtant ces réticences des voisins européens ne freinent pas les associations entre pays européens. Au contraire, cette “alliance du nucléaire” renforce les volontés politiques nationales de chaque pays adhérent. Même si de nombreux projets visant à renforcer le poids du nucléaire dans leur mix énergétique étaient déjà en cours. On peut notamment citer les Pays-Bas, qui ont annoncé fin 2022 la future construction de deux nouvelles centrales nucléaires. La Finlande de son côté soutient le maintien de deux réacteurs de conception soviétique jusqu’en 2050. Le pays scandinave a seulement émis un avis en faveur de ce maintien mais n’a pas légiféré sur la question.

On observe donc une scission claire au sein de l’Union Européenne autour de cette question du nucléaire. Il s’agit d’une nouvelle division autour de la question énergétique. Puisque le sujet du nucléaire s’insère dans un autre débat, celui de la réforme du marché européen de l’électricité qui est lié à celui du gaz. Une interdépendance qui joue un rôle important dans la hausse des prix de l’électricité, puisque le prix de gros de l’électricité est aujourd’hui basé sur le coût de production de la dernière centrale utilisée pour sa production, à savoir les centrales à gaz.

Là encore plusieurs camps s’opposent. La France défend la décorrélation des deux énergies, tandis que l’Allemagne se veut plus modérée et appelle à profiter de ce contexte pour développer la production électrique à partir d’énergies renouvelables. La nouvelle alliance du nucléaire pourrait influencer cette autre question majeure dans le futur énergétique de l’Europe.

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