Factures d'électricité impayées : pourquoi les coupures explosent en France (+85%) ?
Le médiateur national de l’énergie alerte sur une hausse inquiétante des interventions pour impayés des factures énergétiques. Pour la quatrième année consécutive, le nombre de coupures et limitations de puissance en France a fortement progressé, signe tangible des difficultés financières croissantes auxquelles sont confrontés les foyers français pour régler leurs factures de gaz et d'électricité.
Impayés énergétiques : une hausse continue des interventions depuis 2019
Avec plus de 1,2 million d’interventions pour impayés en 2024, soit une hausse de 24 % par rapport à 2023, le médiateur national de l’énergie Olivier Challan Belval tire la sonnette d’alarme. Depuis 2019, l'augmentation est encore plus alarmante : +85,3 % !
Cette progression traduit bien la dégradation de la situation financière de nombreux ménages face aux hausses des prix de l’énergie et à une inflation persistante.
Année | Limitations de puissance (Électricité) | Coupures d'électricité | Coupures de gaz naturel | Total interventions |
---|---|---|---|---|
2024 | 937 223 | 203 767 | 105 176 | 1 246 166 |
2023 | 736 296 | 179 185 | 87 870 | 1 003 351 |
2022 | 638 731 | 205 506 | 57 924 | 902 161 |
2021 | 448 259 | 254 422 | 82 414 | 785 095 |
2020 (COVID) | 252 077 | 215 124 | 84 520 | 551 721 |
2019 | 274 290 | 279 950 | 118 160 | 672 400 |
Source : Médiateur national de l'énergie, mars 2025
Impayés d'électricité : un phénomène accentué par la forte hausse des prix
L'augmentation alarmante du nombre d’interventions pour impayés énergétiques ne peut être dissociée d’une hausse continue des tarifs de l'électricité en France depuis plusieurs années.
Entre juin 2019 et mars 2025, la facture annuelle moyenne d’un ménage français au tarif réglementé (avec une consommation type en Base et puissance de 6 kVA) a fortement augmenté, passant de 1 289 € à 1 717 €, soit une augmentation de +33,2 % en près de 6 ans (+428 €/an).
Période | Prix du kWh TTC | Évolution par rapport à la période précédente | Abonnement annuel TTC | Facture annuelle TTC* |
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Mars 2025 | 0,2016 € | -15 % | 164,64 € | 1 716,96 € |
Février 2024 | 0,2516 € | +8,6 % | 151,20 € | 2 089,00 € |
Août 2023 | 0,2276 € | +10 % | 149,96 € | 1 902,00 € |
Février 2023 | 0,2062 € | +19 % | 143,71 € | 1 731,00 € |
Février 2022 | 0,1740 € | +10 % | 136,14 € | 1 476,00 € |
Février 2021 | 0,1582 € | +2 % | 127,79 € | 1 346,00 € |
Février 2020 | 0,1546 € | +3 % | 121,68 € | 1 312,00 € |
Juin 2019 | 0,1531 € | - | 110,55 € | 1 289,42 € |
* Pour un contrat en option Base de 6 kVA avec consommation moyenne annuelle standardisée.
Sources : Tarifs réglementés EDF et calculs Selectra
Malgré une baisse exceptionnelle du prix du kWh en février 2025, le coût global reste toujours bien supérieur au tarif initial de 2019. Ainsi, cette hausse continue du prix de l'électricité met sous pression le budget des ménages français, expliquant en grande partie les difficultés croissantes des consommateurs à faire face à leurs factures.
Ceci se traduit directement par une forte augmentation du nombre annuel d'interventions techniques pour impayés, atteignant un chiffre record de 1 246 166 opérations en 2024.
Une politique tarifaire maîtrisée, accompagnée d'un effort accru en matière de rénovation thermique et d'aides financières ciblées, semble donc indispensable pour inverser durablement cette tendance préoccupante.
Le fournisseur EDF a supprimé les coupures totales depuis 2022

Depuis 2022, EDF a décidé d’arrêter définitivement les coupures d'électricité en cas d’impayés pour privilégier la réduction de puissance à 1 kVA. En 2023, EDF a réalisé, en dehors de la trêve hivernale, 271 000 opérations de limitation de puissance, visant ainsi à maintenir une fourniture minimum et à réduire la précarité énergétique. La durée moyenne de ces réductions est de 11 jours.
Cette politique est aussi jugée plus humaine : Manuel Domergue, directeur d’études à la Fondation Abbé Pierre, appelle ainsi l’État à aligner les pratiques de tous les fournisseurs d'électricité sur celles adoptées par EDF.
La coupure, symboliquement, ça marque, c’est une vraie humiliation. Là, les ménages considèrent la sanction plus juste. Mais il faut aller plus loin : l’État doit s’engager pour mettre tous les fournisseurs sur un pied d’égalité
En cas d'impayé, quel délai avant de subir une coupure ?
En cas d'impayé sur les factures d’électricité
Lorsqu'un consommateur ne règle pas dans les délais sa facture d'électricité, une procédure réglementée s'enclenche automatiquement.
Si le foyer concerné n'est pas bénéficiaire du chèque énergie, il reçoit une première lettre de relance dans les 14 jours suivant la réception de sa première facture impayée, puis une deuxième relance encore 15 jours plus tard. Si ces courriers restent sans réponse, un troisième et dernier courrier l’informant explicitement d'une coupure imminente lui est adressé.
Sans arrangement trouvé ni règlement sous les 20 jours suivants, la coupure effective d’électricité intervient au bout d’environ 50 jours après la réception du premier avis d’impayé.

Lorsqu'un ménage bénéficie du chèque énergie, ces délais sont prolongés. De fait, après une première relance à 14 jours, le client reçoit une deuxième notification au bout de 30 jours, l'informant de la possibilité d'un accompagnement financier via le Fonds Solidarité Logement (FSL).
Si la dette n’est toujours pas réglée après un délai total de 70 jours, la puissance électrique du compteur est alors fortement limitée à 1 kVA pendant une durée maximale de 60 jours. À défaut de régularisation pendant cette période de restriction, une coupure effective intervient après environ 105 jours depuis la réception initiale de la facture impayée.

Enfin, le dispositif de la trêve hivernale interdit toute coupure d’électricité du 1er novembre au 31 mars. De plus, depuis 2022, EDF ne pratique plus aucune coupure totale d'électricité auprès de sa clientèle toute l'année, même en dehors de la trêve hivernale, se limitant exclusivement à réduire la puissance disponible.
En cas d'impayé sur les factures de gaz naturel
Concernant les impayés de factures de gaz, une succession d'avertissements est également prévue par la réglementation. Un client non bénéficiaire du chèque énergie reçoit systématiquement une première relance 14 jours après réception de la facture restée impayée, puis une deuxième relance sous 15 jours supplémentaires.
Sans paiement ni retour concluant, un troisième courrier d'avertissement est adressé pour avertir le client d'une coupure imminente de gaz sous 20 jours. La coupure intervient ainsi dans un délai d'environ 50 jours après le premier avis relatif à la facture non réglée.
Pour les ménages bénéficiant du chèque énergie, la procédure inclut également trois relances, mais avec des délais adaptés. La première lettre de relance parvient au bout de 14 jours, puis une seconde notification informant des possibilités d'aide du FSL est adressée 30 jours après.
Enfin, sans régularisation, un troisième et dernier courrier avertit d’une coupure imminente sous 20 jours supplémentaires. Dans ce cas, le délai total avant la réalisation effective de la coupure en cas d'absence de paiement se porte à environ 65 jours.
La trêve hivernale s'applique aussi au gaz naturel : aucune coupure d’alimentation pour impayés n’est autorisée du 1er novembre au 31 mars de chaque année.
Impayé d'une facture d'électricité : quels coûts supplémentaires à prévoir ?
Les interventions techniques pour couper ou limiter l'électricité génèrent éventuellement des frais. À noter que les bénéficiaires du chèque énergie bénéficient d'un abattement de 80 % :
Type d'intervention | Type de compteur | Tarif standard | Tarif réduit (bénéficiaire Chèque Énergie) | Délai d'intervention |
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Réduction de puissance | Compteur Linky | 3,86 € | 0,77 € | Environ 24h |
Compteur non-Linky | 60,47 € | 12,09 € | 10 jours ouvrés | |
Suspension d'alimentation (coupure) | Compteur Linky | 42,55 € | 8,51 € | Environ 24h |
Compteur non-Linky | 60,47 € | 12,09 € | 10 jours ouvrés | |
Rétablissement urgent (demande après 15h pour un rétablissement le jour-même) | Compteur Linky | 59,51 € | 11,90 € | Dans la journée |
Compteur non-Linky | 148,73 € | 29,75 € | Dans la journée | |
Rétablissement standard (délai normal, sans urgence) | Tous types | Gratuit | Gratuit | 1 jour ouvré |
Prescription d'une dette énergétique : attention aux idées reçues
Une facture d’énergie impayée par un particulier se prescrit au bout de deux ans, sauf en cas d’action en justice qui interrompt ce délai. Toutefois, attention : cette prescription concerne uniquement la facture elle-même. Les pénalités ou frais supplémentaires éventuellement ajoutés par le fournisseur possèdent leur propre délai de prescription et ne sont ainsi pas nécessairement annulés.
Changement de fournisseur et dettes énergétiques
Contrairement à une idée reçue répandue, un client en impayé peut légalement souscrire auprès d’un nouveau fournisseur. En pratique cependant, certains fournisseurs peuvent demander un dépôt de garantie ou (illégalement) refuser la souscription.
Cependant, changer de fournisseur ne dispense pas le consommateur de ses dettes précédentes, que l’ancien fournisseur peut recouvrer (lettres, SMS, appels téléphoniques, injonction judiciaire avec éventuelle saisie de biens en cas d'absence de paiement persistant).
Quelles solutions en cas d'impayé ?
En cas de difficulté à payer une facture d'énergie, le consommateur doit prendre contact dès que possible avec son fournisseur afin de demander un échéancier de paiement. Une grande majorité de fournisseurs proposent en effet des solutions amiables, comme le fractionnement ou l'étalement des sommes dues, pour permettre à leurs clients de régulariser leur situation.
Le ménage concerné peut également solliciter une aide financière via le Fonds de Solidarité pour le Logement (FSL). Celui-ci propose, selon les conditions fixées par chaque département, un soutien financier sous forme de subvention directe ou de prêt afin de régler tout ou partie des factures impayées. Une demande acceptée entraîne également la suspension temporaire des procédures de coupure ou de réduction de puissance.
Le Médiateur national de l'énergie préconise, parallèlement à ces solutions individuelles, le retour de l'attribution automatique du chèque énergie, suspendue en 2025, pour simplifier son accès. Le Médiateur demande également un renforcement significatif des politiques publiques de rénovation énergétique afin de réduire durablement la précarité énergétique des ménages français.