Le régime des catastrophes naturelles bientôt simplifié ?
Depuis que le régime d’indemnisation des catastrophes naturelles a été instauré par la loi du 13 juillet 1982, celui-ci n’avait jamais été réformé. Autant dire que face aux enjeux écologiques de notre époque, il y a urgence. Mi-janvier 2020, la proposition de loi visant à l’actualisation et à la simplification de ce régime a été adoptée à l’unanimité au Sénat. Cependant, la bataille est loin d’être terminée. Selectra fait le point.
- En bref : Les dates clés pour comprendre la réforme du régime « CatNat »
- 13 juillet 1982 : régime d’indemnisation des catastrophes naturelles instauré par la loi ;
- Avril 2012 : premier projet de réforme du régime d’indemnisation des catastrophes naturelles, qui n’est allé nulle part ;
- 30 septembre 2018 : annonce de la modernisation du régime « CatNat » d’ici à l’été 2019 par le président Macron, lors de son déplacement à Saint-Martin, un an après l’ouragan Irma ;
- 3 juillet 2019 : publication du rapport « Catastrophes climatiques : mieux prévenir, mieux reconstruire » ;
- 29 octobre 2019 : débat au Sénat concernant les conclusions du rapport ;
- 8 janvier 2020 : rejet du texte par la commission des finances en raison de son coût pour les finances publiques ;
- 15 janvier 2020 : adoption de la nouvelle proposition de loi « Réformer le régime des catastrophes naturelles » en première lecture au Sénat à l’unanimité ;
- 16 janvier 2020 : transmission de la proposition de loi à l’Assemblée nationale, renvoyée à la commission des finances.
Régime de catastrophe naturelle : une réforme qui peine à aboutir
En 2018, le président Emmanuel Macron promettait la réforme du régime « CatNat », soit des catastrophes naturelles. Mais depuis cette annonce, la réforme pilotée par la Direction générale du Trésor n’a eu de cesse d’être repoussée.
À l’été 2019, des sénateurs remettaient la discussion dans le débat public, après un travail réalisé sur plusieurs mois au sein d’une mission d’information, aboutissant à la remise d’un rapport adopté à l’unanimité, intitulé « Catastrophes climatiques : mieux prévenir, mieux reconstruire ».
De ce rapport est née une proposition de loi officielle par les socialistes fin novembre 2019 visant à la modernisation du régime d’indemnisation : « Il fallait repenser à la hauteur de l’intensité des aléas climatiques, ce régime d’indemnisation qui date de 1982. Ce qui était exceptionnel à l’époque ne l’est plus aujourd’hui », expliquait ainsi lors d’une conférence de presse la sénatrice socialiste de Charente et autrice du texte, Nicole Bonnefoy.
Le 15 janvier 2020, en première lecture, le texte de loi composé de cinq articles a été adopté à l’unanimité – moins une abstention. Son but est « d’apporter une réponse rapide et concrète aux sinistrés, en instaurant un cadre réglementaire plus contraignant à l’égard des assurances, en créant un crédit d’impôt qui permettrait aux particuliers de déduire de leur fiche de paie le montant des travaux causés par la catastrophe naturelle », a-t-il été précisé. Voilà les enjeux principaux mis en avant dans le texte de loi :
- Autorisation pour les communes à qui l’on refuse la reconnaissance de l’État de catastrophe naturelle de pouvoir faire une deuxième demande dans un délai de six mois ;
- Instauration d’une cellule de soutien aux maires confrontés à une catastrophe naturelle dans chaque département ;
- Réforme du fonctionnement du fonds de prévention des risques naturels majeurs – dit Fonds Barnier – avec la suppression du plafonnement précédemment fixé à 138 millions d’euros ;
- Renforcement de la prévention des dommages via une diminution du reste à charge pour les particuliers, grâce à la création d’un crédit d’impôt dédié à la prévention des aléas climatiques ;
- Renforcement des droits des assurés et du montant des indemnisations.
Le texte fait donc de nombreuses propositions pour améliorer le régime. Le nerf de la guerre semble cependant être le cas du fonds Barnier, Nicole Bonnefoy dénonçant à ce sujet « le dévoiement annuel de l’ordre de 60 millions de l’argent des assurés au profit du budget de l’État. » Le déplafonnement total du fonds Barnier a été voté après de longues discussions et d’intenses débats, et l’expression claire de réserve de la part de la commission des finances.
Projet de loi pour la réforme du régime « CatNat » : quelques amendements
Malgré l’unanimité autour du texte au Sénat, quelques amendements au texte ont tout de même été adoptés lors de la séance publique. Entre autres :
- L’allongement du délai de prescription de deux à cinq ans se fera ainsi uniquement en ce qui concerne « dommages résultant de mouvements de terrain consécutifs à la sécheresse et à la réhydratation des sols, reconnus comme une catastrophe naturelle » (amendement complet) ;
- L’intégration de la prise en charge des frais de relogement est soumise à deux conditions : que le logement concerné soit la résidence principale du sinistré, et que celle-ci soit déclarée insalubre ou dangereuse pour la sécurité de ses occupants, via un arrêté du maire de la commune (amendement complet) ;
- La prise en charge du régime de la garantie obligatoire a été étendue aux orages de grêle (amendement complet);
- La procédure de reconnaissance de l’État de catastrophe naturelle, voulue plus claire, prévoit la présence d’« au moins deux titulaires de mandats locaux pouvant assister aux délibérations avec voix consultative » au sein de la commission chargée de la reconnaissance de cet état, dont la composition est fixée par décret (amendement complet).
Le 16 janvier 2020, la proposition de loi a été transmise à l’Assemblée nationale, laquelle l’a renvoyée à la commission des finances. À ce jour, aucune date d’examen n’a été fixée. Pour Nicole Bonnefoy, « les associations de sinistrés réclamaient [cette réforme]. En réalité, c’est une proposition de loi sans couleur politique : l’ensemble des sénateurs est favorable à une réforme du régime CatNat. » Reste à voir si, contrairement à la tentative de réforme de 2012, celle-ci aboutira concrètement.
De nombreuses propositions des sénateurs au cœur du projet de loi socialiste reprennent les recommandations de la Fédération française de l’assurance – ou FFA –, à l’instar de celles concernant les frais de relogement, ou encore l’alignement des franchises des artisans, commerçants et TPE sur celles des particuliers.