Installation obligatoire des détecteurs de fumée : quel bilan deux ans après ?
Le détecteur de fumée, appelé également DAAF (détecteur avertisseur autonome de fumée), a pour objectif de détecter les fumées émises au départ d'un incendie et de prévenir du danger grâce à un puissant signal sonore. Depuis le 1er janvier 2016, tous les logements doivent en être équipés. Deux ans après, peut-on dire que le dispositif a permis de sauver des vies ?
Incendies domestiques en France : état des lieux
Chaque année en France,76 000 incendies domestiques sont recensés, blessant près de 10 000 personnes et faisant plus de 600 victimes. Autres chiffres importants :
- 1 incendie se déclare toutes les 2 minutes ;
- 1 Français sur 3 sera touché par un incendie au cours de sa vie ;
- 80 % des décès sont liés à l’inhalation de fumée ;
- 57 % des personnes ne se trouvent pas dans la pièce où le feu s’est déclaré ;
- 70% des incendies meurtriers ont lieu la nuit ;
- Un incendie domestique sur 4 est dû à une installation électrique défectueuse ;
- La température d'une pièce en feu atteint 600°C en 3 minutes ;
- Les incendies domestiques sont la seconde cause de mortalité par accident domestique chez les enfants de moins de 5 ans.
(Sources:pompiers.fr, https://www.nullifire.com/fr_FR/home/)
Détecteurs de fumée : que dit la loi ?
Un détecteur de fumée minimum par logement
La loi Morange du 9 mars 2010 a rendu obligatoire l'installation d’au moins un détecteur de fumée dans tout type d’habitation (résidence principale, secondaire, propriété, location, etc.). Tous les logements devaient être équipés de ce système au plus tard le 1er janvier 2016. Concrètement, il est recommandé de prévoir un détecteur de fumée par tranche de 80 m², ou un par étage.
Quel modèle choisir ?
Pour être homologué, un détecteur de fumée doit porter le marquage CE et être conforme à la norme européenne harmonisée NF, preuve de l'homologation française de l'AFNOR, organisation qui impose des tests réguliers aux produits.
L’appareil doit également porter la mention EN 14604, preuve qu'un laboratoire agréé et indépendant a contrôlé certaines données comme la sensibilité au déclenchement, le temps de réaction, le déclenchement à une variété de fumée, la puissance du signal sonore... Un détecteur de fumée doit impérativement :
- Comporter un indicateur de mise sous tension ;
- Présenter un témoin visuel, mécanique ou sonore permettant de vérifier qu'il fonctionne ;
- Disposer d'une alarme au niveau sonore d'au moins 85 décibels à trois mètres ;
- Avoir une autonomie minimale d'un an ;
- Comporter un indicateur d'usure de la pile ;
- Afficher différentes mentions : les coordonnées du fabriquant, la norme, la date de fabrication ou le numéro du lot, les informations importantes relatives à l'installation, à l'entretien et au contrôle.
Où installer votre détecteur de fumée ?
Vous pouvez installer votre détecteur de fumée dans n'importe quelle pièce, la meilleure solution étant le couloir ou le palier desservant les chambres. La cuisine et de la salle de bains sont à éviter, sous peine de vous exposer à des déclenchements répétés et à un vieillissement précoce du détecteur. Il est recommandé de poser le DAAF le plus haut possible, de préférence au centre du plafond, à plus d'un mètre de toute fenêtre, trappe, aération, climatiseur et source de chaleur. Pour les grandes pièces, l’appareil sera placé à moins de 3 mètres des chambres, afin d'être alerté rapidement si un incendie se déclare pendant la nuit.
Les obligations à la charge du propriétaire
Le propriétaire d’un logement doit fournir et installer le détecteur de fumée dans le logement loué. Dans le cas où le locataire s'occupe de l'installation, au propriétaire revient l'obligation de fournir le matériel nécessaire ou de rembourser le prix sur présentation d'une facture. Le bailleur doit également s'assurer du bon fonctionnement de l’appareil au moment de l'état des lieux d'entrée d'un locataire.
Les obligations à la charge du locataire
Le locataire doit vérifier la présence et le bon fonctionnement du détecteur lors de l'état des lieux d'entrée. L'obligation d'entretien du détecteur de fumée incombe à l'occupant, sauf dans les cas suivants :
- Location saisonnière ;
- Location meublée ;
- Foyer ;
- Logement de fonction ;
- Résidence hôtelière à vocation sociale.
L’entretien consistera notamment à vérifier et remplacer les piles et à procéder au remplacement de l’appareil si nécessaire.
Une attestation d'installation de détecteur de fumée devra être fournie à votre compagnie d’assurance. En cas de sinistre, une franchise supplémentaire peut vous être facturée si votre logement n'est pas équipé.
Les Français et les détecteurs de fumée
Selon un sondage récent, réalisé par ManoMano.fr (site e-commerce de bricolage, rénovation et jardinage) :
- La proportion des foyers équipés d’un détecteur de fumée est minime : 38 % des locataires et 34% des propriétaires seulement sont concernés ;
- Parmi eux, 8% en ont acheté un mais ne l’ont pas installé ;
- 1 détecteur de fumée installé sur 3 ne fonctionne pas.
En 2017, plus de 80% des Français considéraient les détecteurs de fumée comme inutiles. Ce chiffre tombe à 59 % en 2018. Toutefois, seulement 45% des personnes interrogées prévoient de s'équiper.
On peut donc se demander pour quelles raisons les ménages Français rechignent à installer ce dispositif pourtant essentiel à leur sécurité.
Il semblerait que cela ne soit pas une question de prix, 85% des sondés considérant ces équipements comme « pas trop chers ». Pour Christian Raisson et Philippe de Chanville, cofondateurs de Manomano.fr et Supermano.fr, la raison est ailleurs : "Dans 36% des cas d'incendies déclarés, le détecteur de fumée ne s’est pas déclenché, ce qui explique pourquoi la plupart des gens trouvent ce dispositif inutile". Selon les deux dirigeants, si la fiabilité de l’appareil peut parfois être mise en cause, il semblerait que celui-ci soit souvent mal installé.
Des appareils indispensables qui sauvent des vies
70 % des incendies domestiques ont lieu la journée, mais 70 % des décès sont dus aux incendies nocturnes, quand les occupants des logements sont intoxiqués par les fumées avant même d'avoir pu déceler l'incendie, ou le décèlent trop tard pour pouvoir réagir à temps.
En effet, contrairement aux idées reçues, dans un incendie, les fumées libérées sont potentiellement plus dangereuses que les flammes. Inflammables et toxiques, elles provoquent des asphyxies qui peuvent vous rendre inconscient en seulement deux inspirations.
C’est ce que confirme un sapeur-pompier d’Ille-et-Villaine : « Les gens croient toujours qu'un incendie va les réveiller, qu'ils auront le temps de réagir. La vérité, c'est que sans détecteur de fumée, ils seront asphyxiés avant d'ouvrir un œil ».
La meilleure solution pour éviter des drames réside donc dans l’installation de DAAF.
400 vies épargnées grâce aux détecteurs de fumée
Deux ans après l'adoption de la loi Morange, Bruno Le Roux et Emmanuelle Cosse, respectivement ministres de l’intérieur et du logement ont pu dresser un premier bilan. Selon eux, le dispositif aurait permis de sauver 200 vies par an. Le nombre de morts dus à des incendies domestiques est ainsi passé de 800 à 600 par an, soit une baisse de 25%.
Ce bilan est positif, certes, mais on est loin des 60 % de baisse de mortalité dans les autres pays ayant également mis en place cette obligation de s'équiper en détecteurs, comme la Grande-Bretagne ou le Québec. Une différence notable probablement due à des campagnes de sensibilisation trop timides dans l’Hexagone.
Qu’en est-il de nos voisins européens ?
En avance sur la France, certains pays européens ont mis en place une législation depuis le début des années 90.
Au Royaume-Uni
En Grande-Bretagne, l'installation de détecteurs de fumée a été rendue obligatoire dans les nouveaux bâtiments dès 1992. Une campagne de sensibilisation efficace avait ainsi conduit 75 % des foyers à s’équiper. Aujourd'hui ce taux d'équipement est de plus de 80 %, le nombre de décès dus à des feux d'habitation a baissé de 60 % et ne cesse de diminuer. Chaque habitation doit être équipé d’un appareil par étage et un par chambre.
En Allemagne
La décision de devoir ou non légalement s’équiper en détecteur de fumée a été laissée aux états fédéraux. Ainsi, la majorité des Landers ont opté pour une réglementation. La norme est d’un appareil par chambre.
En Belgique
En Wallonie
L’obligation de s’équiper en DAAF dans cette partie de la Belgique s'impose depuis novembre 2004 à tous les logements en cours de construction et aux logements existants depuis le 1er juillet 2006. Pour les logements neufs, plus de quatre détecteurs sont nécessaires, ceux-ci doivent fonctionner sur secteur ou être reliés à une centrale d'alarme.
Dans la région de Bruxelles-Capitale
La réglementation en vigueur concerne uniquement les locations. Celles-ci doivent être équipées depuis le 1er juillet 2005. Les détecteurs doivent être normalisés, ils peuvent fonctionner sur pile ou sur secteur et doivent être placés dans chaque pièce située sur le trajet d'évacuation, entre les chambres et la porte extérieure du logement.
En Flandre
Les détecteurs de fumée seront obligatoires dans toutes les habitations flamandes d’ici 2020. Actuellement, l’installation d’un détecteur de fumée est déjà une obligation légale en Flandre pour les locations, les résidences étudiantes, les nouvelles constructions et les rénovations.
Les fumées des incendies domestiques tuent. Seule solution : s’équiper de détecteurs de fumée. Deux ans après la loi Morange, le bilan s’avère très positif, puisque cela a permis de sauver des centaines de vies. Malgré tout, de nombreux efforts restent à faire pour sensibiliser la population sur la nécessité absolue des DAAF.