La France bat son record d'électricité à prix négatif et ce n'est pas une bonne nouvelle

La France bat son record d'électricité à prix négatif et ce n'est pas une bonne nouvelle

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À peine mi-juillet, et la France a déjà battu son record annuel d’heures à prix d’électricité négatifs ou nuls. Avec 368 heures cumulées depuis le début de l'année 2025, le précédent record de 352 heures établi sur toute l’année 2024 est déjà dépassé. Ce phénomène, symptôme d'une surabondance de production renouvelable face à une demande insuffisante, transforme ce qui devrait être une bonne nouvelle écologique en un véritable casse-tête économique et technique. Face à cette situation, la Commission de Régulation de l’Énergie (CRE) tire la sonnette d’alarme et appelle à réformer en profondeur les mécanismes de soutien aux énergies renouvelables, jugés inadaptés et coûteux pour la collectivité.

Prix négatifs : le paradoxe de l'électricité qui se paie pour être consommée

Comment le prix d'un bien essentiel comme l'électricité peut-il devenir négatif ? Ce phénomène, de plus en plus fréquent, s'explique par le fonctionnement même du marché de l'énergie : l'électricité se stockant difficilement à grande échelle, l'équilibre entre la production (l'offre) et la consommation (la demande) doit être maintenu à chaque instant. Lorsque la production dépasse massivement la demande, les prix chutent jusqu'à passer en territoire négatif.

Ce déséquilibre est aujourd'hui amplifié par deux facteurs. D'un côté, une production d'énergies renouvelables (solaire et éolien) massive et intermittente, particulièrement abondante lors des journées ensoleillées et venteuses du printemps et de l'été. De l'autre, une consommation parfois très faible, notamment les week-ends et jours fériés. Dans ces situations, certains producteurs préfèrent payer pour injecter leur électricité sur le réseau plutôt que d'arrêter leurs installations

Mais comme le souligne la Commission de Régulation de l’Énergie (CRE) dans sa note d'analyse de novembre 2024, le principal problème vient désormais des installations renouvelables bénéficiant de contrats d'obligation d'achat (OA). Ces contrats leur garantissent un tarif de vente fixe, quels que soient les prix du marché. N'ayant aucune incitation financière à s'arrêter, ces producteurs continuent de produire "à tout prix", même lorsque le réseau est saturé, aggravant la chute des prix et créant ce que l'économiste Jacques Percebois qualifie de situation "complètement idiote".

Le problème est dû essentiellement aux renouvelables et à l’éolien en particulier : une partie des producteurs ont intérêt à continuer d’injecter sur les réseaux même s’il n’y a pas de besoins car ils bénéficient d’une obligation d’achat avec prix garanti sur des horizons à 20 ans.

Prix négatif de l'électricité : record battu pour 2025

La tendance s'accélère d'année en année. Le record de 2024, qui s'élevait à 352 heures de prix négatifs ou nuls, a été battu avant même la fin de l'été. Dès le 13 juillet 2025, la France cumulait déjà 368 heures, dépassant le total de l'année précédente qui avait pourtant déjà doublé celui de 2023.

Sur le long terme, l'augmentation du nombre d'heures à prix négatifs est également notable. En France, pour l'année 2025, on dénombre pour l'instant 368 heures où le prix de l'électricité sur le marché SPOT a été négatif ou nul.

Évolution du nombre d'heures à prix négatifs par an en France

Source : EPEX Spot

Nombre d'heures

Ces épisodes se concentrent pendant le printemps et l'été, majoritairement lors des week-ends et en début d'après-midi (entre 12h et 16h), moments où la production solaire est à son apogée et la demande industrielle et tertiaire au plus bas.

Répartition horaire des prix négatifs en France

Source : EPEX Spot - Cumul des données au 14/07/2025

Nombre d'heures cumulées

Loin d'être une simple curiosité de marché, cette situation engendre une "perte économique pour la collectivité", selon les termes de la CRE. En effet, lorsque les producteurs sous obligation d'achat (OA) vendent leur électricité à prix négatif, c'est l'État, et donc le contribuable, qui compense leurs pertes via les charges de service public de l'énergie (CSPE)

Le régulateur a ainsi calculé que la simple coupure de ces parcs durant ces heures aurait pu générer une économie de 15 millions d'euros pour l'État au premier semestre 2024. Une somme qui ne fera qu'augmenter avec l'explosion du phénomène en 2025.

À quand des offres à prix dynamiques pour profiter des prix négatifs ?

Face à cette avalanche d'heures où l'électricité est gratuite, voire payée pour être consommée sur les marchés, une question se pose : pourquoi les consommateurs français ne voient-ils aucune différence sur leur facture ? Alors que le bon sens voudrait que l'on encourage la consommation à ces moments-là via des tarifs très bas, l'Hexagone fait figure d'exception culturelle. Le signal prix reste bloqué, et la très grande majorité des ménages paie autour de 20 centimes par kWh, que le marché soit à -50 € ou à +200 €.

Pourtant, ailleurs en Europe, la tarification dynamique est une réalité bien installée. En Espagne, près d'un tiers des foyers bénéficie d'un tarif réglementé qui évolue heure par heure. En Scandinavie, c'est devenu la norme, avec plus de 70 % des ménages suédois et norvégiens équipés. Ces offres, qui répercutent directement les prix du marché spot, permettent aux consommateurs de profiter de ces prix extrêmement bas sur les marchés.

La frilosité française s'explique par plusieurs facteurs. D'abord, la crainte des pouvoirs publics qui alertent sur le risque de factures imprévisibles pour les ménages les plus précaires. Le spectre de la faillite du fournisseur danois Barry Energy en France, en pleine crise de 2022, a marqué les esprits. S'ajoute à cela une culture de la stabilité tarifaire et un manque de pédagogie sur les bénéfices potentiels de la flexibilité.

Néanmoins, des offres avec des prix variables "à la française" existent et connaissent un succès grandissant. L'option Tempo d'EDF, avec ses jours à bas prix et ses quelques jours très chers, a séduit des centaines de milliers de foyers. D'autres fournisseurs, comme Ohm Énergie ou TotalEnergies, proposent également des offres incitatives. Mais ces solutions restent des versions simplifiées et contrôlées de la tarification dynamique, bien loin de la transparence et de la réactivité des modèles de nos voisins européens.

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