Des factures d’électricité à presque 0 € : ce phénomène qui touche plusieurs pays européens

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Après une longue période d’explosion des prix de l’énergie, qui aurait pu prévoir ce phénomène inattendu ? Pourtant, exceptionnellement, plusieurs pays européens ont récemment bénéficié de prix de l’électricité négatifs sur le marché de gros. La Finlande a ouvert le bal en mai dernier, aussitôt suivie par d’autres membres de l’UE parmi lesquels la Belgique, l’Allemagne, ou même… la France.

La Finlande, premier pays à voir le prix de l’électricité s’effondrer

Il ne s’agit pas d’un miracle, ni même d’une erreur de calcul. Ces derniers jours, l’électricité a bénéficié d’un prix de vente nul, voire en dessous de 0 € durant plusieurs heures et ce, dans différents pays européens. Un phénomène quasi inespéré après de longs mois d’instabilité, avec des prix atteignant jusqu’à plus de 1000 euros le mégawattheure (MWh) sur le marché de gros de l’électricité, au cours de l’été 2022. Pourtant le 24 mai dernier le prix de l’électricité sur le marché finlandais est passé sous un seuil négatif, a rapporté le média national Yle. L’électricité affichait un prix spot “légèrement inférieur” à 0 € durant plusieurs heures au cours de la journée du 24 mai, d’après Jukka Ruusunen, PDG du gestionnaire de réseau Fingrid. Un événement “historique”.

Grâce à ces quelques heures de “prix nuls” de l’électricité, les factures des particuliers ont donc pu bénéficier d’une baisse vertigineuse. Les abonnés finlandais n’ont ainsi eu qu’à s’acquitter de leur abonnement, qui couvre les frais d'acheminement et de gestion de l'électricité. Des montants variables, en fonction de l’abonnement souscrit.

La cause de cet épisode inattendu ? Une série d’inondations survenues tout au long du printemps, qui a nettement accéléré la production hydroélectrique du pays. Cette énergie décarbonée qui, habituellement, permet à la Finlande de compenser les pénuries d’électricité a, cette fois-ci à l'inverse, engendré un surplus d’énergie. En parallèle, la mise en service - après plus de dix ans de retard - du nouveau réacteur nucléaire “Olkiluoto 3” en avril dernier a boosté le réseau électrique du pays. À cela s’ajoute l’effort considérable du pays en matière de production solaire et éolienne, qui a largement participé à renforcer le stock énergétique national.

Si la Finlande a vécu la journée du 24 mai comme un moment exceptionnel de l’histoire du marché de l’électricité, il n’est pourtant pas rare que l’Europe soit confrontée à ce type de fluctuation de prix.

“Les prix négatifs sont un signal de prix sur le marché de gros de l’électricité qui arrive en cas de production non-flexible importante et de basse demande. Les sources non flexibles d’électricité ne peuvent pas être arrêtées et redémarrées rapidement et à moindre frais. Parmi elles, les énergies renouvelables, qui dépendent de facteurs extérieurs, tels que le vent et le soleil”, précise Epex Spot dans son rapport consacré au phénomène, ajoutant toutefois qu’il s’agit d’une situation relativement rare, mais pas inhabituelle*.

*Epexspot - “Prix négatifs – Questions - Réponses”.

Une électricité bradée durant le premier weekend de juin ailleurs en Europe

La Finlande n’a pas été le seul pays à bénéficier de prix négatifs durant le printemps. Durant le premier weekend de juin, plusieurs pays d’Europe de l’ouest ont également profité du même scénario.

L’agence Montel, dédiée à l’actualité de l'énergie en Europe, évoque un épisode similaire à celui de la Finlande en Allemagne. Le pays a pu bénéficier lui aussi de prix en dessous de 0 € samedi et dimanche dernier, durant plusieurs heures. D’après l’agence, le prix du MWh d’électricité s’est maintenu à -36,35 € sur le marché allemand entre 12h00 et 16h00 CET . Pour rappel, durant l’été 2022, le prix de l’électricité du pays dépassait les 500 €/MWh.

Comme la Finlande, la production Outre-Rhin a été boostée par des énergies décarbonées. Le solaire a produit une quantité d’énergie record le samedi 3 juin, explique le spécialiste de l’énergie, qui se base sur des informations publiées par l’association européenne des gestionnaires de réseau Entso-E. D’après Aleasoft, l’Allemagne a en effet bénéficié à cette date de 359 GWh de production solaire. Un stock au-dessus de la demande allemande, qui a permis de faire chuter les prix de l’électricité à des niveaux négatifs.

production solaire allemande

Le pays n’en est pas à son coup d’essai. En effet, selon l’analyse d’Epex Spot, l'Allemagne “connaît une augmentation de la production d’électricité non-flexible issue d’énergies renouvelables” continue. Ce qui lui a permis, en 2019 notamment, de bénéficier de “211 heures sur 39 jours de prix négatifs sur le marché Day-Ahead, contre 241 heures sur 44 jours sur le marché infra-journalier”.

Des prix négatifs d’électricité ont également été observés parmi d’autres pays européens. Selon Montel, les Pays-Bas ont, eux aussi, profité d’une dégringolade des prix de l’électricité, tombant à -81,54/MWh. Le pays mise énormément sur la production d’énergie éolienne offshore et prévoit d’accélérer la production nucléaire, avec la mise en place de deux nouveaux réacteurs.

L’Autriche, la Belgique et surtout la France n’ont pas été épargnés par cette tendance baissière à la fin du printemps. Dans l'Hexagone, le prix de l’électricité est descendu dimanche jusqu’à -33,79/MWh durant quelques heures, précise encore l’agence Montel.

Après la pénurie, la surproduction d’électricité va-t-elle rééquilibrer les prix ?

Si le fameux prix symbolique de 0 € ne peut se maintenir dans le temps, cette surproduction a tout de même permis de rétablir des tarifs de vente d’électricité plus faibles sur les marchés de gros. Alors que ce “trop plein” de production arrange les particuliers côté prix, les producteurs d’énergie se trouvent quant à eux perdants, puisque la source d’énergie concernée n’est - de facto - plus rentable.

“Les opérateurs en Finlande et dans les régions avoisinantes surveillent actuellement la situation [...] La production qui n'est pas rentable à ces prix est généralement retirée du marché. Les producteurs d'énergie nucléaire ont déjà annoncé une réduction de leur production”, précisait le PDG du gestionnaire de réseau Fingrid en Finlande.

Une production d’électricité trop importante pose également un problème majeur : celui du stockage. Tous les pays ne disposent pas des moyens techniques pour conserver ces réserves de cette énergie. C’est le cas de la Belgique, également concernée par cette surproduction au cours du mois dernier. Le lundi 1er mai, la production belge a généré entre 13h et 13h30 une production trop élevée, provenant de l’action des parcs éoliens et des panneaux photovoltaïques.

En plus de l’évident problème de rentabilité, la Belgique ne dispose pas des moyens nécessaires au stockage de ce surplus d’énergie durant un long délai. Le pays a donc dû freiner la production de parcs éoliens et donc sa production électrique. Les stocks excédentaires ont été envoyés vers d’autres pays et la Belgique a même appelé les grosses industries à consommer davantage d’électricité.

L’ensemble de ces superproductions d’électricité demeure une excellente nouvelle, puisqu’elles représentent la preuve que les énergies renouvelables peuvent soutenir considérablement la production d’électricité. Le développement de ces énergies décarbonées favorise les objectifs du plan européen qui vise à reconquérir une souveraineté énergétique et à diminuer ses émissions de CO2.

Cependant, la surproduction n’est pas une option qui sera favorisée par les producteurs d’énergie. Ces prix négatifs leur offrent seulement un signal indiquant que la demande est faible et que l’on peut ralentir la production, explique Epex Spot.

À priori, ces prix exceptionnellement bas ne garantiront pas la fin des hausses des prix de l’électricité en Europe. Ces brefs épisodes offrent seulement une accalmie avant l’été, saison durant laquelle la demande en électricité risque d’être plus élevée. Surtout si l’Europe connaît de nouveaux épisodes caniculaires.

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