Ce barrage aura la puissance de tout le nucléaire français : le projet chinois qui donne le contrôle de l'eau à Pékin

Ce barrage aura la puissance de tout le nucléaire français : le projet chinois qui donne le contrôle de l'eau à Pékin

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Imaginez un seul ouvrage capable de générer autant d'électricité que l'ensemble du parc nucléaire français. Ce n'est pas le scénario d'un film de science-fiction, mais la réalité d'un projet titanesque que la Chine a lancé au cœur de l'Himalaya. Sur le toit du monde, au Tibet, Pékin a entamé les travaux préparatoires d'un barrage hydroélectrique qui pulvérise toutes les échelles connues. 

Un projet qui pulvérise tous les records

Les chiffres donnent le vertige et peinent à dessiner les contours d'un projet qui semble défier l'imagination. Le barrage de Motuo, puisque c'est son nom, devrait atteindre une puissance installée de 60 gigawatts (GW). Pour mettre ce nombre en perspective, c'est l'équivalent de la capacité installée de la totalité des 56 réacteurs nucléaires français en activité (sans compter donc Flamanville). C'est également trois fois la puissance du barrage des Trois-Gorges, lui aussi en Chine, qui détenait jusqu'alors le record du monde.

Ce chantier pharaonique est implanté sur le Yarlung Tsangpo, le nom tibétain d'un fleuve majestueux qui deviendra, plus en aval, le Brahmapoutre en Inde. La géographie unique du lieu explique ce potentiel énergétique hors norme : sur une centaine de kilomètres, le fleuve dévale une pente de plus de 2200 mètres, créant une force hydraulique naturelle d'une puissance inouïe. Un potentiel que Pékin entend bien exploiter jusqu'à la dernière goutte, avec un investissement estimé à 165 milliards de dollars.

Ce projet s'inscrit dans une stratégie énergétique chinoise à deux visages. D'un côté, le pays est le champion incontesté du déploiement solaire et éolien. De l'autre, il continue de construire des centrales à charbon pour sécuriser son réseau. 

L'hydroélectricité, et particulièrement ces méga-projets, représente le meilleur des deux mondes pour le pouvoir central : une énergie renouvelable, sans déchets, mais surtout parfaitement "pilotable". Contrairement au soleil ou au vent, le débit de l'eau peut être contrôlé, garantissant une production stable et massive pour alimenter les mégalopoles et les industries situées à des milliers de kilomètres.

Derrière la prouesse technique, une bombe géopolitique et humaine

Si la fiche technique du projet impressionne, sa localisation est une source d'inquiétudes. Le barrage est construit au Tibet, une région occupée par la Chine depuis plus de 70 ans et dont les populations ont rarement leur mot à dire sur les décisions qui façonnent leur avenir et leur environnement. 

L'ONG International Campaign for Tibet estime que les 34 barrages déjà actifs dans la région ont provoqué le déplacement forcé de plus de 120.000 personnes. Avec les centaines de projets en cours ou à l'étude, ce chiffre pourrait grimper à près d'un million de Tibétains déracinés.

Mais l'onde de choc de Motuo dépasse largement les frontières du Tibet. En maîtrisant le cours supérieur du Brahmapoutre, Pékin prend de fait le contrôle du robinet qui irrigue une partie de l'Asie du Sud. Près de 1,8 milliard de personnes en Inde et au Bangladesh dépendent directement de ce fleuve pour leur agriculture, leur consommation d'eau et leur propre production d'électricité. 

L'inquiétude d'un accaparement de la ressource est immense. New Delhi a déjà fait savoir, par des voies diplomatiques, qu'elle ferait "le nécessaire" pour protéger ses intérêts, faisant du barrage un point de friction majeur entre les deux géants nucléaires.

Pour la Chine, l'équation est simple. Le barrage est une triple victoire stratégique : il assure sa sécurité énergétique, garantit son contrôle sur une ressource en eau de plus en plus précieuse et lui offre un ascendant économique et politique sur tous ses voisins. Pékin envisage même de vendre une partie de cette électricité à ses voisins, les rendant encore plus dépendants de sa volonté.

Un colosse aux pieds d'argile face à la nature

Construire le plus grand barrage du monde est une chose. S'assurer qu'il résiste aux forces de la nature en est une autre. Et sur ce point, le projet de Motuo soulève des questions. L'ensemble de l'aménagement est situé en plein cœur de l'Himalaya, l'une des zones sismiques les plus actives de la planète. L'idée même d'un barrage retenant des milliards de mètres cubes d'eau sur une faille tectonique a de quoi donner des sueurs froides aux ingénieurs.

Le double péril du climat et des séismes

La menace n'est pas seulement souterraine. Le réchauffement climatique accélère la fonte des glaciers himalayens, rendant le débit du fleuve de plus en plus imprévisible. Des crues extrêmes ou, à l'inverse, des sécheresses prolongées pourraient mettre en péril la structure même de l'ouvrage et sa capacité à produire de l'électricité. Le barrage pourrait ainsi devenir le symbole d'une ambition démesurée face à une nature de plus en plus instable.

Pour acheminer les tonnes de ciment, d'acier et les turbines géantes de 1000 MW, une puissance jamais atteinte à ce jour, la Chine va devoir construire un réseau de routes, de tunnels et de voies ferrées dans l'une des régions les plus inaccessibles au monde. Une entreprise titanesque en soi, qui transformera durablement un écosystème unique et fragile. 

Ce projet n'est donc pas seulement une centrale électrique ; c'est un acte de remodelage du territoire, une affirmation de puissance dont les conséquences, voulues ou non, se feront sentir pendant des siècles.

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