Énergies renouvelables : où en est la France en ce début d’année 2023 ?

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Dans ses vœux pour la nouvelle année, Emmanuel Macron annonçait : La France doit “gagner” la “bataille” de la transition écologique. Au cœur de cette transition, le défi de l’augmentation de la part des énergies renouvelables dans le mix énergétique hexagonal. Qu’en-est il en ce début d’année 2023 ?

La France à la traîne sur l’éolien terrestre et le solaire

L’institut Observ’ER a publié le 24 janvier dernier son baromètre des énergies renouvelables électriques 2022, en partenariat avec l’Agence De l’Environnement et de la Maîtrise de l’Énergie (ADEME). Le constat dressé par ce rapport est clair : la France est largement en retard sur ses objectifs en termes d’énergies renouvelables.

Il devrait en effet manquer près de 4 GW à la filière éolienne pour remplir ses objectifs fin 2023. Les “944 MW d’éolien terrestre nouvellement raccordés dans l’année” représentent une légère amélioration par rapport aux neuf premiers mois de 2021, mais restent insuffisants pour atteindre les objectifs à fin 2023. Au mieux, le baromètre estime un retard de 3,6 GW sur l’objectif prévu.

Malgré un rebond significatif en 2021, la production d’énergie solaire est également en-deçà des objectifs prévus. Avec une production estimée de 19 GW fin 2023, la filière ne devrait pas atteindre son objectif de 20,1 GW cette année d’après l’institut Observ’ER. En cause : un ralentissement du rythme des raccordements sur le réseau. Au premier semestre 2022, seulement 554 MW ont été connectés contre 839 à la même période l’année précédente, ce qui représente une baisse du nombre de nouveaux raccordements d’environ 34%.

Conséquences du retard français en termes d’énergies renouvelables

S’il est déjà peu probable que la France remplisse ses objectifs fin 2023, les chances d’atteindre les objectifs à 2028 sont donc encore plus maigres. Un retard qui place la France en situation de mauvais élève face à ses voisins européens. A titre d’exemple, l’Espagne a largement dépassé son objectif dès 2020, les énergies renouvelables représentant 21,2% de la consommation finale d’énergie du pays.

Ce retard face aux autres pays européens risque également de coûter cher. Des rumeurs évoquaient récemment une amende de 500 millions d’euros infligée par la Commission européenne pour non-respect des objectifs. D’après le journal 20 minutes, cette somme correspond en réalité à l’achat de mégawatts statistiques à d’autres pays européens. Pour faire simple, l’État rachète une certaine quantité d’énergies renouvelables à d'autres pays européens ayant fait mieux que leur objectif annuel, afin d’atteindre le quota requis. La France est actuellement “en négociation avec l’Italie et la Suède à ce sujet”, selon la ministre de la Transition énergétique.

Pour rappel, les objectifs français en termes d’énergies renouvelables à fin 2028 sont les suivants :

  • 33,2 à 34,7 GW de production pour la filière éolienne ;
  • 35,1 à GW à 44 GW de production pour la filière photovoltaïque.

Retard français dans les énergies renouvelables : quelles sont les raisons ?

La part majoritaire du nucléaire dans le mix énergétique français joue un rôle important dans le retard de développement des énergies renouvelables en France. D’après le dernier bilan électrique du gestionnaire du réseau de transport d’électricité, RTE, la production nucléaire en 2021 représentait 361 TWh, soit près de 70 % de la production d’électricité française. La prédominance de ce secteur en France est due à plusieurs facteurs :

  • Lorsqu’il fonctionne à plein potentiel, son parc nucléaire permet à la France d’être indépendante en électricité ;
  • La production nucléaire est constante, contrairement aux énergies solaire et éolienne, ce qui permet une meilleure adaptation aux besoins de la population ;
  • La production d’énergie nucléaire n’émet pas de gaz à effet de serre. La France est donc moins incitée que ses voisins à développer d’autres sources d’énergie décarbonée.

Le retard de déploiement des énergies renouvelables sur le territoire est par ailleurs lié à une réglementation complexe et changeante, en particulier en ce qui concerne la filière éolienne. Pour être construits, certains sites nécessitent en effet une autorisation au dispositif des installations classées pour l’environnement (ICPE), une démarche unique en Europe. Certains blocages par les décisionnaires peuvent alors largement ralentir les processus. D’après le baromètre de l’institut Observ’ER, 10 GW de projets éoliens seraient actuellement bloqués alors qu’ils remplissent les conditions légales. En cause : des délais de délivrance des autorisations allongés par les préfets, en réponse aux contextes locaux ou aux différentes déclarations de l’exécutif.

L’inégale répartition des parcs éoliens sur le territoire est également en cause. La côte méditerranéenne ainsi que les côtes bretonnes et normandes le long de la Manche sont très largement pourvues en vent et détiennent la plus grande énergie éolienne terrestre potentielle. Pourtant, d’après un rapport du ministère de la transition écologique pour le second trimestre 2022, ces régions hébergent seulement 24% du parc éolien terrestre et sont responsables d’une production cumulée de seulement 3 900 MW environ, soit à peine plus de 10% de la production éolienne sur l’ensemble du territoire.

Loi d’accélération, démarches participatives ou éolien offshore, quelles solutions permettraient d’atteindre les objectifs fixés ?

Le projet de loi d’accélération de la production d’énergies renouvelables, sur lequel se sont accordés le Sénat et l’Assemblée nationale ce 24 janvier dernier, permettrait théoriquement un déploiement beaucoup plus rapide des nouveaux projets sur le territoire. Reste à savoir si cette loi, qui doit encore être votée par l’Assemblée et le Sénat, aura les retombées attendues. Le président de France territoire solaire, interrogé dans le cadre du baromètre Observ’ER, indique notamment que certaines mesures, telles que l’interdiction de tout projet solaire nécessitant une autorisation de défrichement, “font peser le risque d’un allongement des délais de développement”.

D’après un rapport rendu en mars 2022 par le Conseil économique, social et environnemental (Cese), la mise en place d’un système de démarches participatives pourrait également réduire les réticences liées à l’installation de nouvelles infrastructures. Cette proposition repose sur une coopération entre les différents niveaux de prise de décision, à travers :

  • Une planification nationale de la massification des énergies renouvelables, pour éviter un déploiement des infrastructures trop brutal et pour définir clairement l’intérêt collectif apporté par les projets ;
  • La mise en place de diagnostics locaux afin d’identifier les objectifs déclinés à l’échelle régionale et départementale pour mieux impliquer les collectivités locales dans leur réalisation.
  • Le déploiement d’un accompagnement socio-économique pour assurer un partage équitable des retombées et des efforts entre individus et pour compenser les déséquilibres entre les territoires.

Enfin, les nouveaux projets concernant l’éolien en mer permettront peut-être d’augmenter la part des énergies renouvelables dans le mix énergétique national. En novembre dernier le premier parc éolien offshore à Saint Nazaire était mis en service, comptant 80 éoliennes d’une capacité totale de 480 MWh, soit l’équivalent de la consommation annuelle de 700 000 personnes. Celui de Saint Brieuc devrait lui emboîter le pas en décembre prochain. Il comptera 62 éoliennes et devra quant à lui pouvoir générer 495 MWh. Si les objectifs ambitieux du Gouvernement sont atteints, soit 5 GW d’éolien en mer installés pour 2028, ils devraient permettre d’accélérer la croissances des énergies renouvelables de manière significative.

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