Applications gouvernementales de traçage COVID-19 : la France à la traîne en Europe
La vague d'automne de nouveaux cas de COVID se déploie à travers l'Europe. Parmi les nombreuses mesures visant à reprendre le contrôle de la situation, un rôle particulier est réservé aux applications de traçage. En France, l’application StopCovid ne rencontre pas le succès escompté par les pouvoirs publics : moins de 4% de la population a téléchargé l’application à ce jour. Qu’en est-il ailleurs en Europe ?
Applications de traçage : de quoi s’agit-il ?
Immuni en Italie, StopCovid en France, Radar COVID en Espagne, Corona-Warn-App en Allemagne... Les noms, les équipes en charge du développement, les dates de lancement et les taux de téléchargement diffèrent, mais les fonctionnalités sont essentiellement les mêmes : ce sont des applications permettant de tracer des contacts avec des personnes qui ont ensuite été testées positives au COVID-19. Des hommes et des femmes que l’on ne connaît pas, mais à côté de qui l’on s’est assis dans le train ou avec qui nous avons été en contact dans la file d'attente du supermarché.
Quelles similitudes entre toutes ces applications ?
Toutes les applications de recherche de contacts analysées sont déployées à l’échelle nationale, gratuites et développées ou promues par le gouvernement.
Elles s'appuient toutes sur la technologie Bluetooth pour retracer les contacts entre les téléphones portables, sans partager de données personnelles. Les appareils mobiles échangent des codes aléatoires spécifiques et gardent en mémoire des rencontres, alertant le détenteur du téléphone en cas de contact avec un utilisateur qui a ensuite été testé positif.
Les informations sur un cas positif doivent être renseignées manuellement par l'utilisateur lui-même, elles ne sont pas partagées automatiquement par une institution médicale ou gouvernementale.
Le contact doit avoir duré au moins 15 minutes et se produire à courte distance pour être considéré comme à risque.
Malgré ces caractéristiques communes, l’accueil de ces applications a été très différent d’un pays à l’autre en Europe.
Pays | Application | Téléchargements | Taux de téléchargement en % de la population | Date du lancement |
---|---|---|---|---|
Irlande | COVID Tracker | 1,8 million | 26% | 7 juillet |
Allemagne | Corona-Warn App | 18,4 millions | 22% | 16 juin |
Royaume-Uni | NHS COVID-19 | 12,5 millions | 19% | 24 septembre |
Portugal | StayAway Covid | 1,26 million | 12% | 1er septembre |
Italie | Immuni | 7 millions | 12% | 15 juin |
Autriche | Stopp Corona | 1 million | 11% | 25 mars |
Espagne | Radar COVID | 4,6 millions | 10% | 15 septembre |
Belgique | Coronalert | 0,65 million | 5,5% | 30 septembre |
France | StopCovid | 2,5 millions | 3,5% | 2 juin |
Royaume-Uni et Belgique : des applications très récentes au départ réussi
L'application NHS COVID-19, développée par le système de santé public britannique, est l'une des applications les plus récentes et les plus étonnantes de la liste. Son lancement, le 24 septembre, a fait beaucoup de bruit : dès le premier jour, elle a été téléchargée par 6 millions de personnes (9% de la population), et trois jours plus tard, ce nombre a atteint 12,5 millions de personnes, soit près de 19% de la population. Classée 4,8 sur 5 sur l'Apple Store et disponible en 10 langues, elle a plus de fonctionnalités que d'autres applications.
Outre le traçage des contacts directs, elle permet également de connaître le risque actuel dans sa région, de suivre un lieu visité qui signale plus tard une épidémie éventuelle lors de la visite, de vérifier les symptômes, de réserver un test gratuit si nécessaire, d'obtenir les résultats de son test et de voir combien de jours il reste à effectuer en cas d’auto-isolement. Il faut renseigner le code postal lors de l’inscription, mais à part cela, l'application ne collecte pas de données personnelles.
L’application belge Coronalert est encore plus récente. Lancée le 30 septembre et inspirée de l'application allemande Corona-Warn, elle a également été beaucoup téléchargée : plus de 5% de Belges l'ont installée en seulement quelques jours.
Allemagne et Irlande : les applications les plus téléchargées
En Allemagne, Corona-Warn-App, développée par l'institut gouvernemental Robert Koch et lancée à la mi-juin, a été téléchargée par près de 22% de la population, ce qui est l'un des taux les plus élevés parmi les applications examinées. L’application bénéficie d'une note de 4,4 sur 5 basée sur près de 50 000 avis. Après un pic de téléchargements au moment du lancement, le mouvement a ensuite ralenti.
En Irlande, l’application COVID Tracker, lancée pendant l'été et notée 4,3 sur 5, permet de partager volontairement beaucoup de données personnelles, comme le sexe, l'âge, la ville et même un numéro de mobile et une adresse IP. C'est au choix de l’utilisateur, mais cela implique un plus grand partage de données personnelles par rapport à la plupart des autres applications. Malgré cette fonctionnalité, l'application, disponible en 7 langues dont l'anglais, a déjà été téléchargée par 26% de la population.
Espagne et Portugal : rattrapage rapide
La version bêta du COVID RADAR espagnol a été disponible dès le 29 juin, mais le lancement à l'échelle nationale a eu lieu il y a quelques semaines, le 15 septembre. Sur ce court laps de temps, l'application a été téléchargée par près de 10% de la population, presque autant qu'en Italie, où l'application a été mise à disposition 3 mois plus tôt. Malgré une appréciation très tempérée des utilisateurs - l'application a un score moyen entre 3,2 et 3,6 sur 5, le plus bas de la liste - à partir de fin septembre, l'application est incluse dans les systèmes opérationnels Apple et Android par défaut et n'a donc plus besoin d'être téléchargée.
L’application portugaise StayAway Covid, classée 4.2 sur App Store et 3.7 sur Google Play, est également nouvelle : elle a été lancée il y a un peu plus d’un mois, le 1er septembre. Cependant, à l'instar de l'Espagne, l'application a déjà été téléchargée par près de 12% de la population (1,26 million de personnes), plus d'une centaine de personnes infectées par le Covid-19 ont déjà signalé leur état de santé à l'application.
Italie: le gouvernement appelle à télécharger
En Italie, le Premier ministre a lancé un appel national aux médias, demandant de promouvoir l'application Immuni : sur le premier week-end d'octobre, l’application a été téléchargée 350 000 fois. Selon le Premier ministre, c'est une «obligation morale» de la télécharger. L’application a été téléchargée par près de 13% de la population, soit près de 18% des Italiens ayant entre 14 et 75 ans et possédant un téléphone portable - encore loin de l'objectif de 60%, qui, selon les autorités nationales, est nécessaire à son fonctionnement efficace.
Autriche : 6 mois après le lancement, toujours à 11% de téléchargements
Développée par la Croix-Rouge autrichienne et Accenture, l'application Stopp Corona a été lancée dès le 25 mars 2020. Fonctionnant grâce à la combinaison de 2 clés, l’application empêche tout transfert ou reconnaissance de données personnelles. Plus de 6 mois depuis son lancement, elle a été téléchargée environ 1 million de fois, ce qui représente 11% de l'ensemble de la population autrichienne, soit 14% de tous les utilisateurs de smartphones autrichiens.
France : beaucoup de scepticisme, très peu de téléchargements
La France, bien qu'étant l'un des premiers pays à rendre l'application StopCovid disponible au téléchargement début juin, affiche toujours le taux de téléchargement le plus bas parmi les pays étudiés : à peu près 3,5%. Le Premier ministre français, Jean Castex, a déclaré à la presse qu'il n'avait pas téléchargé l’application. La méfiance générale à l'égard de l'application s'explique principalement par la peur d'une fuite potentielle de données personnelles.