ADSL : Vers une hausse des prix et une qualité en baisse ? La décision de l’Arcep qui inquiète
L’avenir du réseau cuivre, en déclin avec l’essor de la fibre, continue d’être un sujet de débat. L’Arcep (le régulateur du marché des Télécom en France) vient de trancher : le tarif du dégroupage ADSL restera bloqué à 9,20 € jusqu’en 2028. Une décision qui fait grincer des dents Orange, et qui divise les autres opérateurs nationaux. Entre coûts de maintenance en hausse, qualité de service en baisse et incertitudes sur l’avenir du réseau cuivre, faut-il s’attendre à une augmentation des prix des offres ADSL ? Et surtout, les abonnés ADSL qui restent risquent-ils de voir leur connexion se dégrader progressivement ? Décryptage d’un choix stratégique qui pourrait bien accélérer la fin de l’ADSL en France.
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L'Arcep fixe un plafond tarifaire du dégroupage : que disent les opérateurs nationaux ?
L’Arcep vient de transmettre à la Commission Européenne son projet de décision visant à encadrer les tarifs d’accès à la boucle locale cuivre d’Orange aux opérateurs concurrents entre 2026 et 2028. Le régulateur prévoit de maintenir le tarif actuel à 9,20 € par mois, une mesure qui ne fait pas l’unanimité.
🟠 Orange exprime son mécontentement, jugeant ce montant insuffisant face aux coûts croissants de maintenance du réseau cuivre (vols de câbles, dégradations, exigences de qualité). L’opérateur estime que cette décision sous-évalue le coût réel du réseau et impacte sa rentabilité.
🔴 SFR affiche une position mitigée, soulignant que le maintien du tarif pourrait freiner la transition vers la fibre et que des garanties sur la qualité de service doivent être imposées à Orange.
🔵 Iliad (Free) et Bouygues soutiennent le gel du tarif, mais dénoncent un coût total du dégroupage en France supérieur à la moyenne européenne (+40 %).
Le dégroupage permet aux opérateurs (SFR, Bouygues et Free notamment) d’utiliser le réseau cuivre d’Orange (hérité de France Télécom) pour proposer des offres ADSL à leurs clients. Concrètement, ces opérateurs louent l’accès aux lignes téléphoniques d’Orange moyennant un tarif fixé par l’Arcep. Il existe deux types de dégroupage :
- Dégroupage total : l’opérateur alternatif prend en charge entièrement la ligne, sans passer par Orange, ce qui fait que l'abonné n'a pas à avoir d'abonnement téléphonique fixe chez Orange en parallèle.
- Dégroupage partiel : l’abonné conserve son abonnement téléphonique fixe chez Orange mais sa connexion internet passe par un autre opérateur.
Ce mécanisme, instauré pour ouvrir le marché à la concurrence, est aujourd’hui de moins en moins stratégique avec le déploiement massif de la fibre optique en France. Néanmoins, les décisions sur le prix du dégroupage peuvent encore être un enjeu sur le marché des Télécom, et avoir un impact pour les abonnés.
Pourquoi Orange est-il mécontent de la décision de l'Arcep ?

Orange estime que le tarif du dégroupage fixé par l’Arcep est trop bas, et ce, pour deux raisons :
- Coûts croissants de maintenance :
Le réseau cuivre d’Orange vieillit et nécessite de plus en plus d’entretien. L’opérateur met en avant :- Dégradation naturelle des infrastructures (corrosion, usure des équipements)
- Vols de câbles, un phénomène coûteux qui oblige à des remplacements fréquents.
- Exigences réglementaires de qualité de service, qui nécessitent des investissements pour garantir une connexion stable.
- Rentabilité insuffisante :
Orange considère que le tarif de 9,20 € ne couvre pas suffisamment ses dépenses et ne permet pas une rémunération adéquate des capitaux investis. L’opérateur met en avant que ce prix est inférieur à certaines références européennes, alors que les coûts de maintenance restent élevés.
En effet, Orange finance seul l’entretien du réseau cuivre, puisqu'il l'a hérité de France Télécom, alors que tous les opérateurs peuvent l’exploiter via le principe du dégroupage. L'opérateur historique considère donc que l’Arcep sous-évalue les coûts réels du réseau cuivre et que le plafonnement du tarif risque d’impacter sa rentabilité et la qualité de service sur l’ADSL. Et ce n'est pas récent. On avait déjà vu, les années précédentes, Orange se cabrer face aux décisions de l'Arcep concernant le tarif du dégroupage, et répéter que l'entretien du réseau cuivre vieillissant nécessitait un budget important, quand ses concurrents soutenaient que l'opérateur historique laissait le réseau ADSL partir à vau-l'eau. On constate que les différents acteurs du marché campent toujours sur ces mêmes positions aujourd'hui.
Cette décision peut-elle avoir un impact sur les prix de l'ADSL en France ? Et sur la fin accélérée de cette technologie ?
Le maintien du tarif de dégroupage à 9,20€ devrait éviter une flambée immédiate des prix des abonnements ADSL. Cependant, Orange, qui considère ce montant trop bas, pourrait chercher d'autres moyens de compenser ses coûts, par exemple en augmentant ses propres tarifs ou en réduisant les investissements dans l’entretien du réseau. Cela pourrait impacter la qualité de service pour les abonnés restants sur le cuivre, rendant la migration vers la fibre encore plus incontournable. Depuis plusieurs années déjà, Orange considère qu'une hausse des prix de l'ADSL présenterait un atout majeur : accélérer le passage à la fibre et voir les derniers abonnés ADSL passer enfin sur le réseau fibre optique. Les autres opérateurs sont d'un autre avis : pour que l'ADSL disparaisse, il faut qu'il cesse d'être rentable - et pour cesser d'être rentable, il faut baisser le "loyer" qu'Orange fait payer pour le dégroupage. D'où, logiquement, les avis divergents sur la décision prise par l'Arcep.
Qu'en est-il des autres opérateurs nationaux qui utilisent le réseau cuivre d'Orange ? Il est peu probable que SFR, Bouygues et Free augmentent leurs prix ADSL, mais ce n’est pas non plus impossible. Dans l’immédiat, il n’y a pas de raison pour une "flambée" des prix, mais à mesure que la fibre devient la norme, les offres ADSL pourraient devenir soit plus chères, soit moins avantageuses (moins de services, débits réduits, fin des promotions). À terme, les opérateurs chercheront surtout à faire migrer les derniers abonnés vers la fibre plutôt que de maintenir des offres ADSL dans leur catalogue.
Au final, la décision de l'Arcep maintient un certain statu quo, d'autant que le calendrier de la fermeture programmée de l'ADSL sur le territoire national est à présent enclenchée. Et il y a fort à parier que ce sont les offres fibre qui feront l'objet de promotions toujours plus féroces pour inciter les consommateurs.