À peine démarré (et avec 12 ans de retard), EDF doit déjà stopper l'EPR de Flamanville pour 1 an

À peine démarré (et avec 12 ans de retard), EDF doit déjà stopper l'EPR de Flamanville pour 1 an

Publié le
min de lecture
Sauf indication contraire, tous les prix présentés sur cette page sont TTC.

À peine ses premiers électrons injectés dans le réseau, et déjà la perspective d'un long sommeil. L'EPR de Flamanville, dont le démarrage fin 2024 devait marquer la fin d'une interminable saga industrielle, s'apprête à subir un nouveau contretemps : un arrêt complet de près d'un an. Annoncée par EDF, cette pause permettra la mise en place d'un chantier pharaonique destiné à corriger l'un des "péchés originels" du réacteur. Un rebondissement de plus dans l'histoire mouvementée du nouveau fleuron du nucléaire français.

Un chantier pharaonique programmé pour 2026

La nouvelle a été officialisée par EDF ce 12 novembre 2025 : le réacteur EPR de Flamanville sera mis à l'arrêt le 26 septembre 2026 pour une durée prévisionnelle de 350 jours. Une mise en sommeil de près d'un an, alors même que le réacteur n'aura fonctionné à plein régime que pendant quelques mois. 

Selon Les Echos, cette intervention, baptisée "première visite complète", est un passage obligé réglementaire qui doit intervenir au plus tard 30 mois après le chargement du combustible nucléaire.

Loin d'être une simple formalité, cet arrêt est un chantier d'une ampleur inédite. Il mobilisera près de 2500 personnes et 200 entreprises partenaires pour réaliser quelque 20.000 opérations de contrôle et de maintenance. L'équivalent d'une "visite décennale" classique, ces grands check-up que subissent tous les réacteurs, mais avec des travaux supplémentaires d'une importance capitale.

Pendant cet arrêt, l'ensemble du combustible nucléaire sera d'ailleurs retiré et remplacé, bien qu'il soit encore loin d'être entièrement "consommé". Une illustration de plus de la complexité et du caractère exceptionnel de cette première grande maintenance.

Plus qu'un contrôle : la correction d'un défaut originel

Si cet arrêt est si long et si complexe, c'est qu'il ne s'agit pas seulement de vérifier que tout fonctionne. Il s'agit surtout de corriger l'un des défauts les plus emblématiques qui ont miné le chantier depuis des années : le couvercle de la cuve du réacteur. L'Autorité de Sûreté Nuclaire (ASN) avait détecté des anomalies dans la composition de son acier dès 2015, mais avait autorisé son utilisation provisoire jusqu'à ce premier arrêt, à la condition expresse qu'il soit remplacé.

EDF prévoyait à l'origine un arrêt de 250 jours au printemps 2026. Le calendrier a finalement glissé de plusieurs mois et s'est allongé de 100 jours, notamment à cause des retards accumulés lors de la phase de montée en puissance du réacteur.

Une saga de 18 ans : retour sur un chantier maudit

Cet arrêt programmé n'est que le dernier rebondissement d'un feuilleton industriel qui dure depuis près de deux décennies. Lancé en 2007 pour une mise en service prévue en 2012, le chantier de l'EPR de Flamanville est devenu le symbole des difficultés de la filière nucléaire française

Il aura finalement fallu attendre 12 années de plus pour que le réacteur soit enfin raccordé au réseau, le 21 décembre 2024. Problèmes de soudures, défauts de matériaux, erreurs humaines... Retour sur une chronologie de contretemps et de surcoûts.

Un démarrage chaotique (2007-2011) : les premières fissures

Dès les premiers coups de pioche, le chantier prend du retard. Des malfaçons sont rapidement détectées sur les fondations mêmes du réacteur, obligeant l'Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN) à intervenir et à suspendre les travaux. Le ton est donné : le chemin sera long et semé d'embûches.

  • Décembre 2007 : Début officiel du chantier avec le coulage du premier béton.
  • Mai 2008 : Suspension des travaux après la détection de fissures et de défauts sur les armatures en acier du radier (la dalle de béton qui sert de fondation).
  • 2011 : L'accident de Fukushima impose un renforcement drastique des exigences de sûreté pour tous les projets nucléaires, ajoutant de nouveaux retards et surcoûts.

Le cœur du problème : cuve et soudures (2014-2019)

Alors que le chantier avance péniblement, deux bombes à retardement techniques sont découvertes. D'abord sur la cuve, la pièce la plus critique du réacteur, puis sur des soudures essentielles à la sécurité. Ces "péchés originels" vont hanter le projet pendant des années et nécessiter des réparations d'une complexité inouïe.

  • Avril 2015 : L'ASN révèle une anomalie majeure dans la composition de l'acier du couvercle et du fond de la cuve, remettant en cause sa résistance.
  • Février 2018 : Détection de défauts critiques sur 8 soudures du circuit de vapeur, situées dans des zones difficiles d'accès et qui devaient être parfaites du premier coup.
  • Juin 2019 : L'ASN exige la réparation de ces soudures, une opération quasi-chirurgicale qui va prendre des années et provoquer un nouveau report majeur du calendrier.

La dernière ligne droite, semée d'embûches (2020-2025)

Même avec la fin en vue, le projet continue d'accumuler les problèmes. La crise du Covid, des vérifications liées à des problèmes de corrosion sur d'autres réacteurs, et des aléas techniques de dernière minute retardent encore le démarrage. La facture, elle, continue de grimper, pour atteindre plus de 23 milliards d'euros selon la Cour des comptes.

  • Mai 2024 : Après des années d'attente, l'ASN donne enfin son feu vert pour le chargement du combustible nucléaire.
  • 21 décembre 2024 : L'EPR est enfin raccordé au réseau électrique, une étape historique mais qui ne marque que le début d'une longue phase d'essais.
  • Juin - Octobre 2025 : La montée en puissance est interrompue pendant quatre mois à cause de fuites sur des soupapes, retardant encore l'atteinte du plein régime.

Le mystère de la puissance finale

Alors même que son premier grand arrêt se profile, une inconnue de taille demeure : quelle sera la puissance maximale réelle de l'EPR ? Annoncé initialement à 1650 MW, le chiffre a été revu plusieurs fois à la baisse, jusqu'à 1585 MW dans les documents les plus récents. Ce mercredi 12 novembre, le réacteur a franchi un nouveau palier en atteignant 80 % de sa puissance, injectant 1182 MW sur le réseau.

Selon EDF, cette variation ne serait pas due à un problème technique, mais à un facteur naturel : la température de la Manche. La puissance d'un réacteur nucléaire dépend en effet de l'efficacité de son système de refroidissement, la "source froide". Plus l'eau de mer est froide, meilleur est le rendement. 

La puissance maximale de l'EPR sera donc légèrement plus élevée en hiver, quand la demande est forte, qu'en été. "La puissance absolue n'existe pas", a résumé un porte-parole d'EDF. La véritable capacité du géant normand ne sera donc connue qu'une fois les tests finaux achevés, dans une fourchette qui reste encore à préciser.

Avez-vous trouvé cet article utile ? 86% des 7 votes trouvent l'information utile.

L'INFO QUI FAIT BAISSER VOTRE FACTURE

  • Alertes Baisse des Prix en temps réel
  • Nouvelles Aides de l'État décryptées pour vous
  • Bons Plans Exclusifs de nos experts

Rejoignez des milliers de Français et recevez gratuitement l'essentiel de l'actu énergie sur votre canal préféré.

Partagez cet article !