Énergie osmotique : les estuaires et les deltas sont-ils l’avenir de l’électricité renouvelable ?

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Les études menées depuis des années sur l’énergie osmotique, une énergie renouvelable fonctionnant à partir de la différence de salinité entre eau de mer et eau douce, sont prometteuses. Une startup bretonne vient d’ailleurs de donner un nouveau souffle à ce procédé qui pourrait bien redéfinir l’avenir de l’électricité renouvelable en France.

L’énergie osmotique : une source d’électricité née de la rencontre entre eau douce et eau salée

La France espère parvenir à une décarbonation complète de son énergie en 2050. Pour ce faire, le pays compte miser sur les énergies renouvelables pour obtenir une indépendance énergétique. La recherche est fortement encouragée afin de développer des modèles de production d’énergie renouvelable variés, dont la combinaison permettra de pallier les imperfections de chaque filière, notamment l’intermittence de l'énergie éolienne et solaire.

L’énergie osmotique, également appelée énergie bleue, est l’une de ces solutions. Cette énergie est capable de produire de l’électricité à partir de la rencontre entre eau douce et eau salée. La différence de salinité entre ces eaux génère une réaction chimique, qui une fois captée par les équipements adéquats permet de produire de l’électricité. Le principal avantage de l’énergie osmotique est qu’on trouve le mélange eau douce / eau salée dans les deltas et les embouchures de fleuves du monde entier. Un simple estuaire permet donc de fournir de l’électricité “bleue”.

Ainsi, le CNRS estime qu’à l’échelle mondiale, “les deltas des grands fleuves peuvent théoriquement fournir jusqu’à 17000 TWh par an, soit presque autant que 2 000 réacteurs nucléaires. L’énergie osmotique est renouvelable mais à la différence de l’éolien et du solaire elle repose sur un flux constant ce qui lui permet d’être produite en continu et de s’adapter aux besoins du réseau électrique.

Ce procédé n’est pas nouveau, il a été découvert dans les années 1950. L’énergie osmotique - dont le nom provient de la réaction chimique entre les deux eaux, appelée osmose - utilise des nano-membranes semi-perméables pour séparer les eaux douces des eaux de mer. Ces membranes permettent aux ions des eaux douces et salées de se mélanger pour générer un courant ionique, qui pressurise l’eau salée. Cette eau sous pression permet ensuite d’actionner une turbine qui génère de l’électricité.

À ce jour, la seule station d’énergie osmotique en Europe a été testée par l’entreprise norvégienne Statkraft dans le fjord d’Oslo, en Norvège, de 2009 à 2013. Une nouvelle station test devrait toutefois voir le jour fin 2023 dans le delta du Rhône : c’est le projet de l’entreprise rennaise Sweetch Energy.

Une startup bretonne aurait trouvé le moyen de produire de l’énergie osmotique à grande échelle

Bien que le procédé soit maîtrisé depuis de nombreuses années, il a toujours été compliqué d’industrialiser l’énergie osmotique. Son rendement n’était jusqu’alors pas assez intéressant pour couvrir les coûts importants de cette technologie, notamment ceux du nettoyage des membranes semi-perméables.

Les choses pourraient bien changer, grâce aux recherches d’une entreprise rennaise qui devraient donner une nouvelle impulsion à l’exploitation de l’énergie osmotique. Sweetch Energy, fondée en 2015, est en effet parvenue à développer un nouveau type de membrane, moins chères et plus efficaces.

Nicolas Heuzé, cofondateur et directeur général de Sweetch Energy, s’exprime régulièrement dans la presse pour vulgariser l’énergie osmotique et la technologie développée au sein de son entreprise. Dans une interview accordée au journal La Tribune, il explique s'être inspiré d'une découverte du professeur Lyderic Bocquet, chercheur au CNRS sur la nanofluidique. La technologie INOD repose ainsi sur des membranes empilées et compressées. Ces membranes seraient “vingt fois plus efficaces” et “cinq à dix fois moins chères que les précédentes avec un coût final du KWh au niveau des autres types d'énergie”, d'après le directeur.

La première centrale d’énergie osmotique française installée dans le delta du Rhône

Afin de tester cette nouvelle technologie en conditions réelles, Sweetch Enery s’est associée à la Compagnie nationale du Rhône (CNR) et à EDF dans le but de développer un site pilote à l’embouchure du Rhône. Cette centrale osmotique de “plusieurs dizaines de kilowatts” d’après la CNR se trouvera au niveau de l’écluse du Barcarin près de Fos-sur-Mer, là où le Rhône et la mer Méditerranée se rencontrent. Elle pourra, dès 2024, produire de l’électricité 100% propre et renouvelable.

Ce projet est plein d’ambition puisque la CNR et Sweetch Energy prévoient de produire plus de 4 millions de MWh d’ici 2030. La centrale à l’embouchure du Rhône n’est que la première étape du développement massif de l’énergie osmotique en France. Sweetch Energy espère lancer d’autres sites sur l’ensemble du territoire français, y compris en Outre-mer. La startup rennaise travaille déjà de pair avec la Région Bretagne dans le but d’y installer une centrale osmotique d’ici 2026.

L’entreprise a par ailleurs déjà reçu de nombreux appuis financiers. En 2022, l’Union Européenne lui a attribué une subvention de 2,5 millions d’euros pour développer sa technologie. Pour aider à mettre en place le site pilote du delta du Rhône, la CNR a également investi 1,5 millions d’euros au sein de la startup. L’entreprise prévoit également une levée de fonds d’ici la fin de l’année afin de soutenir le déploiement de ses nouveaux projets.