Pourquoi les centrales nucléaires françaises sont-elles en train de rouiller ?

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Corrosion dans les centrales nucléaires françaises

Après avoir été le leader mondial du nucléaire civil, la France voit aujourd'hui ces centrales nucléaires rouiller littéralement. Que se passe-t-il en réalité ? Est-ce un phénomène nouveau et inédit comme l'affirme EDF ? Selectra fait le point

Qu'est-ce que la corrosion sous contrainte qui touche les centrales nucléaires françaises ?

Exemple de fissure observé dans un réacteur nucléaire
Exemple de micro-fissure observée

L'industrie nucléaire française utilise de l'acier inoxydable pour ses circuits de refroidissement. Si la corrosion se produit, c'est principalement à cause de deux contraintes qui viennent altérer la composition chimique de l'acier : la température et la pollution des fluides qui transitent par les circuits. Toutefois, dans les circuits primaires d'un réacteur nucléaire, la chimie fluides est particulièrement surveillée. La piste envisagée est donc la contrainte en lien avec la température et plus particulièrement lors de la fabrication et installation : lors du soudage de ces circuits de refroidissement.

Ainsi, plus la température atteinte lors du soudage est élevée et plus le risque de voir apparaitre de la rouille et des fissurations peut rapidement se propager. Des dispositions avaient été prises justement pour baisser l'intensité du courant lors du soudage. Toutefois, des mauvaises pratiques sont pointées du doigt par l'ASN, l'Agence de sûreté nucléaire :

Les contrôles de l’ASN [avaient] mis en évidence un manque de maîtrise des opérations de soudage réalisées sur les tuyauteries VVP [circuit de vapeur principale] et une défaillance de la surveillance d’EDF sur ses prestataires

Un phénomène indétectable pendant des années

Selon l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (ISRN), le phénomène de corrosion sous contrainte ne peut être détecté qu'une fois la première fissure apparue et cela peut prendre jusqu'à une dizaine d'années ! Ensuite, la vitesse de propagation de ces fissures peut aller jusqu'à un millimètre par an. 

Afin de pouvoir détecter ces corrosions, des moyens non destructifs tels que les ultrasons et les radiographies sont utilisées. 

La corrosion : un problème qui date des années 90

Ces problèmes de corrosion sous contrainte ne sont pas nouveaux et avaient été détectés il y a presque trente ans à la suite de problèmes techniques survenus sur le réacteur numéro 4 de Buguey, à proximité de Lyon. Dans son rapport de sûreté, l'ASN pointe le doigt sur ces problèmes :

À la suite de la mise en évidence au début des années 1990 du phénomène de corrosion sous contrainte affectant les équipements sous pression fabriqués en alliage de type Inconel 600 non-traité thermiquement, les générateurs de vapeur du réacteur n°4 de la centrale nucléaire du Bugey ont été remplacés en 2007. Ils sont désormais équipés de tubes en alliage de type Inconel 690 moins sensible aux phénomènes de corrosion sous contrainte.

Par la suite, d'autres rapports ont signalé ce problème de corrosion sous contrainte dans quelques réacteurs nucléaires français. C'est le cas de l'ASN en 2017 qui signale "un état dégradé des tuyauteries, présentant des épaisseurs ne permettant pas de respecter les exigences minimales pour garantir leur résistance au séisme. Ces dégradations sont la conséquence de la corrosion qui s'est développée en l'absence d'une maintenance préventive adaptée." Toujours selon l'ASN, ce problème touchait déjà 29 réacteurs en France, soit la moitié du parc nucléaire.

Un retour à la normale prévu pour quand ?

Nous avons une capacité de production théorique nucléaire de 63 GW, si tous les réacteurs étaient disponibles. Or, nous avons 30 réacteurs disponibles, 8 partiellement indisponibles et 28 à l'arrêt. Aujourd'hui, 18 octobre 2022, , notre production nucléaire atteint à peine les 27,9 GW, soit 46% de sa capacité (source), ce qui est nettement moins élevé qu'en 2020 lors des confinements (42 GW). 

Nous sommes donc en retard sur le calendrier fixé par EDF qui prévoyait une production de 50 GW au cœur de l'hiver. Le Président Emmanuel Macron s'est d'ailleurs fixé comme objectif d'avoir 45 réacteurs qui fonctionnent en janvier 2023. 

Calendrier redémarrage des réacteurs nucléaires français

Toutefois, le mouvement de grève entamé chez EDF risque de repousser de quelques jours, voire de quelques semaines, le redémarrage de plusieurs réacteurs comme Tricastin 3 (Drôme), Cruas 2 et 3 (Ardèche), Cattenom 1 (Moselle) et Saint-Alban 2 (Isère).

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