Tension entre Orange et l'ARCEP : un pouvoir de sanction en cause

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L'ARCEP montre les dents suite à la décision d'Orange de saisir le Conseil d'État. En effet, suite à plusieurs mises en demeure reçues par l'ARCEP en 2018, Orange dispute le pouvoir de sanction de celui-ci en invoquant une question prioritaire de constitutionnalité. L'ARCEP ne s'en laisse pas compter et prévient l'opérateur que celui-ci pourrait subir le même sort que BT au Royaume-Uni... Explications.

Orange attaque l'ARCEP sur le principe de séparation des pouvoirs et d'impartialité

Pour bien comprendre ce qui est en train de se jouer entre l'ARCEP (l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes) et Orange, il convient d'abord de revenir sur le rôle de l'ARCEP. Celui qu'on appelle souvent le gendarme des télécoms est une autorité administrative indépendante qui se définit dans son manifeste comme un "arbitre expert et neutre au statut d’autorité administrative indépendante, [qui] est l’architecte et le gardien des réseaux d’échanges en France."

En tant qu'arbitre, l'ARCEP est aussi dotée d'un pouvoir de sanction qu'elle n'hésite pas à utiliser lorsqu'elle estime que les opérateurs ne respectent pas leurs engagements. Ces sanctions financières peuvent s'avérer très salées puisque l'ARCEP peut émettre des amendes à hauteur de 5% du chiffre d'affaires de l'entreprise en France, ce qui pour Orange représenterait environ 1 milliard d'euros.

Le Conseil d'État
Le Conseil d'État

C'est d'ailleurs dans ce cadre que les mises en demeure ont été envoyées à Orange concernant principalement la dégradation de la qualité et des services du réseau cuivre de l'opérateur dont dépendent aussi ses concurrents. Orange a d'ailleurs été désigné par un arrêté du ministre de l'Economie en novembre 2017 comme garant du service universel jusqu'en 2020. Cela signifie qu'Orange doit garantir un accès pour tous les citoyens de France à un service de téléphonie abordable et de qualité. La mise en demeure principale du 23 octobre 2018 constate les failles de nombreux services de l'opérateur notamment concernant les délais de raccordement des lignes téléphoniques ou leurs réparations.

Orange estime quant à lui que les cartons rouges reçus sous forme de mises en demeure par l'ARCEP ne respectent pas le principe de séparation des pouvoirs et d'impartialité tels qu'il est garanti par la Constitution française. L'opérateur a ainsi saisi le Conseil d'État en attaquant la position de l'ARCEP, dénoncé à la fois comme juge et partie, l'organisme étant à la fois chargé de définir les règles, de contrôler leur bonne application et finalement de sanctionner le non-respect des engagements le cas échéant.

Des mises en demeure successives à l'encontre de OrangeOrange est dans le collimateur de l'ARCEP depuis un moment puisque deux autres mises en demeure ont aussi été émises contre Orange en décembre 2018. L'une concernant le déploiement de la fibre pas assez rapide et l'autre concernant les offres de l'opérateur aux entreprises.

Cette saisie du Conseil d'État n'est pas anodine, puisqu'il y a déjà eu un précédent en 2013 dans le conflit entre l'opérateur Numericable et l'ARCEP qui avait finalement donné raison à l'opérateur et privé l'ARCEP de ses pouvoirs de sanction.

L'ARCEP contre-attaque et dénonce un défi à l'encontre de la régulation pragmatique à la française

L'ARCEP prend très au sérieux l'attaque d'Orange au travers de sa saisie du Conseil d'État et considère que c'est une dénigrement direct d'une certaine forme de régulation à la française. Le 9 septembre dernier, l'ARCEP s'est d'ailleurs fendue d'un édito rappelant le rôle de l'ARCEP, son importance dans la régulation du marché des télécoms et l'importance de son pouvoir de sanction pour que le système fonctionne :

La procédure de sanction de l'Arcep, dont on rappellera qu'elle n'a conduit au prononcé de sanctions effectives que de manière exceptionnelle, est à cet égard décisive. Non pas pour elle-même, mais pour créer cette confiance et cette dynamique collective. Le meilleur exemple en sont les engagements que peuvent prendre les opérateurs, sur des enjeux concurrentiels ou de couverture du territoire. Sans contrôle ni sanction, ces engagements ne seraient que de papier.

L'édito ne s'arrête d'ailleurs pas là et revient sur la décision du Conseil constitutionnel qui avait tranché en faveur de Numericable contre l'ARCEP. L'autorité des télécoms précise alors que le texte de loi a été revu depuis et que "l'on peut être confiant sur la solidité juridique du texte actuel." À bon entendeur.

Les propos de Sébastien Soriano, le président de l'ARCEP, confirment que l'ARCEP ne se laisse pas impressionner. Il déclare ainsi dans un entretien avec la Tribune, "Je ne suis pas certain qu'Orange a mesuré toutes les conséquences." De quelles conséquences parle-t-il alors ?

Comme l'explique La Tribune, il semblerait que Sébastien Soriano fasse ainsi référence à la décision du Gouvernement britannique de scinder l'opérateur BT en deux afin qu'il serve équitablement tous les opérateurs du pays. Cet avertissement, à peine voilé à l'encontre de Orange, n'en est pas un apparemment puisque Soriano conclut, "ce n'est pas une menace, c'est factuel. "

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