L'analyse de Selectra sur la PAC hybride

Pompe à chaleur hybride : transition ou greenwashing ?

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Je n’arrête pas de voir sur internet des publicités de GRDF pour des pompes à chaleur hybrides. Alors en bon geek de l’énergie, je m’interroge : pourquoi une société qui est en monopole fait-elle de la pub ? La pompe à chaleur (PAC) hybride peut-elle avoir un impact positif sur l’environnement ? J’ai enquêté pour obtenir la réponse.

Publicité de GRDF pour la PAC hybride gaz sur Google Ads

Pompe à chaleur hybride : comment ça marche ?

En bref, la pompe à chaleur hybride, c’est l’association d’une pompe à chaleur électrique de faible puissance, pour les jours où la température extérieure est douce, et d’une chaudière à condensation au gaz.

Si on schématise un prix du kWh de l’électricité à 20 centimes d’euro et un prix du kWh de gaz à 10 centimes d’euro, que le rendement de la chaudière à condensation au gaz de 0.9, alors le gaz ne sera rentable que lorsque le rendement (COP) de la PAC descendra aux alentours de 1,8, c’est-à-dire aux alentours de -2°C.

Le gaz sert donc très peu dans ce schéma, et un internaute témoigne, par exemple, sur le groupe Tempo EDF : 

Témoignage d'un internaute satisfait de sa PAC hybride

On est dans un cas typique d’effacement. Le gaz est utilisé uniquement en soutien lors des pics de froid, ce qui a un effet positif sur le réseau électrique, qui s’en trouve soulagé. Un client équipé d’une PAC hybride pourra bénéficier de tarifs préférentiels sur l’électricité, par exemple Tempo, qui propose une réduction moyenne de 30% par rapport au tarif réglementé.

Les frais fixes…

Eh oui, vous vous en doutiez, c’était trop beau pour être vrai. Les frais fixes associés au gaz déséquilibrent l’équation

  • un abonnement annuel que vous consommiez ou non : 115€ en dessous de 6000 kWh par an, 280€ au-dessus
  • un entretien de la chaudière par an : 150€

Soit entre 260 et 430€ de frais fixes annuels, pour 22 jours “rouges” dans les options à effacement, pendant lesquelles l’électricité est hors de prix.

Pour en avoir le cœur net, nous avons refait les calculs. Nous considérons que la PAC hybride gaz fonctionnera sur le gaz 22 jours par an, 16 heures par jour, ce qui correspond aux heures pleines “Tempo rouge” : 

 PAC électriquePAC hybride gaz
Consommation annuelle par foyer (kWh thermiques)21122112
Coût de l'installation (PAC)25005000
Prix du kWh0,20,1
Coefficient de conversion du kWh en chaleur21
Entretien annuel100200
Surcoût sur l'abonnement70115
Coûts fixes annuels (dont 10% du coût d’installation)420815
Coût variables annuels211211

La consommation est le produit d'une puissance de 6 kW par 16 heures par 22 jours

Sous réserve de la validité de nos hypothèses, la PAC hybride gaz n’est même pas moins chère à l’usage, mais le surcoût lié à son entretien et à son installation la rendent peu compétitive.

Témoignage d'une internaute sur sa préférence pour la PAC pure par rapport à la PAC hybride

Dernier point à considérer : dans une PAC hybride, l'eau chaude sanitaire est produite par le gaz. Cela signifie qu'une telle installation brûlera du gaz (une ressource fossile, importée, vous connaissez la chanson), en saison basse, alors même qu'il s'agit d'un usage décalable par excellence, et donc utile sur le réseau électrique.

Est-ce qu’une centrale au gaz n’aurait pas les mêmes bénéfices pour moins cher ?

On a besoin du gaz pour passer les pics de consommation d’électricité en hiver. Mais, vaut-il mieux construire une centrale cycle combiné gaz qui alimenterait en électricité des PAC électriques, ou implanter des PAC hybrides dans des centaines de milliers de foyers.

Les calculs financiers pencheraient probablement en faveur d’une centralisation de la production d’électricité et une fermeture progressive du réseau de distribution de gaz naturel.

La réduction du réseau de gaz est un couperet terrible pour la filière gaz dans son ensemble, et en particulier pour GRDF dont les coûts sont largement fixes et dont le budget (via l'ATRD) est serré par la Commission de Régulation de l'Energie année après année. Jusqu’ici, le gouvernement n’a pas encore demandé formellement à GRDF de préparer la fermeture d’une partie du réseau.

Quel avenir pour le prix du gaz ?

Si on sait que l’évolution de l’offre et de la demande va pousser le prix de l’électricité à augmenter en période de froid et baisser aux heures “solaires”, il n’est pas évident de prévoir l’évolution du prix du gaz. Tout le monde s’accorde sur le fait que la consommation de gaz va fortement baisser, et que cela va mettre GRDF en difficulté, car l’essentiel de ses frais sont fixes. On peut donc s’attendre à ce que les coûts du réseau soient amortis sur un nombre de plus en plus faible de clients… et donc à ce que le prix du gaz continue à augmenter.

Du côté des taxes, tous les observateurs sensés s’alarment de la perspective d’un alourdissement de l’accise sur l’électricité qui montera à 32, voire à 50€ par MWh en 2025, contre 16€ pour l’accise sur le gaz. Il y a fort à parier que le gouvernement augmentera cette dernière pour faire bonne mesure… et contribuer au budget. Une certitude : la TVA sur l'abonnement renchérira la facture d'un foyer chauffé au gaz d'environ 38€ dès 2025 (source).

Au niveau du prix de marché, il est à un niveau historiquement haut. Une baisse est anticipée par les marchés. Mais, il ne représente qu'environ 30% du prix TTC payé par le consommateur.

En conclusion, la PAC hybride a une vraie utilité pour l’équilibre du réseau électrique… mais le même résultat serait peut-être obtenu à moindre coût par la construction de centrales électriques au gaz pour les pics de consommation hivernaux ! Si elle peut avoir une pertinence pour les urbains, nous recommandons aux personnes résidant en maison un abonnement de type Tempo, avec un chauffage d’appoint au bois, moins taxé et moins carboné.

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