Taxes sur l'électricité : Michel Barnier renonce, vraiment ?
Dans un entretien au Figaro, le premier ministre Michel Barnier annonce renoncer à la hausse des taxes sur l'électricité dans le cadre du projet de loi de finances 2025. Mais le flou de ses propos, doublé du flou du projet d'augmentation des taxes laisse songeur.
La TVA et l'accise sur l'électricité devaient augmenter
Les taxes sur l'électricité sont, par ordre d'importance, la TVA, l'accise sur l'électricité et la CTA. La CTA a augmenté au 1er novembre, ce qui nous laisse la TVA et l'accise.
Dans le Projet de Loi de Finances (PLF) 2025 :
- la TVA sur l'abonnement devait passer de 5,5% à 20%, représentant un surcoût d'environ 22€ pour le foyer moyen, dès le 1ᵉʳ janvier. Les propos du premier ministre sur le sujet sont clairs, car ils parle de taxes au pluriel, visant donc aussi la TVA : cette hausse devrait passer à la trappe ;
- l'accise sur l'électricité doit remonter de son niveau actuel de 21€ par MWh à un niveau permettant une baisse de 9% du tarif réglementé. La formule du tarif réglementé ne permettra de savoir à quel niveau fixer l'accise que fin décembre. Et c'est la Commission de Régulation de l'Energie qui est en charge du calcul. Cette hausse semble aussi écartée par Michel Barnier. Mais est-ce la hausse au taux normal de 32€ par MWh, ou la hausse additionnelle qui est écartée ? Vraisemblablement c'est la hausse additionnelle, et il y aurait donc bien une remontée de l'accise à 32€ par MWh.
Les incertitudes qui subsistent
L'accise sur l'électricité ne peut pas rester à 21€ par MWh. Il s'agit d'un taux transitoire vers le taux plein de cette taxe à 32€ par MWh. Ce niveau élevé est le fruit de la fusion de deux taxes en 2022 :
- la CSPE pour 22€ par MWh, qui finance le tarif de rachat des énergies renouvelables (EDF OA donc), la péréquation tarifaire (un prix subventionné de l'électricité dans les zones non interconnectées) et diverses missions de service public
- la Taxe sur la Consommation Finale d'Électricité, qui finance communes et départements, pour environ 10€ par MWh, que l'État compense sur ses propres deniers
Le retour au taux normal de 32€ par MWh pour l'accise sur l'électricité est donc prévu de longue date. Sans crise de l'énergie, cette taxe n'aurait d'ailleurs jamais bougé de ce niveau. Mais, le PLF 2025 semblait également introduire la possibilité d'une hausse au-delà de 32€ par MWh, sans doute pour abonder au budget de l'État dans le cadre de la recherche de recettes supplémentaires. La question est donc : Michel Barnier s'engage-t-il à conserver l'accise au taux actuel de 21€ par MWh, ou à ne pas la porter au-delà des 32€ par MWh prévus.
Garder l'accise à 21€ par MWh, c'est pérenniser le déficit budgétaire en supprimant des recettes sans toucher aux dépenses. Compte tenu de la situation actuelle, le risque est une hausse des taux auxquels la France emprunte, et in fine, une aggravation auto-alimentée du déficit. Notre avis est donc que l'annonce du premier ministre n'empêchera pas une remontée au taux de 32€ par MWh.
Le PLF prévoyait également un passage de la TVA sur l'abonnement du gaz de 5,5% à 20%. Et c'était là le vrai sujet "TVA". En effet, sur un ménage chauffé au gaz, cette hausse représente environ 45€ par an. Nettement plus que l'impact de la hausse de la TVA sur l'abonnement électricité (22€ par an pour un ménage moyen avec une puissance de 6 kVA). Cette hausse de la TVA sur le gaz ne semble pas concernée par les propos du ministre et le prix repère gaz devrait donc augmenter de 6 à 7% sur le double effet d'une hausse mensuelle de 10% de la référence de coût d'approvisionnement et de la TVA sur l'abonnement (source et calculs). Et cela ne prend pas en compte l'adoption dans la nuit du 27 au 28 novembre par le Sénat d'un amendement pour augmenter l'accise sur le gaz naturel de 4€ par MWh, pour un impact sur la facture de l'ordre de +3% supplémentaire. Bref, la taxation pourrait se déplacer de l'électricité vers le gaz, suivant ainsi une logique d'alignement des politiques fiscale et écologique. C'est mieux !
14% de baisse du tarif réglementé en février 2025 ?
Bruno Le Maire avait déjà fanfaronné sur la baisse du tarif réglementé au 1ᵉʳ février 2025. Il n'est plus là pour tenir parole. Michel Barnier prend à son tour un engagement sur le niveau de baisse. Mais sera-t-il encore en poste lors de la fixation du tarif réglementé ? La Commission de Régulation de l'Energie va devoir inclure dans cette évolution, certes une baisse des coûts d'approvisionnement, mais aussi la hausse du TURPE qui aurait du avoir lieu en août 2024. Elle envisage aussi d'inclure la hausse du TURPE (de l'ordre de +10%, soit environ +2,5% sur la facture) prévue pour août 2025, et également une brique de rattrapage pour le retard d'actualisation du TURPE 2024.
En conclusion, le gouvernement nous donne une nouvelle montagne russe émotionnelle sur le prix de l'énergie. Ce n'est certainement pas la dernière.