La Lune, nouvelle alliée dans la production d’énergie ?

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Face à la raréfaction des énergies fossiles, de nouveaux moyens de production d’énergie sont étudiés aux quatre coins du globe. Si les idées ne manquent pas pour produire de l’énergie depuis la Terre, le regard de certains chercheurs se tourne vers les astres, et la Lune semble être une candidate idéale pour de nouvelles innovations. Retour sur trois projets qui donnent le beau rôle à notre satellite.

Fabriquer des panneaux solaires à partir de poussière de lune

Avec sa technologie Blue Alchemist, la société Blue Origin est parvenue à créer les composants essentiels à la fabrication des cellules générant de l'énergie solaire à partir de régolithe synthétique. La régolithe, poussière présente partout à la surface de la Lune, permettrait ainsi de produire des simulants de fer, silicium et aluminium par un procédé appelé électrolyse. 

Ce processus a pour l’instant uniquement été réalisé sur de la régolithe produite en laboratoire, possédant les mêmes propriétés que sa version lunaire, et a délivré des résultats très encourageants. Le silicium obtenu serait pur à plus de 99 %, ce qui permettrait de créer des cellules solaires particulièrement efficaces. Habituellement, la purification du silicium est un procédé complexe qui utilise de nombreux ingrédients polluants et émet une importante quantité de monoxyde de carbone. Ce nouveau procédé promet donc de créer des cellules solaires avec une empreinte carbone faible et sans utiliser ni eau ni produits toxiques. Seul hic, il faut pouvoir ramener de la régolithe lunaire sur Terre.

Un anneau de panneaux solaires autour de la Lune

Exploiter les rayonnements solaires depuis la Lune, c’est l’ambition du projet Luna Ring, développé par la firme japonaise Shimizu. L’idée est d’entourer l’équateur de la Lune d’un anneau constitué de panneaux photovoltaïques, qui transmettraient l’énergie générée à la Terre par deux technologies utilisées conjointement, des rayonnements laser et des transmissions micro-ondes.

Théoriquement, cette installation de panneaux solaires sur la surface de la Lune présente des avantages importants sur les parcs photovoltaïques standard sur le sol terrestre :

  • Une exposition constante aux rayons solaires : la moitié de la Lune étant toujours éclairée par le Soleil, l’anneau permettrait donc de bénéficier d’un rayonnement constant sur 50 % de la surface des panneaux.
  • L’atmosphère infime de la Lune, qui offre la possibilité de capter les ondes bleues, habituellement filtrées par l’atmosphère terrestre. De plus, aucun nuage ou perturbation atmosphérique ne s’immisce entre les rayons solaires et les panneaux, ce qui garantit une production constante.
  • Une gravité environ cinq fois plus faible sur la Lune, ce qui permet de construire des équipements plus légers et durables car ils ont moins à supporter leur propre poids.

Hélium 3 et fusion nucléaire

Une autre piste explorée par de nombreux chercheurs est celle de l’Hélium-3, quasi-inexistant sur Terre mais présent en grande quantité sur la Lune. Ce composé chimique, provenant de la fusion de l’hydrogène au centre du Soleil, s’accumule à la surface de notre satellite depuis des milliards d’années. Son intérêt principal serait son utilisation comme combustible pour de futures centrales à fusion nucléaire. En fusionnant l’hélium 3 avec du deutérium, on obtient en effet une réaction dégageant une quantité considérable d’énergie, sans produire de déchets radioactifs.

De nombreuses ombres au tableau laissent cependant douter d’une utilisation de l’hélium 3 dans un futur proche. D’une part, la fusion nucléaire en est encore à un stade technologique limité. Même si le 5 décembre dernier, les scientifiques du National Ignition Facility (NIF) en Californie sont parvenus à générer la première réaction de fusion contrôlée dégageant plus d’énergie qu’elle n’en a consommé, la quantité d’énergie dégagée est restée infime et la réaction n’a pu être maintenue que quelques secondes. Ce succès reste encourageant, mais il faudra encore longtemps avant de pouvoir développer la fusion à l’échelle industrielle.

De plus, une fusion hélium 3 - deutérium implique une température de 500 millions de degrés environ, contre 150 pour une réaction deutérium-tritium, celle étudiée actuellement dans l’ensemble des projets de fusion nucléaire. Cette réaction est donc d’autant plus difficile à contrôler et confiner dans l’enceinte du réacteur nucléaire que celle étudiée actuellement par les chercheurs dans le procédé deutérium-tritium, déjà instable. Par ailleurs, le problème de la récolte et du rapatriement de l’hélium 3 depuis la Lune se pose également pour ce projet.

Les obstacles à la mise en place de ces solutions

Si la plupart de ces projets semblent intéressants, ils se heurtent à d’importants obstacles. Les plus évidentes sont les contraintes en termes de coûts : de tels projets nécessitent des sommes gigantesques, qui excèdent largement les avantages théoriques de ces programmes. Cela ne les rend absolument pas viables pour une exploitation à grande échelle. Il est toutefois possible d’espérer que les progrès technologiques, déjà à l’œuvre dans la réduction des coûts des technologies utilisées, permettent d’atteindre à terme une rentabilité suffisamment satisfaisante.

De nombreuses barrières technologiques existent également, notamment en ce qui concerne le rapatriement des ressources récoltées jusqu’à la Terre. Jusqu’ici, les missions d’atterrissage lunaires n’ont rapporté que des échantillons limités : les six missions Apollo ayant atterri sur le sol lunaire ont par exemple rapporté seulement 382 kilos de roche lunaire au total. Ramener plusieurs tonnes de régolithe ou de stockage d’hélium-3 semble donc un défi technique. De même, les projets visant à produire l’énergie directement depuis la Lune posent un problème de transmission de l’énergie produite. Si des prototypes de transmission par micro-ondes ou rayonnements lasers existent, ils sont encore loin d’être viables sur les distances nécessaires : lors d’un test mené en septembre 2022, la société néo-zélandaise Emrod a réussi à transmettre de l’électricité par ondes électromagnétiques sur 36 mètres, une prouesse technique pourtant encore loin d’être suffisante pour couvrir les 384 000 kilomètres séparant la Terre de notre satellite.

Enfin, des enjeux de régulation internationale sont à considérer. En effet, d’après l’Accord régissant les activités des États sur la Lune et les autres corps célestes, entré en vigueur en juillet 1984, l’utilisation et la récolte de ressources lunaires sont autorisées mais uniquement dans un objectif scientifique : “Dans leurs recherches scientifiques exécutées en application des dispositions du présent Accord, les Etats parties ont le droit de recueillir sur la Lune et d'en enlever des échantillons de minéraux et autres substances” (article 6). Une utilisation industrielle de ces ressources nécessiterait donc sans doute l’établissement d’une nouvelle législation impliquant la coopération de l'ensemble des acteurs mondiaux, ce qui peut sembler difficilement envisageable au vu des tensions géopolitiques actuelles.

L’article 11 de cet accord stipule par ailleurs que “La surface et le sous-sol de la Lune ne peuvent être la propriété d'États, d'organisations internationales intergouvemementales ou non gouvernementeiles, d'organisations nationales, qu'elles aient ou non la personnalité morale, ou de personnes physiques”. Difficile donc d’imaginer le déploiement de projets industriels gigantesques sur un territoire qui “n’appartient à personne”.

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