Dépendance au gaz russe de l'union européenne
Certains pays de l'Union Européenne sont fortement dépendants du gaz russe.

Baisser le chauffage de -3ºC peut-il aider l'Europe à se passer du gaz russe ?

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L’achat par l’Union européenne d’énormes quantités de gaz naturel à la Russie apporte une contribution décisive au financement de l’Etat russe, et indirectement à son effort de guerre en Ukraine. Pourtant, en parallèle, l’Europe décrète des sanctions économiques visant précisément à assécher les ressources de la Russie. Ce paradoxe s’explique par la dépendance de l’Europe au gaz russe, dont elle ne peut aujourd’hui se passer. Si, dans un effort collectif, chaque européen mettait “un pull pour l’Ukraine” (et pour la planète) et réduisait sa température de chauffe de 3°C, la situation serait-elle différente ? L’UE serait-elle en mesure de stopper ses importations de gaz naturel russe et de priver la Russie de son atout maître ?

Etat des lieux : la dépendance de l’Europe au gaz russe

Premier exportateur de gaz en Europe, la Russie fournit 40 % du gaz consommé sur le vieux continent (2021). Néanmoins, la dépendance au gaz russe diffère énormément selon les pays européens : certains comme la Slovaquie, la Lettonie, l'Estonie ou la République Tchèque dépendent exclusivement de la Russie. D'autres pays ont la moitié de leur approvisionnement assuré par cet acteur, comme l'Allemagne ou l'Italie. D'autres pays encore sont au contraire très peu dépendants du gaz russe, comme l'Espagne, dont les principaux fournisseurs sont l'Algérie et les Etats-Unis(1).

A quel point la France dépend-elle du gaz russe ?

La France est moins dépendante du gaz russe que d'autres pays européens : "seuls" 20 % du gaz consommé dans l'Hexagone proviennent de la Russie. Le fournisseur principal de gaz de la France demeure la Norvège, à hauteur de 36 %. Les principaux fournisseurs de gaz de la France sont :

En cas de coupure des vannes de gaz côté Russie, la France serait donc moins impactée que d'autres pays européens.

Toutefois, les marchés européens sont en réalité très interconnectés, et la hausse des prix du gaz consécutive à la guerre en Ukraine se fait sentir dans toute l’Europe, même dans les pays moins dépendants de la Russie. C’est donc toute l’Europe qui est concernée.

Impact d’une baisse de 3°C du chauffage des ménages européens

Considérons les données suivantes :

  • La consommation de gaz naturel chez les particuliers dans l'UE (28 pays) est de 4 791 387 TJ (térajoules)(2) ;
  • 75 % du gaz consommé par les particuliers dans l'UE sert à chauffer le logement(3) ;
  • Une baisse de 3°C dans un logement représenterait au minimum 21 % d'économie d'énergie(4) .

Par conséquent, baisser la température de 3°C représenterait une baisse de consommation de gaz chez les ménages de 4791387 x 75/100 x 21/100 = 754643,5 térajoules.

En 2019, les importations de gaz naturel russe en Europe représentaient 6 490 354 térajoules(5). Si tous les ménages chauffés au gaz en Europe réduisaient la température de chauffe de 3°C, ce sont donc 11,6% du problème de la dépendance de l’Europe au gaz russe qui seraient résolus (754643,5/6490354x100).

Impact d’une baisse de 3°C du chauffage des commerces et bureaux européens

Considérons les données suivantes :

  • La consommation de gaz naturel dans le secteur tertiaire dans l'UE est de 2 006 985 TJ (térajoules)(2) ;
  • Prenons l’hypothèse que 75 % du gaz consommé par le secteur tertiaire dans l'UE sert à chauffer le logement (contrairement aux autres chiffres de cet article, il s’agit d’une simple hypothèse, aucune donnée n’ayant été trouvée à ce sujet) ;
  • Une baisse de 3°C dans un local du secteur tertiaire représenterait au minimum 21 % d'économie d'énergie(4).

Par conséquent, baisser la température de 3°C représenterait une baisse de consommation de gaz dans le secteur tertiaire de 2006985 x 75/100 x 21/100 = 316100,1 térajoules.

Si tous les commerces et bureaux chauffés au gaz en Europe réduisaient la température de chauffe de 3°C, ce sont donc 4,9% du problème de la dépendance de l’Europe au gaz russe qui seraient résolus (316100,1/6490354x100).

Conclusion

En cumulé, abaisser le thermostat de 3°C dans toute l’Europe, secteurs résidentiels et tertiaires confondus, permettrait de se passer a minima de 16,5% des importations de gaz naturel russe. 

Ce chiffre pourrait être sous-estimé pour deux raisons. D’abord, parce qu’il faudrait y ajouter la contribution des ménages chauffés à l’électricité qui pourraient réaliser le même effort, réduisant la consommation de gaz naturel dans les centrales électriques. D’autre part, parce que le chiffre de 7% de réduction de consommation d’énergie par degré en moins sur le thermostat semble être une donnée de plus en plus contestée : en effet, dans les bâtiments bien isolés, de plus en plus nombreux, ce chiffre est plus élevé et les économies plus importantes.

Au-delà de l’objectif géopolitique de rendre les sanctions occidentales vraiment efficaces, cet effort aurait un intérêt écologique évident. 1 070 743,6 térajoules économisés représentent 61,9 millions de tonnes d’émissions de CO2 en moins par an(6), soit 1,5% des émissions totales de l’UE (à 28 pays) en 2019.(7)

La sobriété énergétique a ainsi le potentiel d’être un contributeur significatif à la sortie de la dépendance énergétique de l’Europe à la Russie, aux côtés des autres solutions souvent évoquées comme, à court terme, le renforcement des importations depuis d’autres pays comme les Etats-Unis, l’Algérie, ou le Qatar, et, à long terme, le développement des énergies renouvelables. Toutefois, elle impliquerait une évidente baisse de confort pour la population européenne, dans un effort difficile à impulser et à coordonner à l’échelle continentale. Et si le choc de la guerre et du rapport du Giec étaient tels que les européens étaient prêts à sacrifier leur confort pour l’Ukraine et la planète ?

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