Que se passerait-il si on interdisait les énergies fossiles en France ?
Dans un voyage en Absurdie, que je fais lorsque je m’ennuie, j’ai imaginé sans complexe qu’un matin, le gouvernement interdisait les énergies fossiles. Alors, pas du jour au lendemain, ça n’existe pas, mais au 31 décembre 2026.
Une vie quotidienne chamboulée
Le nombre d’inscrits à la plateforme Blablacar passe de 20 à 40 millions en 2 mois avec le lancement d’une fonctionnalité permettant de lister ses déplacements en temps réel sur la plateforme, le stop 2.0 en quelque sorte.
TotalEnergies remplace toutes ses pompes par des bornes de recharge, “et d’entretien de votre véhicule électrique”, histoire d’augmenter le panier moyen ! Les opérateurs de station-service développent le solaire autour de leurs installations pour maximiser l’autoconsommation par leurs clients. Chez Lidl, on se recharge pour 20 centimes par kWh.
Le secteur du gaz est sinistré, GRDF prépare sa fermeture à court terme. Les 10 millions de foyers chauffés au gaz se ruent pour s’équiper : les ruraux achètent des poêles à granulés, les urbains qui le peuvent des pompes à chaleur, et ceux qui n’ont pas d’autre option se résignent à acheter des radiateurs à inertie.
EDF et le secteur de l’électricité embauchent à tour de bras, car un doublement de la demande est prévu pour 2026. Le premier facteur d’augmentation de l’offre est le facteur de charge des centrales nucléaires. Mises en demi-sommeil pendant les heures de production solaire, elles sont à nouveau utilisées à plein régime tout le temps en raison de l’augmentation de la demande d’électricité pour les véhicules.
Malgré les réserves des associations, le gouvernement passe le tarif réglementé de l’électricité en tarification dynamique “comme en Espagne” : le prix variera toutes les heures en fonction des prix de gros. Enedis distribue des écrans connectés au Linky (affichage déporté) permettant de visualiser le coût en temps réel.
L’offre de véhicules électriques ne suffit plus à répondre à la demande et la valeur des véhicules électriques d’occasion explose sur Leboncoin.
Du côté des professionnels des travaux publics, et du transport de marchandises, les prix augmentent beaucoup. C’est la sobriété forcée pour les clients, et nombreux comparent ce qu’ils vivent au grand confinement de 2020.
Étonnamment, le tourisme se porte bien : nombreux sont les étrangers qui “veulent voir ça”, et les français, qui n’ont guère le choix, prennent leurs vacances en France. On voit même des bobos aller à l’hôtel dans leur propre ville, “pour voyager” !
Un boom de nouveaux business à faire pâlir la French Tech
L’export de véhicules thermiques vers l’Afrique bat son plein. Les ferrys ne suffisent plus à transporter les millions de voitures françaises qui arrivent chaque mois à Algésiras. Un étudiant lance un rallye auto “aller-simple” via l’Italie et la Tunisie.
Une entreprise française fait la plus grosse commande de panneaux solaires de l’histoire à des producteurs chinois : 20 millions de kits plug&play de 500 W (10 GW), pour un prix unitaire de 120€. Elle en assurera la maintenance et ils produiront 10 TWh par an dès 2025.
Le gouvernement ordonne une validation expresse des projets éoliens et hydro dont les promoteurs s’engagent à les mettre en service au 31/12/2026. Ce sont 2 GW qui entrent en construction sous 2 mois, au grand dam des associations de protection de la nature.
L’industrie automobile est chamboulée : les constructeurs se transforment en distributeurs de véhicules chinois et trouvent leur compte en devenant concessionnaires, le temps, disent-ils, de s’adapter.
Les motards, communauté organisée et puissante s’il en est, sont en crise : la moto électrique est-elle vraiment une moto ?
Le rail se sent pousser des ailes. En effet, les vols intérieurs disparaissent de facto, et les vols internationaux doivent arriver en France avec suffisamment de kérosène pour repartir. Il y a donc une demande considérable pour le train. La SNCF commande de nouvelles rames. De nouveaux opérateurs se lancent (enfin) grâce à des investissements colossaux et un volontarisme politique. On peut désormais faire Paris - Madrid ou Paris - Berlin en 6 heures. La construction de nouvelles lignes internationales est accélérée.
Enfin, la construction de nouveaux réacteurs nucléaires progresse pour de vrai. Un corps d’élite d’ingénieurs nucléaires est formé parmi les étudiants de Polytechnique : 500 ingénieurs qui auront pour mission de doubler la puissance installée en 8 ans.
Le secteur public s’adapte aussi
Compte-tenu de la difficulté de se déplacer, le secteur public doit s’adapter.
La justice (oui oui, la justice), ouvre la possibilité de comparaître à un procès en visioconférence depuis n’importe quel tribunal.
Les séances de l’Assemblée Nationale n’ont plus lieu qu’une fois par mois à Paris. Le reste du temps, elles sont en visioconférence et diffusées en direct sur le web.
L’Armée de l’Air organise sa reconversion vers des drones fonctionnant à l’hydrogène tandis que la Marine ne peut plus opérer que ses navires à propulsion nucléaire. Les forces armées sont d’ailleurs mises à contribution pour l’augmentation en urgence des capacités d’interconnexion électrique avec nos voisins.
C’est la fin de l’hélicoptère. La Gendarmerie et les services de secours doivent renoncer à ce moyen d’intervention très efficace. En conséquence, une hausse de la mortalité en montagne et en mer est attendue. “On ne fait pas d’omelettes sans casser des oeufs” affirme le ministre de l’énergie.
Le vote électronique, qui permet de faire son devoir de citoyen même quand on est loin de chez soi, est ouvert : il est désormais possible de voter depuis n’importe quelle mairie avec une carte d’identité biométrique.
Dans les territoires d’Outre-Mer, la fin de l’avion est intenable. Des publicités pour des trajets en paquebot à hydrogène reliant les Antilles à la métropole en 7 jours commencent à fleurir dans les rues de Pointe-à-Pitre. A Nouméa, à Mayotte, et même à la Réunion, on parle d’indépendance.
Une vraie galère
En dépit de tous les efforts, il apparaît rapidement que le surcroît d’électricité produit (+50% quand même, à 600 TWh annuels !), ne peut compenser la suppression du gaz (381 TWh) et du pétrole (700 TWh). La baisse du parc automobile, prend l’essentiel de la baisse de la consommation, suivie par le chauffage et l'industrie.
La désindustrialisation n’est pas en reste, et le gouvernement peine à offrir des alternatives dans de nombreux secteurs, en particulier les engrais.
Le froid, les conflits sociaux, la précarité font des ravages et de nombreux morts. Cependant, un an plus tard, d’autres pays emboîtent le pas à la France, et les entreprises nationales commencent à exporter le savoir-faire acquis. Les émissions nationales de gaz à effet de serre deviennent négatives en juin 2026. Une grande fierté fait battre le coeur de tous les français. Ils ont réussi, ensemble, et comme à l’époque des Lumières, notre pays montre le chemin au monde entier.