Selectra conseille une offre d'Alpiq lors d'un appel mystère. Mais est-ce vraiment le moins cher ?

Selectra dans Complément d'Enquête, droit de réponse

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Le 7 mars 2024, à 23h, Complément d’Enquête diffusait sur France 2 une émission pour dénoncer “L’injuste prix” sur le marché de l’électricité. Derrière ce jeu de mots (“juste prix”, “injuste prix”, vous l’avez ?), le magazine dénonce diverses pratiques sur le marché français de l’énergie.

Une séquence dédiée à Selectra

17 ans d’aventure entrepreneuriale démarrée sur les bancs de Sciences Po, 2200 salariés, une des rares scale-ups à n’avoir pas levé de fonds, et jamais Selectra n’avait attiré l'œil du service public. Il a fallu attendre la crise de l’énergie qui a mis, plus qu’aucune autre profession, les comparateurs de prix de l’énergie en difficulté financière. Pour preuve, la faillite de l’acteur historique Jechange, pépite tech lot-et-garonnaise, reprise par Selectra sur décision du tribunal de commerce d’Agen de décembre 2022.

Heureusement, Complément d’Enquête est là pour réparer les torts. Et plutôt deux fois qu’une : 

Une première scène s’ouvre sur un appel mystère du journaliste au service de souscription de Selectra. Il souhaite une offre d’énergie, et le conseiller de Selectra lui recommande une offre du fournisseur Alpiq. Il s’insurge de ne trouver cette offre qu’en huitième position lors de sa simulation sur notre comparateur. Pourtant, il s’agit véritablement là d’un bon plan :

  • 8ème est un excellent classement compte tenu du nombre d’offres disponibles. 
  • l’offre est bien plus économique que les tarifs réglementés.
  • surtout, Alpiq est l’un des très rares fournisseurs à avoir maintenu ses prix moins chers que les tarifs réglementés durant toute la durée de la crise des marchés de l’énergie ! Une stabilité des prix qui a conduit nombre de collaborateurs de Selectra à y faire souscrire leurs proches, un signe qui ne trompe pas.

Il est illusoire de s’imaginer qu’une quelconque suggestion alternative aurait recueilli l’approbation d’une émission de télévision guidée par l’insatiable besoin de trouver des sujets de polémiques pour faire de l’audience. En effet, lorsqu’on observe le classement du comparateur Selectra à la 39ème minute du reportage, on voit que les offres encore moins chères qu’Alpiq étaient les offres : 

  • de TotalEnergies : le grand fournisseur alternatif venait, en effet, de sortir l’offre la moins chère du marché au moment du tournage du reportage (15% de remise sur le prix du kilowattheure HT par rapport aux tarifs réglementés, prix fixes un an). Selectra la propose à son client en minute 42’ du reportage et se fait tancer pour avoir fait l’estimation directement sur la plateforme TotalEnergies, comme si nos conseillers n’avaient pas déjà en tête l’ordre de compétitivité des offres du moment.
  • d’un autre fournisseur d’énergie décrié dans l’émission et dont le journaliste reproche au Médiateur National de l’Energie en minute 65’ la présence en bonne place de son comparateur.

Ainsi, quelle offre aurait-il fallu proposer pour recueillir l’approbation de l’émission ? Aucune, il n’y a point de salut, c’est le principe.

À partir de quels critères Selectra formule-t-elle ses conseils ?

Tout à son rôle de procureur, l’émission se garde bien de mentionner que le comparateur Selectra présente des données à jour et complètes, fournisseurs partenaires ou non partenaires confondus, associées à des commentaires et filtres pertinents. Ainsi, de très nombreux consommateurs font-ils eux-mêmes leur choix, à partir d’un comparateur fiable et exhaustif.

Pour les consommateurs souhaitant une orientation téléphonique, notre méthodologie publique précise bien l’ensemble des critères pris en compte : prix, sensibilité personnelle du conseiller, garanties environnementales de l’offre, notoriété du fournisseur, simplicité des parcours de souscription, contraintes techniques du moment, objectifs de volume à tenir par Selectra “qui sont transmis aux conseillers via un système de crédits attribués à chaque vente, et qui influence environ 10% de la rémunération de nos conseillers.” Ces objectifs de volumes découlent : 

  • du besoin de calibrage des capacités de souscriptions des fournisseurs d’énergie, qui ne peuvent passer de 100 clients accueillis un mois à 10 000 le mois suivant, ou l’inverse, sans dimensionner ses équipes et ses approvisionnements ;
  • des offres préférentielles qui peuvent être négociées par Selectra sous condition de volumes ;
  • du cadre réglementaire de l’ARENH qui force les fournisseurs d’électricité à faire des prévisions d’acquisition de clients en fin d’année N pour l’année N+1, et à les tenir, sous peine de lourdes pénalités.

Si le système conduit à formuler des recommandations aussi pertinentes qu’Alpiq et TotalEnergies, il semble qu’il fonctionne bien ! 

Ainsi, l’infiltration d’un journaliste dans nos équipes n’a-t-elle abouti : 

  • qu’au tournage en caméra cachée de la proposition de l’offre la moins chère du marché du moment à un client (TotalEnergies) ;
  • qu’à la grande découverte d’un système de crédits rémunérant ses conseillers, sur lequel Selectra communique déjà publiquement.

Il fallait bien un recours à une petite musique angoissante et à un floutage des voix transformant nos collaborateurs en gangsters pour que finisse par se dégager le malaise tant recherché par l’émission.

L’injuste prix de l’énergie

Quelques solutions sont proposées dans ce reportage. L’une d’elles est particulièrement intéressante et émane du Médiateur National de l’Energie : l’interdiction du démarchage pour la souscription à un fournisseur d’énergie.

Cette proposition est d’autant plus intéressante qu’elle est réaliste : le démarchage a déjà été interdit pour la rénovation énergétique. En Espagne, à la suite d’abus similaires, il a été interdit pour la souscription à un fournisseur d’énergie également. Les réserves du gouvernement sur le sujet tiennent sans doute aux emplois que représentent les entreprises du secteur du démarchage à domicile… une activité non-délocalisable. Qu’ils se rassurent, les compétences des commerciaux terrains sont valorisées dans de nombreux secteurs, au point que commercial est parfois qualifié de “métier en tension”.

Tout à son biais idéologique anti-concurrentiel et malgré les promesses de son intitulé, l’émission passe en revanche complètement à côté des facteurs qui ont fait grimper les tarifs réglementés de 44% en deux ans et rendu le prix “injuste”. Si la concurrence a un impact (baissier) marginal, les vrais drivers de prix dans l’énergie sont : 

  • géopolitiques : la guerre en Ukraine a fait s’effondrer les livraisons de gaz russe à l’Europe ; 
  • et surtout industriels : la très faible disponibilité du parc nucléaire du fait des problèmes de corrosion sous contrainte connus par de nombreux réacteurs a créé une baisse de l’offre d’électricité (32 des 56 réacteurs nucléaires français sont à l'arrêt en septembre 2022, au plus fort de la crise). Les prix de l’électricité en France sur les marchés de gros étaient ainsi pendant toute la période nettement plus élevés que chez ses voisins. De tels problèmes sur le parc nucléaire sont-ils amenés à se reproduire sous l’effet de son vieillissement ? Ou s’agissait-il d’une difficulté ponctuelle ? Voilà la vraie question ! Et elle se poserait toujours de la même façon si l’électricité était restée un monopole.

Face à des prix en hausse bien trop rapide, mieux vaut donc chercher les solutions : 

  • du côté de l’offre. Cela tombe bien, l’immense majorité des capacités de production installées en France ces dernières années sont le fait d’acteurs alternatifs et n’auraient donc pas vu le jour sans la concurrence. Ces nouvelles capacités, essentiellement éoliennes et solaires, étaient décidément les bienvenues pendant la crise ! L’augmentation de l’offre passe notamment par une accélération des délais de traitement des demandes d’autorisation administrative. Un expert du micro-hydroélectrique nous confiait en novembre qu’un nouveau barrage de très petite puissance, c’était 5 ans, dont 80% de délais administratifs.
  • du côté de la demande : rénovation énergétique, développement des outils de suivi de consommation, offres à effacement, autoconsommation, systèmes Vehicule to Home (utilisation d’une batterie de voiture électrique pour stocker le surplus d’autoproduction)... Autant de sujets sur lesquels l’énergie a plus que jamais besoin d’une diversité d’acteurs.

Et autant de sujets rébarbatifs qui ne sont guère de nature à assurer un succès d’audience.

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