Internet dans les trains : peut-on enfin espérer une connexion stable ? Peut-être bien !
Se connecter à internet en train reste un défi pour des millions de voyageurs. Malgré les promesses du Wifi embarqué et les efforts des opérateurs, la réalité est souvent décevante : coupures de réseau, lenteur et disparités fortes selon les lignes. Mais les prochains mois pourraient marquer un tournant : non seulement l'Arcep a fixé pour les grands opérateurs français l'objectif de couvrir 90% des voies ferrées régionales d'ici au 31 décembre 2025, mais la SNCF travaille également à des solutions hybrides d'accès à internet dans ses rames. La promesse : transformer l’expérience numérique à bord, sur l'ensemble du territoire. À l'heure où nous parlons, qu'en est-il ?
Pourquoi la connexion est-elle si instable en train ?
Vous le savez, si vous voulez vous connecter à internet dans le train, vous avez le choix :
- utiliser votre propre connexion 4G/5G avec votre téléphone (vous utilisez vos données mobiles),
- ou bien vous connecter au Wifi à bord (quand il est disponible).
2 technologies différentes ? Du tout ! C'est là tout le nœud du problème : lorsque vous vous connectez au Wifi du train, vous utilisez en réalité les réseaux mobiles environnants, exactement les mêmes que ceux que capte votre téléphone.
Contrairement à la box fibre installée à la maison, le Wifi du train repose lui aussi sur les réseaux mobiles. Les rames sont équipées d’antennes extérieures installées sur le toit. Ces antennes captent les signaux 4G et 5G des différents opérateurs tout au long du trajet. Le signal est ensuite redistribué à l’intérieur par des bornes Wifi placées dans les voitures, auxquelles les passagers se connectent. Ainsi, le Wifi à bord joue un rôle de relais collectif : au lieu d'avoir plusieurs smartphones tentant chacun de capter le réseau à travers les parois métalliques, c'est le train qui “absorbe” le signal extérieur et le partage entre les passagers. L'avantage du Wifi, dans ces situations, est de mutualiser la bande passante entre passagers et d’atténuer un peu l’effet “cage de Faraday” des rames. Mais il ne peut pas, à lui seul, compenser l’absence de réseau mobile à l’extérieur. Cette réalité explique en partie la frustration des voyageurs, qui associent souvent à tort la faiblesse du signal mobile environnant à une « panne » du Wifi du train.
Beaucoup de voyageurs ne s’en rendent sûrement pas compte, mais avoir Internet dans un train propulsé à très grande vitesse est un véritable casse-tête technique ! Plusieurs contraintes se cumulent, et pas des moindres, lorsqu'on utilise l'une ou l'autre solution de connexion :
- La vitesse du train : à 300 km/h, un TGV change de cellule mobile toutes les quelques secondes. Les systèmes doivent gérer des centaines de “handover” (passages d’une antenne à une autre), ce qui entraîne des coupures fréquentes.
- La géographie : zones rurales peu couvertes, reliefs encaissés, tunnels, forêts… autant de facteurs qui font le signal peut devenir très faible, voire inexistant.
- La structure du train : les rames modernes, conçues pour être robustes et économes en énergie, utilisent beaucoup de métal et de vitrages filtrants qui bloquent une partie des ondes radio. C’est l’effet “cage de Faraday”.
Pour améliorer la réception 4G/5G dans les trains, la SNCF déploie progressivement des “vitres haut débit” permissives : une fine micro-gravure rend les vitrages isolants plus perméables aux ondes mobiles. On micro-perfore ou micro-grave au laser la couche métallique, créant un maillage quasi invisible qui laisse passer les ondes sans sacrifier l’isolation. Cette technique est rétro-installable sur des fenêtres déjà posées. Sur les trains TER, la SNCF indique qu’une solution déjà mise en œuvre sur certaines rames AGC rénovées consiste à rendre les vitres “permissives” (aussi appelées vitres Haut Débit). Pour les TGV, c'est la même problématique de pénétration radio. La SNCF précise travailler sur l’amélioration de la connectivité smartphone et cite les vitrages permissifs comme levier possible, mais sans annonce de généralisation sur TGV à date.
- Le nombre d’utilisateurs simultanés : sur un TGV bondé, plusieurs centaines de passagers peuvent se connecter en même temps. Qu’ils utilisent leur propre 4G/5G ou le Wi-Fi, cela génère une forte pression sur la bande passante disponible.
C’est cette combinaison de facteurs qui explique pourquoi fournir une très bonne connexion internet dans les trains est un défi majeur, que les opérateurs et la SNCF essaient de relever conjointement.
L’accès à internet en train repose sur une responsabilité partagée. Les grands opérateurs nationaux doivent étendre la couverture 4G/5G et assurer la qualité de service le long des voies ferrées. La SNCF, de son côté, déploie et gère le Wifi embarqué pour mutualiser la connexion entre passagers. Elle lance des partenariats techniques pour lisser les variations dues aux tunnels, reliefs ou zones peu denses. Enfin, l’Arcep, en tant que régulateur des acteurs du marché, mesure la qualité réelle et fixe des obligations aux opérateurs : d’ici à la fin 2025, 90% des lignes régionales devront être couvertes en 4G. Selectra a pu établir une cartographie de la qualité ressentie d'internet dans les trains grâce à une étude menée entre juillet et août 2025, résumée ci-dessous.
Encore des disparités significatives selon les axes et les régions
Selectra a mené une enquête en ligne auprès de 1 656 internautes, interrogés entre le 4 juillet et le 5 août 2025 via ses sites internet. Le questionnaire comportait une quinzaine de questions portant sur 3 volets : la qualité perçue de la connexion mobile, l’accès au Wi-Fi à bord, et les usages du réseau pendant le voyage. L’étude couvrait différents types de trains : les TGV (Inoui, Ouigo, Frecciarossa, etc.), les Intercités et les TER. Cette étude visait à établir un classement des principaux opérateurs mobiles nationaux — Orange, SFR, Bouygues Telecom et Free — en fonction de la qualité de connexion 4G/5G perçue par les voyageurs lors de leurs trajets en train à travers la France. L’objectif était notamment d’identifier, selon les grands axes ferroviaires et les régions, les opérateurs qui se démarquent en termes de performance réseau.

🏆 Classement Selectra des grands opérateurs

Nous avons choisi de placer Free en tête de ce classement, car si Orange arrive en tête pour la notation globale de la qualité de la connexion internet à bord des trains, Free arrive 2e juste derrière, et se place notamment en tête dans le plus grand nombre d'axes et de régions, sur les 4 grands opérateurs nationaux. C'est ce dernier critère qui a été déterminant.

L'étude menée par Selectra révèle une réelle fragmentation de la qualité de la connexion internet à bord des trains en France :
- Orange domine certes le classement global, mais sans parvenir à s’imposer sur les grands axes ferroviaires stratégiques.
- Free, au contraire, se démarque par sa performance locale, en tête sur une majorité de lignes et de régions (six), confirmant une approche plus ciblée qu’homogène.
- SFR affiche des résultats plus ambivalents : malgré une prépondérance de notations de “connexion moyenne”, l’opérateur parvient tout de même à s’imposer sur quatre axes, dont l’important corridor LGV Rhône-Alpes/Méditerranée reliant Lyon au pourtour méditerranéen.
- À l’autre extrémité, Bouygues ferme le classement global, traduisant une moindre compétitivité sur ce terrain.
L’analyse montre également que la couverture reste insuffisante sur plusieurs lignes majeures – telles que Lyon-Marseille ou les LGV desservant l’Ouest (Atlantique, Bretagne-Pays de la Loire, Sud Europe Atlantique) – pourtant essentielles dans la structuration du trafic national. À l’inverse, les axes Paris-Lyon et Paris-Lille tirent leur épingle du jeu, illustrant le paradoxe d’un réseau ferroviaire où certaines lignes bénéficient d’une grande qualité de service, tandis que d’autres corridors emblématiques sont encore à la peine pour offrir une connectivité vraiment satisfaisante. Conclusion : en septembre 2025, la couverture du réseau ferré français est loin d'être homogène, pas même sur les grands axes TGV.
Le Wifi du train : le mal-aimé des voyageurs... à tort ?
Un autre volet de l'étude Selectra sur Internet à bord des trains s'intéressait à la façon dont les voyageurs se connectent habituellement à internet durant leurs trajets, pour identifier notamment quel type de connexion est privilégié dans les trains, et avoir une idée du ressenti des usagers sur l'accès à internet en mobilité. Vous retrouvez le détail de nos chiffres dans l'infographie ci-dessous.

Sur les 789 voyageurs ayant fourni une réponse à Selectra dans son étude sur Internet dans les trains, plus d’un sur deux (52,3%) déclare se connecter exclusivement via la 4G/5G de son opérateur, confirmant que les données mobiles personnelles sont la norme. En comparaison, seuls 12,8% utilisent systématiquement le Wifi embarqué, et 12,3% déclarent l’abandonner rapidement faute de fiabilité. À noter : 13,3% n’utilisent tout simplement pas internet à bord.
Si le Wi-Fi est désormais présent sur la plupart des lignes TGV, ainsi que sur les nouvelles générations d'Intercités et certains TER, il souffre encore d’une image dégradée. Portails captifs contraignants, lenteurs, débits faibles et coupures nourrissent une perception largement négative : pour beaucoup de voyageurs, « le Wi-Fi du train, ça ne marche pas ».

Pourtant, réduire le Wifi embarqué à cette mauvaise image est une erreur. Car si la 4G/5G reste la solution de référence individuelle, elle ne peut pas suffire à absorber seule la demande de centaines de passagers connectés simultanément. Le Wi-Fi joue un rôle essentiel de relais collectif : en captant plusieurs réseaux extérieurs et en redistribuant un signal homogène, il mutualise la bande passante et compense en partie l’effet “cage de Faraday” des rames. Autrement dit, l’avenir de la connectivité à bord n’est pas une opposition entre données mobiles et Wifi, mais une alliance des deux. Améliorer le Wifi du train supposera une coordination renforcée entre opérateurs, SNCF et régulateur, mais aussi l’intégration de technologies complémentaires — nous allons y venir.
Le futur de l’Internet en train : pas de remplacement, mais une alliance de technologies
Pourquoi investir dans le Wi-Fi à bord alors que plus d’un voyageur sur deux se connecte désormais uniquement via sa 4G/5G ? Parce qu’en réalité, la couverture mobile ne tient pas toujours la route : tunnels, zones blanches, saturation des antennes… les coupures restent fréquentes. Le Wi-Fi embarqué, en captant le réseau extérieur pour le redistribuer à tous les passagers, joue un rôle clé pour lisser ces aléas et absorber la demande collective. Demain, seule la complémentarité entre une 4G/5G renforcée et un Wi-Fi modernisé garantira une expérience numérique fluide en train.
La SNCF planche actuellement sur une solution hybride combinant les réseaux mobiles terrestres (4G/5G) et une connexion satellitaire, afin de garantir un Wi-Fi embarqué plus fiable et couvrant, y compris dans les zones mal desservies. L’entreprise compte lancer un appel d’offres d'ici à la fin de l’année 2025, avec le lancement prévu d’un premier pilote dès 2026. Deux technologies en orbite basse sont en lice : Starlink (SpaceX) et OneWeb (Eutelsat), en lice pour accompagner ce projet innovant. L’objectif : supprimer les zones blanches, offrir une connexion stable adaptée aux usages gourmands comme le streaming ou la visioconférence, et renforcer la résilience du service.

Cette solution permettra au train de basculer automatiquement entre la 4G/5G et le satellite selon la qualité du signal disponible, offrant ainsi une transition fluide pour les passagers. Ce modèle hybride garantit une continuité de service, y compris dans les zones rurales ou isolées, tout en réduisant la fréquence des coupures. L’approche est parfois comparée à ce qui est déjà expérimenté au Royaume-Uni ou au Kazakhstan, et des discussions avancées sont en cours avec Eutelsat, notamment, pour mener un projet pilote avant déploiement plus large.
👉 Pour plus d'infos sur le développement de la téléphonie par satellite, consultez notre article Et si votre prochain appel passait par l'espace ?
👉 Et pour continuer sur le sujet du satellite, lisez l'article Starlink bientôt dans les TGV ?