Comparaison entre les marchés belge et français de l'électricité : pourquoi des résultats si contrastés ?

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En 2007, les marchés français et belge (wallon et bruxellois plus précisément) de l'électricité s'ouvraient à la concurrence. 8 ans après, 50% des Belges ont choisi un concurrent d'Electrabel tandis que 90% des Français sont encore clients chez EDF. Quelles différences structurelles expliquent la divergence des marchés de part et d'autre du Quiévrain?

Les spécificités du marché belge de l'électricité

En Belgique, avant la libéralisation du marché de l'électricité en 2007 (2003 pour la région flamande), la fourniture est intégrée avec la distribution d'électricité et assurée par des associations intercommunales mixtes. Ces "intercommunales" (par exemple Interlux dans la province de Luxembourg) sont co-détenues par des collectivités locales (province, communes) et par un partenaire privé, producteur d'électricité. Ce partenaire privé est Electrabel dans la plupart des cas. Certaines intercommunales, comme celle de Liège travaillent cependant avec un concurrent: la SPE, devenue Luminus, aujourd'hui filiale d'EDF.

Lors de l'ouverture du marché à la concurrence, les intercommunales changent de métier pour se concentrer sur la distribution d'électricité. La fourniture devient l'apanage des fournisseurs d'électricité : Electrabel et Luminus, mais également de nouveaux entrants, comme eni, Lampiris ou Essent. Le 1er janvier 2007, les clients qui n'ont pas choisi de fournisseur sont automatiquement basculés chez un "fournisseur désigné", qui est le partenaire privé historique de l'intercommunale, Electrabel pour la plupart, Luminus pour certains.

A partir de là, les participations financières croisées entre les intercommunales, dont les principales se regroupent en Wallonie sous le nom d'ORES, et Electrabel se dénouent petit-à-petit. En 2015, Electrabel détient toujours 25% d'ORES, qu'il compte céder rapidement et est sorti totalement du capital de Sibelga, le GRD de la région de Bruxelles-Capitale.

Pendant ce temps-là, en France

La libéralisation du marché en France est aussi l'histoire de la séparation des activités de distribution et de fourniture, mais différemment. Lorsqu'EDF se sépare d'ERDF juridiquement en 2008, le lien financier persiste. Aujourd'hui encore, ERDF est détenu à 100% par EDF et l'Autorité de la Concurrence souligne régulièrement la confusion entretenue volontairement entre les deux entreprises. Dernièrement, la CRE critiquait d'ailleurs la confusion entre ERDF et EDF.

En France, les factures ont toujours été libellées au nom d'EDF, avant et après la libéralisation. La marque est tellement gravée dans l'esprit des Français, qu'il n'est pas rare d'entendre le compteur électrique qualifié de "compteur EDF", ou la facture d'électricité, exigée pour les démarches administratives de facture EDF. Il n'y a donc pas eu en France de rupture de nature à éveiller les consommateurs d'électricité à la libéralisation.

Enfin, en France, l'Etat détient encore 84,5% d'EDF. L'Etat est donc largement en mesure de dicter à EDF sa politique, de fixer des tarifs réglementés en fonction de considérations électorales, et de faire financer cela par EDF. En Belgique, l'Etat fédéral n'a jamais détenu Electrabel ou GDF Suez, sa maison-mère, et a donc géré la libéralisation avec plus de détachement.

Le mot de l'expert

"La différence entre la France, encore largement sous l'emprise de l'ex-monopole public, et la Belgique, où le marché de détail de l'électricité est prospère, tient donc à 3 facteurs essentiels : la détention publique du premier fournisseur d'électricité, la persistance d'une marque forte à travers la libéralisation et une séparation encore confuse des activités de fourniture et de distribution d'électricité."

Aurian de Maupeou Aurian de Maupeou

Sélectra est présent en Belgique sous la marque Callmepower.be.

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