De 70 à 100 euros en liquide : pourquoi la BCE conseille de garder du cash chez soi
La Banque centrale européenne (BCE) vient de publier une note au titre sans détour : « Keep calm and carry cash ». Message central : conserver entre 70 et 100 € en liquide par personne à la maison, de quoi couvrir 72 heures de besoins essentiels en cas de crise soudaine. Un appel à la panique ? Plutôt une recommandation pragmatique : quand l’électricité tombe ou qu’Internet lâche, le cash reste l’ultime filet de sécurité.
70 à 100 € cash par personne : c’est le bas de laine préconisé par la BCE dans son étude publiée ce mercredi 24 septembre. L’argument avancé ? D’un côté, perdre l’accès au paiement électronique (panne, cyberattaque, réseau hors-ligne) rend la petite coupure soudain précieuse pour acheter eau, nourriture ou encore médicaments. De l’autre, à l’échelle macro, les billets servent de plan B au système de paiements : une roue de secours qui coûte peu, mais évite la panne sèche.
💶 Le « paradoxe des billets » expliqué
Dans nos dépenses quotidiennes, la part du cash diminue au profit du sans contact et des virements. Pourtant, la valeur totale des billets en circulation est restée stable ces 10 dernières années et représente encore plus de 10 % du PIB de la zone euro. Ce décalage - moins de paiements en cash, mais davantage de billets détenus - est ce que les économistes appellent le “paradoxe des billets”.
L’explication ? Dans les périodes d’accalmie, on paie volontiers en carte ; en temps de crise, on accumule des billets pour l’assurance qu’ils procurent : liquidité immédiate, autonomie, confidentialité, et fonctionnement hors ligne.
👛 4 crises, un même réflexe : se tourner vers l’espèce
L’étude de la BCE compare plusieurs crises récentes et montre un schéma clair : dès que la stabilité est menacée, la demande de cash s’envole.
- La pandémie de COVID-19 (2020) : la circulation nette de billets bondit de plus de 140 milliards d’euros en 2020, bien au-delà de l’augmentation annuelle « normale » (environ 55 milliards d’euros avant-crise). Soit une augmentation de 85 milliards (plus de 130 % !).
- L’invasion de l’Ukraine (février 2022) : plus les pays sont proches du conflit, plus la hausse est forte. Dans les pays frontaliers de l’Ukraine et de la Russie (Estonie, Slovaquie, Finlande, etc.), l’émission nette quotidienne de billets augmente de 36 % en moyenne au cours du premier mois de conflit… Jusqu’à atteindre un pic de 80 millions d'euros enregistrés en une journée, à la fin du mois de février 2022.
- Le blackout en Espagne (28 avril 2025) : quand réseau électrique et paiements électroniques s’écroulent, le cash devient le seul moyen de paiement pour ceux qui en ont. Les Espagnols l’ont bien compris durant la panne de courant massive qui a frappé le pays au printemps dernier : ce jour-là, les paiements par carte bancaire ont chuté d’environ 42 % dans les zones touchées, l’e-commerce de 54 %, et la consommation globale de 34 %. Dans un premier temps, les retraits aux DAB se sont écroulés - en cause, les machines à l’arrêt... avant de connaître un rebond dès le rétablissement de l’électricité, signe d’un restockage et d’une hausse de la réserve de précaution.
- La crise de la dette grecque (2014-2015) : au pic (juin 2015), l’émission nette mensuelle approche 5 milliards d’euros. Sur sept mois (fin 2014 à mi-2015), l’émission nette quotidienne est supérieure à 72 millions d’euros par rapport aux niveaux attendus, avec des sursauts fréquents, et surtout concordants aux annonces politiques et aux mesures prises par le gouvernement (banques fermées, contrôles de capitaux, plafonds de retrait…).
La conclusion de l’étude ? Qu’il s’agisse d’une crise sanitaire, militaire, financière ou encore structurelle, le billet joue à la fois le rôle de roue de secours et de réservoir de confiance. D’où la nécessité de toujours garder un peu de liquide chez soi…
Cette consigne rejoint d’ailleurs des recommandations publiques déjà bien connues aux Pays-Bas, en Autriche ou en Finlande. Cette dernière explore même la piste de distributeurs automatiques hermétiques aux cyberattaques et autres perturbations, pour sécuriser l’accès au liquide.