Crédit immobilier : fin de la clause de domiciliation bancaire ?
Adoptée le 11 avril 2019, la loi Pacte mettra-t-elle fin à l'obligation de domicilier ses revenus dans la banque lors de la souscription d'un prêt immobilier ? La loi annonce en effet un changement majeur pour les emprunteurs, qui seront désormais maîtres de leur choix de domiciliation. Quels sont les avantages pour les consommateurs ? Selectra revient sur les changements à venir en termes de domiciliation bancaire et de crédit immobilier.
Domiciliation bancaire et crédit immobilier
Qu’est-ce que la domiciliation bancaire ?
La domiciliation bancaire consiste à recevoir ses revenus mensuels sur un compte de la banque de son choix. Concrètement, il s’agit de fournir à son employeur un RIB afin qu’il puisse verser un salaire sur le compte, ou de même avec toute autre entité susceptible de verser un revenu : pension de retraite, allocations, revenus d’auto-entreprise, entre autre.
Le terme « domiciliation bancaire » est peu utilisé par les particuliers, on parle plutôt de banque principale.En effet, iI est également possible de domicilier des virements et prélèvements réguliers comme le loyer, l’abonnement téléphonique ou encore les factures d’électricité, entre autres.
Clause de domiciliation et prêt immobilier
Dans le cadre d’une demande de prêt immobilier, il était d’usage que la banque impose au particulier de domicilier ses revenus dans l’établissement. Pratique perverse et controversée, elle fut pourtant légitimée en janvier 2018 par une ordonnance du ministre de l’économie, Bruno Le Maire.
L’ordonnance avait pour but d’encadrer la domiciliation des revenus du client. La banque s’engageait par écrit à proposer au client un avantage individualisé, comme un taux de crédit préférentiel ou une réduction des frais. En contrepartie de cet avantage, la banque était en droit de requérir la domiciliation des revenus.
Ainsi, si l’emprunteur cessait de domicilier ses revenus dans la banque, il perdait inévitablement les avantages négociés à la base avec sa banque. Il pouvait alors voir son taux de crédit augmenté pour les mensualités restantes de son crédit, par exemple. L’avantage n’était définitivement acquis qu’au bout des 10 années. 10 années, donc, pendant lesquelles l’emprunteur n’avait d’autre choix que de domicilier ses revenus dans la banque.
La clause de domiciliation, un frein à la mobilité
Si l’ordonnance de 2018 fut mise en place pour protéger et avantager le consommateur, elle fut rapidement remise en cause du côté des consommateurs. Il était en effet difficile pour le client d’identifier si l’avantage proposé par la banque était réellement intéressant par rapport à d’autres, puisque le taux d’un crédit immobilier est par définition individualisé.
De plus, si le client souhaitait changer de domiciliation bancaire au cours de son prêt immobilier, il devait attendre 10 ans pour ne pas perdre les avantages négociés lors de la contraction du prêt. Un véritable frein à la mobilité bancaire puisque les consommateurs n’avaient alors aucun intérêt à changer de banque, même s’ils le souhaitaient.
Le consommateur avait donc tendance à garder comme banque principale la banque dans laquelle il avait souscrit le crédit. Une aubaine pour les banques qui fidélisent ainsi plus facilement leurs clients mais un obstacle pour le consommateur qui souhaite changer de banque.
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Suppression des clauses de domiciliation : qu’est-ce que ça change ?
L’adoption de la loi Pacte
Le jeudi 11 Avril 2019, les députés ont adopté la loi Pacte (Plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises). La loi Pacte devrait entrer en vigueur en juin prochain après validation du Conseil Constitutionnel. Mais que va-t-elle réellement changer pour la domiciliation bancaire ?
En adoptant la loi Pacte, les députés ont supprimé la possibilité pour une banque d’imposer la domiciliation des revenus au client qui contracte un prêt immobilier. La domiciliation des revenus du client redevient un paramètre de négociation orale du contrat, sans valeur contractuelle.
Grâce à ce nouvel amendement de la loi Pacte, la domiciliation bancaire ne sera donc plus une clause récurrente du contrat mais bel et bien un élément de discussion lors de la signature du prêt. La validation du projet de loi Pacte lève ainsi un frein important à la mobilité bancaire pour tous les emprunteurs.
Non conformité des textes sur la domiciliation L’ordonnance relative à la domiciliation bancaire mise en place en 2018 est donc supprimée un peu plus d’un an après. Ce changement de cap plutôt rapide s’explique par le fait que le texte n’était pas conforme aux directives européennes sur la domiciliation, selon l’Association française des usagers des banques.
Quels avantages pour les emprunteurs ?
En pratique, la banque pourra toujours proposer au client emprunteur de domicilier ses revenus dans son établissement, mais c’est au client de faire le choix définitif. La domiciliation des revenus ne sera plus inscrite dans le contrat de base, le client sera ainsi libre de changer de domiciliation bancaire lorsqu’il le souhaite.
Cela deviendra alors un vrai levier de négociation pour le consommateur, puisque la banque aura tout intérêt à lui proposer des avantages individualisés pour convaincre son client de domicilier ses revenus dans son établissement. De leur côté, les emprunteurs pourront proposer à la banque de domicilier leurs revenus dans l’établissement, si celle-ci s’engage à leur faire bénéficier d’avantages comme un taux préférentiel ou encore une réduction de frais.
De même, la banque ne pourra plus appliquer de majorations pour absence de domiciliation, même si le client change de banque pendant la durée son prêt immobilier. Le client sera donc libre d’accepter la domiciliation de ses revenus dans la banque créditrice, et tout aussi bien changer d’avis plus tard, sans pour autant se voir sanctionner.