Héritage : les frais bancaires de succession désormais encadrés par la loi
C’est une réforme discrète, mais profondément symbolique. Le Parlement a adopté, lundi 5 mai, une loi qui encadre strictement les frais bancaires appliqués lors d’une succession. Ce texte attendu met fin à des pratiques jugées opaques, voire abusives, dans un moment de grande vulnérabilité pour les familles endeuillées.
La loi, votée à l’unanimité au Sénat après un premier passage à l’Assemblée nationale en décembre, sera promulguée dans les 15 jours et entrera en vigueur avant fin 2025. D’ici là, des décrets d’application viendront fixer les plafonds précis. L’objectif est clair : mettre fin aux écarts tarifaires excessifs entre établissements bancaires et soulager les héritiers, en particulier lorsqu’il s’agit de sommes modestes ou d’enfants décédés.
Trois mesures concrètes
Le texte adopté le 5 mai contient trois dispositifs majeurs qui bouleversent la pratique actuelle des banques en matière de succession :
1️⃣ Suppression des frais si le défunt est mineur
C’est la mesure la plus symbolique : lorsqu’un enfant décède, aucun frais de succession ne pourra être appliqué. Plus de clôture de livret A ou de compte courant à prix d’or. Tout sera gratuit, quel que soit le montant.
2️⃣ Gratuité pour les “petites” successions
Si les sommes détenues par le défunt sont modestes — moins de 5 910 euros à ce jour (un seuil évolutif révisable par arrêté) — les héritiers ne paieront aucun frais de traitement bancaire, à condition que la succession soit jugée simple (pas de prêt immobilier, d’héritier inconnu ou d’avoir à l’étranger).
3️⃣ Plafonnement à 1 % pour les cas complexes
Pour toutes les autres situations (succession avec indivision, biens immobiliers, comptes à l’étranger, etc.), les frais seront plafonnés à 1 % du total des sommes détenues. Un plafond absolu, encore à préciser par décret, viendra compléter ce dispositif pour éviter les excès.
Une charge financière et émotionnelle
Lorsqu’une personne décède, ses comptes bancaires sont immédiatement bloqués. Pour les débloquer, les établissements bancaires réclament une série de documents (acte de décès, certificat d’hérédité, attestation notariale, etc.), puis facturent des “frais de traitement de succession”. En théorie, ces frais couvrent l’analyse de la situation patrimoniale, la vérification des ayants droit, la clôture des comptes ou encore les transferts d’avoirs.
En pratique, ces opérations donnaient lieu à des facturations très variables, souvent peu lisibles pour les familles. En 2023, ces frais atteignaient en moyenne 291 euros par succession, selon un rapport parlementaire. C’est trois fois plus qu’en Belgique ou en Italie. La facture pouvait même grimper bien plus haut pour des successions complexes ou des comptes multiples. Aucune harmonisation n’était imposée aux établissements.
L’affaire qui a tout changé
La réforme trouve son origine dans un fait divers devenu édifiant : en mai 2021, un couple se voit facturer 138 euros pour clôturer le livret A de leur fils de 8 ans, décédé brutalement. Une somme perçue comme un coup de poignard supplémentaire dans un moment de deuil. L’affaire avait provoqué l’indignation générale, relancée par des élus de tous bords.
Depuis, les “taxes sur le deuil” — comme les surnomment plusieurs parlementaires — ont cristallisé les critiques. La députée socialiste Christine Pirès-Beaune, à l’initiative du texte, dénonçait l’absence de cadre légal et les hausses silencieuses de ces frais, année après année.
Une réforme saluée par l’ensemble des partis
Fait rare : la proposition de loi a été votée à l’unanimité, aussi bien à l’Assemblée nationale qu’au Sénat. Dans un communiqué, le Parti socialiste s’est félicité d’un texte qui “apporte une amélioration concrète et immédiate dans la vie de millions de Français”. La ministre déléguée à l’Économie sociale et solidaire, Véronique Louwagie, y voit une avancée importante “pour protéger les familles et restaurer la confiance dans le système bancaire”.
Du côté des banques, la réforme est accueillie avec prudence, mais sans opposition frontale. La Fédération bancaire française, souvent critiquée sur ce sujet, affirme suivre de près la publication des décrets pour adapter ses procédures.
Une mise en œuvre encore à suivre
La loi prévoit une application dans un délai de six mois, ce qui laisse le temps au gouvernement de fixer par décret les plafonds définitifs. En attendant, les familles concernées sont invitées à demander des précisions écrites sur les frais appliqués et à se tourner, si besoin, vers les médiateurs bancaires en cas de litige.
À terme, la réforme pourrait également pousser les banques à repenser la lisibilité de leurs grilles tarifaires, encore trop peu transparentes selon plusieurs associations de consommateurs.
À retenir : les points-clés
- Suppression des frais si le défunt est mineur
- Gratuité pour les successions simples de moins de 5 910 €
- Plafond de 1 % pour les cas complexes, avec limite à venir
- Entrée en vigueur avant fin 2025
- Décrets attendus pour finaliser les montants plafonds