-30% sur les allocations RSA : faut-il avoir peur du nouveau décret « suspension remobilisation » ?
Depuis le 1er janvier 2025, les allocataires du RSA sont soumis à un contrat d’engagement avec France Travail. Un décret paru le 31 mai vient durcir les sanctions en cas de manquement. Fini les suppressions automatiques : place à la « suspension-remobilisation », une nouvelle logique supposée plus juste… mais déjà critiquée.
C’est officiel, le RSA n’est plus un droit inconditionnel. Depuis janvier, tout bénéficiaire est automatiquement inscrit à France Travail et doit signer un contrat d’engagement, qui impose notamment 15 heures d’activités hebdomadaires obligatoires (formations, candidatures, immersions en entreprise…).
Un décret publié le 31 mai 2025 précise désormais le régime de sanctions en cas de manquement à ces obligations. L’exécutif abandonne les sanctions automatiques et brutales, au profit d’un nouveau dispositif baptisé « suspension-remobilisation ».
👉 Concrètement :
- En cas de premier manquement (absence à un rendez-vous, non-respect des heures d’activité…), l’allocation pourra être suspendue de 30 à 100 % pendant 1 à 2 mois.
- Pour les foyers composés de plusieurs personnes, le plafond est limité à 50 % de l’allocation.
- En cas de récidive ou de refus répété d’une offre d’emploi jugée raisonnable, la sanction pourra aller jusqu’à 4 mois de suspension.
« Aucune sanction ne pourra être prononcée sans que la personne ait été mise en mesure de présenter ses observations », assure le ministère du Travail dans un communiqué publié le 1er juin.
RSA suspendu, mais récupérable : le gouvernement mise sur la bonne volonté
Ce nouveau barème introduit une philosophie différente : il ne s’agit plus de punir d’emblée, mais de remobiliser les allocataires sur leur parcours d’insertion. Le gouvernement veut encourager un retour rapide à l’emploi, tout en préservant l’accompagnement par des conseillers.
« Les sanctions ne sont plus automatiques, mais proportionnées et contextualisées », se félicite Astrid Panosyan-Bouvet, ministre déléguée chargée du Travail.
Et surtout, la suspension peut être levée à tout moment : si l’allocataire reprend ses démarches, respecte ses engagements ou justifie son absence, le versement du RSA peut reprendre.
Le ministère vante une approche plus humaine, avec « une alternative à une suppression pure et simple du revenu ou des allocations », qui permet « de ne pas rompre la relation d’accompagnement ».
Testée depuis juillet 2024 dans huit régions, cette approche n’aurait pas entraîné d’augmentation du nombre de sanctions, selon France Travail.
Une chasse aux chômeurs ? Le décret vivement contesté
Mais cette évolution réglementaire ne fait pas l’unanimité. Le Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale (CNLE) a exprimé son inquiétude dès la publication du décret, dénonçant : « l’illusion d’un alignement avec l’ensemble des demandeurs d’emploi », qui ignore « les fragilités spécifiques (santé, isolement, difficultés psychologiques) » de nombreux bénéficiaires du RSA.
De son côté, l’Union syndicale Solidaires 21 est montée au créneau en parlant d’un « décret de la honte » et d’un « tournant punitif dans la politique d’insertion ». Le syndicat fustige une politique de « chasse aux chômeurs » et réclame l’abrogation du texte.
« Ce décret constitue une agression directe contre les travailleurs les plus vulnérables », accuse Solidaires 21, qui appelle à une mobilisation nationale.
Le débat est donc lancé. Si le gouvernement met en avant une « responsabilisation équilibrée », les opposants y voient une pression accrue sur les plus précaires, dans un contexte économique déjà fragile.