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Sous-estimation de consommations d'électricité et régulations tardives : le Médiateur tire la sonnette d'alarme

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Dans son rapport publié le 16 juin dernier, le Médiateur national de l'énergie passe en revue les litiges liés aux rattrapages de factures suite aux sous-estimations de consommations d'électricité faites par les fournisseurs et tire la sonnette d'alarme.

Pourquoi de tels écarts entre consommation estimée et réelle ?

Les causes "naturelles"

Ces écarts peuvent être simplement dus à un hiver plus rude d'une année sur l'autre ou à l'arrivée d'un habitant supplémentaire dans le logement. Lorsque le fournisseur prend ainsi comme base de facturation la consommation de l'année précédente et que celle-ci varie à la hausse en raison d'une surconsommation de chauffage ou d'eau chaude, il arrive que le client ait à payer une facture de régularisation à laquelle il ne s'attendait pas.

Les causes "provoquées"

Depuis l'ouverture totale du marché de l'énergie à la concurrence achevée en 2007, les fournisseurs historiques EDF et GDF Suez (Engie), sont confrontés à la concurrence de fournisseurs alternatifs comme Direct Energie, Lampiris ou Planète Oui dont les tarifs s'avèrent parfois plus bas que les tarifs réglementés. Lorsqu'une personne emménage et compare les tarifs des fournisseurs, elle se base souvent et par erreur sur le budget mensuel estimé par le fournisseur pour arrêter le choix de son fournisseur. Or, ce budget estimé est fixé sur la base d'une estimation du nombre de kWh probablement consommés par le futur client sur une année. Une sous-estimmation de cette consommation a pour impact de diminuer fortement le budget mensuel annoncé lors de la souscription sans diminuer bien sûr le budget de la consommation réelle à payer en fin d'année. D'un fournisseur à l'autre, un choix éclairé ne peut donc se faire qu'en comparant, pour une même estimation, le prix du kWh chez plusieurs fournisseurs. Quel que soit le fournisseur choisi, une facture de régularisation calculée sur la base de relevés de compteurs réalisés par le gestionnaire du réseau, ERDF, est envoyée une à deux fois par an, de façon à ce que le consommateur paye ce qu'il a réellement consommé. Les fournisseurs peuvent donc être tentés de sous-estimer légèrement la consommation afin de faire basculer le choix du client de leur côté.

Des sous-estimations à l'endettement, il n'y a qu'un pas

[Ce type de litige] n'est pas marginal. Rapport du Médiateur national de l'énergie - 16 juin 2015

Le Médiateur site dans son rapport une situation soumise à médiation loin d'être un cas d'école. Dans cette affaire, un particulier client d'EDF déménage et prévient son fournisseur que sa consommation d'électricité risque d'augmenter en raison de son nouveau mode de chauffage électrique. EDF ne tient pas compte de son alerte et continue de prélever le montant mensuel prélevé antérieurement. Suite au passage d'ERDF, le client communique à EDF son index relevant que sa consommation est supérieure à la consommation estimée. Indication non prise en compte par le fournisseur qui lui rembourse même sept mois plus tard un trop perçu de 72 euros. Encore un an plus tard, le client recevra une facture de régularisation de 2456 euros le plaçant dans une situation financière critique. Il fait alors appel à une assistante sociale qui lui obtient un échéancier de paiement sur un an, précédemment refusé par son fournisseur.

Des négligences condamnées par le Médiateur

Logo Médiateur national de l'énergie

Le Médiateur saisi de l'affaire publie une recommandation dans laquelle il rappelle que l'article L 121-91 du code de la consommation dispose qu'EDF "a l'obligation de facturer ses clients une fois par an sur la base de leur consommation réelle" et constate que le fournisseur "a manifestement failli à cette obligation pour des raisons qui lui sont totalement imputables, et indépendantes des relevés du compteur qui ont été effectués convenablement par ERDF". Le Médiateur estime enfin qu'EDF aurait dû "proposer spontanément un échelonnement du paiement en douze mensualités" et recommande à EDF d'accorder à son client un dédommagement revenant à limiter le rattrapage à une année, soit 1040 euros.

Limitation des rattrapages de factures à un an : une recommandation non suivie par EDF

Lorsque les régularisations tardives tiennent au manque de rigueur du gestionnaire de distribution ou du fournisseur, ce n'est pas au consommateur d'en assumer les conséquences".

Cela fait plusieurs années que le Médiateur tente d'imposer l'idée selon laquelle les rattrapages de facturation devraient être limités à une année. Mais ses recommandations n'ont pas de caractère contraignant. Dans l'affaire relatée, EDF refusera d'ailleurs de prendre en compte cette recommandation et limitera le dédommagement de son client à 275 euros (soit 10% de la facture de régularisation). Saisi à son tour de l'affaire, le tribunal de proximité de Montpellier rendra un jugement conforme à la recommandation du Médiateur de l'énergie et condamnera EDF à rembourser à son client la somme de 1040 euros. Ce type de litige représente 30% des recommandations du Médiateur (Source : Rapport du Médiateur).

Une recommandation entendue à l'Assemblée nationale

Jean Gaubert, Médiateur de l'énergie

Jean Gaubert, Médiateur national de l'énergie.

Le Médiateur ne compte pas s'arrêter là. Son président, Jean Gaubert, entendu à l'Assemblée nationale par la commission chargée de l'examen du projet de loi relatif à la transition énergétique, a fait entendre son souhait de voir le Parlement intervenir. Un amendement suivant la volonté du Médiateur a été adopté mais modifié par le Sénat qui a choisi de limiter la facturation de rattrapage à quatorze mois de consommation précédent le relevé de l'index du compteur ou la transmission d'une auto-relève. Ce texte devrait entrer en vigueur un an après la publication de la loi.

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