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Comment EDF s'affranchit du plafond de salaire des dirigeants d'entreprise publique

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EDF vient d’instaurer un parachute doré pour son nouveau PDG, Jean-Bernard Lévy, tout en communiquant sur une attribution « sous conditions » (Le Monde du 11 avril 2015). Il s'agit en réalité d'un retour en arrière par rapport au décret n° 2012-915 du 26 juillet 2012 relatif au contrôle de l'Etat sur les rémunérations des dirigeants d'entreprises publiques. On pourrait même s'attendre à ce que la justice soit saisie sur ce complément de rémunération. Nous vous racontons la petite histoire.

La baisse du salaire d'Henri Proglio

Jean Bernard Lévy

Jean Bernard Lévy est le nouveau P-DG d'EDF. Il a remplacé Henri Proglio le 26 novembre 2014.

En 2012, le candidat François Hollande est élu sur de nombreuses promesses dont la limitation du salaire des "patrons" à 20 fois le plus bas salaire de l'entreprise. Par un décret entré en vigueur le 1er octobre 2012, le salaire des "mandataires sociaux" des entreprises publiques est limité à 450 000 euros brut (soit 26 fois le SMIC). Le salaire d'Henri Proglio, PDG d'EDF baisse alors de 1,59 million en 2011 à 457 000 euros en 2013. Une véritable descente aux enfers pour M. Proglio, qui ne bénéficie alors d'aucun parachute doré, ni d'aucun régime de retraite spécifique (la "retraite-chapeau").

Et en effet, lors de la passation de pouvoirs de M. Proglio à M. Lévy à la tête de l'électricien public en octobre 2014, M. Proglio quitte EDF sans parachute doré. Il est néanmoins nécessaire de préciser que la retraite chapeau de son précédent poste chez Veolia lui assure déjà 720 000 euros annuels (Le Point, 6 février 2015).

Niveau de salaire des patrons, une mesure symbolique

La promesse de François Hollande s'attachait aux patrons, quels qu'ils soient. En réalité, la tentative d'imposer cette mesure aux entreprises privées a échoué en 2013. En outre, le terme de "patron" a été circonscrit aux mandataires sociaux, ce qui permettra à M. Proglio de devenir le 330ème salaire d'EDF après sa baisse de salaire de 2012 (une affirmation de François Brottes, député PS).

Si les 329 plus gros salaires d'EDF sont probablement perçus par des salariés de long-terme consacrant leur vie professionnelle à l'entreprise, il n'en reste pas moins que la mesure de réduction des inégalités salariales entre patrons et salariés du bas de l'échelle est symbolique et touche peu aux inégalités salariales globales dans les entreprises publiques. Le "mercenariat" de patrons qui tournent d'une entreprise publique à l'autre au gré des échéances électorales est également inquiétant pour la performance et l'assainissement de l'économie nationale.

La condition de l'attribution d'un "parachute doré", fixé entre 200 000 euros et un an de salaire (soit 450 000 euros) à Jean-Bernard Lévy par le conseil d'administration d'EDF n'est-elle pas illusoire ? Ne s'agit-il pas d'un élément de salaire déguisé, et contraire à la limitation des salaires des patrons des entreprises publiques à 450 000 euros ? Le parachute doré est conditionné à l'obtention d'au moins 80% de l'EBITDA budgété sur au moins 2 des trois derniers exercices. C'est en réalité un élément de salaire variable, puisqu'associé à l'atteinte d'une performance (par ailleurs peu contraignante, au regard de la stabilité des résultats d'EDF). En outre, le mode de calcul (200 000 euros minimum, puis 60 000 euros par trimestre d'ancienneté, jusqu'à 450 000 euros maximum) permet de donner une apparence de plafonnement assez bas et conditionné de ce parachute doré, alors qu'il mène en réalité à une forte augmentation jusqu'à... l'élection présidentielle de 2017, où M. Lévy peut craindre de perdre son poste.

On arrive là à la dernière condition: "sur décision du Conseil d’administration, uniquement en cas de départ contraint". On imagine difficilement M. Hollande changer le PDG d'EDF d'ici 2017, et le risque principal pour M. Lévy est donc un changement d'exécutif, que couvre cette condition assortie au parachute doré.

Mais alors, qui est ce conseil d'administration qui a voté ce parachute doré sous conditions, qui ressemble fort à un élément de rémunération variable perçu en fin de mandat ? 11 administrateurs nommés par les actionnaires, souvent des grands patrons ou des hauts-fonctionnaires, un représentant de l'Etat et 6 administrateurs nommés par les syndicats, sous la présidence de Jean-Bernard Lévy, PDG.

Un autre argument laissant penser que ce parachute doré est un élément variable de salaire est la fréquence à laquelle les mandataires sociaux d'entreprises publiques ou cotées au CAC40 touchent ce type d'"indemnités de départ". M. Lévy a déja touché chez Vivendi 3,9 millions d'euros d'indemnités de départ et bénéficie en outre d'un régime de retraite "additif" dont le montant n'est pas précisé (Le Monde, 27 février 2013).

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